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4,27

sur 3161 notes
Illusions perdues.

1982. Georges vient de faire une promesse à son ami Samuel. Finir son grand oeuvre, monter "Antigone" de Jean Anouilh à Beyrouth avec des acteurs de chaque communauté. Une forme de pied de nez à la guerre.

Tout n'est que tragédie dans ce roman magistral. Tout d'abord par l'enjeu principal, monter une tragédie dans un contexte de guerre. Et pas n'importe quelle tragédie. "Antigone" de Jean Anouilh. Antigone qui choisit de se sacrifier, de renoncer à la vie pour dénoncer une injustice.

Mais aussi par l'itinéraire de son héros Georges. Anarchiste, communiste, il ne vit que par et pour son idéalisme. Sa rencontre avec Samuel juif grec et réfugié politique est un coup du destin. Une amitié fraternelle se noue entre les deux hommes. Ainsi lorsque son ami est mourant et lui fait promettre de finir de monter Antigone sous les bombes. le sort de Georges est définitivement scellé.

Parti avec son idéalisme, celui-ci se brisera en mille morceaux au contact de la guerre, de la réalité. Rien n'est blanc, rien n'est noir. La victime d'aujourd'hui peut s'avérer être le bourreau d'hier. Quelque soit leur camp, j'ai ressenti une immense empathie pour les différents personnages. Leur sort m'a parfois bouleversée, parfois révoltée.

L'évolution de Georges est intéressante. Si son idéalisme le porte et le fait vivre, c'est également ce dernier qui contribuera à le détruire à petit feu. Peu à peu il devient un personnage à part entière de la tragédie.

Bref, un immense roman qui me marquera longtemps.
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Georges est un jeune militant, engagé dans les émeutes étudiantes des années 70, passionné de théâtre et de révolution.
Entre deux manifestations, il colle des slogans pro palestiniens sur les murs de Paris, et des uppercuts dans les estomacs d'extrême droites.
Quand il rencontre, au printemps 74, Samuel Akounis, metteur en scène grec et farouche opposant à la dictature de Papadópoulos, il ne se doute pas que cette amitié va bouleverser sa vie.
Car au début des années 80, le grand frère d'armes, atteint d'un cancer, lui fait promettre sur son lit de mort de monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth, au coeur de la guerre civile qui ravage le Liban, avec des acteurs venus de factions opposées.
L'Art, comme un rempart dressé contre la barbarie, capable d'unir les peuples le temps d'une représentation, c'est le projet fou, complètement utopique, imaginé dans le coeur d'un humaniste grec en phase terminale et de son ami anarchiste.

Antigone est une pièce que j'affectionne particulièrement, parce qu'adolescente, je m'étais fortement identifié à l'idéalisme fougueux de «la petite maigre » d'Anouilh.
Elle va risquer sa vie en bravant l'interdiction du pouvoir en place d'enterrer dignement son frère, désigné traitre par le roi. Son combat peut paraître dérisoire, et on pourrait juger vaniteuse son opiniâtreté; pourtant, il y une forme de grandeur dans le sacrifice d'Antigone pour une cause qu'elle juge plus grande que son bonheur et sa vie même.
Et quand on sait que la pièce fut écrite en 1942 sous l'occupation allemande, l'histoire prend un éclairage particulier…

Des frères ennemis, du sang versé pour une terre si longtemps disputée, une soeur de sang trop idéaliste, éprise de liberté.
Sorj Chalandon replace l'histoire d'Antigone dans le contexte du conflit libanais, sans complaisance pour aucun des différents camps, ni pour son personnage principal qu'il malmène dans ses contradictions.
Georges, avec ses discours de paix outrecuidants, m'a fait l'effet d'un petit garçon naïf qui joue à la guerre.
La réalité sur le terrain des affrontements le rattrape vite. C'est très agaçant de le voir gesticuler pour une simple pièce de théâtre, alors que la mort est partout, que la peur est le quotidien des gens.
C'est très agaçant mais c'est cela qui le rend si proche d'Antigone, cet orgueil immense qu'ils ont en commun.
Ce parallèle est très bien vu et construit tout le livre.
L'écriture quand à elle est puissante, avec ce lyrisme caractéristique qui m'avait un peu gêné par moments dans Retour à Killybegs, et qui ici porte le récit, exacerbe l'horreur et l'obscénité des scènes de massacres des populations. J'ai été bouleversé par certaines pages, d'une violence insoutenable.

Le mot de la fin est laissé à Anouilh,
« Tous ceux qui avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire - même ceux qui ne croyaient en rien, et qui se sont trouvés rapidement pris par l'histoire sans rien y comprendre. Morts, pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore, vont commencer à les oublier et à confondre leurs noms. C'est fini. »
Finalement les guerres, celles-ci mais toutes les autres aussi, sont terriblement vaines. Et l'idéalisme acharné d'une Antigone ou d'un Georges n'y changera rien.
Là est toute la tragédie.
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Suite à un voyage au Liban dont je reviens tout juste, j'avais pour projet de lire ce livre pour approfondir le sujet sur un des nombreux conflits ayant touché ce beau pays. Et même si la première partie du roman ainsi que l'idée liée à la pièce antigone m'a d'abord plu, je trouve que ce livre devient mauvais à sa moitié. le personnage est détestable, un espèce d'anarchiste en manque de sensation, nostalgique de son passé d'étudiant néo-revolutionnaire qui en abandonnant lâchement sa famille se casse littéralement vivre une guerre n'étant pas la sienne comme le souligne justement un personnage du livre. de plus, les sous-entendus permanents de l'auteur visant à faire des chrétiens des méchants sanguinaires, sans coeur ayant le goût de la guerre sont assez pénibles et ne correspondent pas à la réalité de ce conflit, du moins elle est tronquée. Pour finir j'ai trouvé les dialogues mauvais et peu crédibles en atteste le passage où le combattant chrétien se mets à réciter un poème de Victor Hugo avant de tirer de sa fenêtre au sniper, un frisson de gêne m'a traversé je l'avoue. Un 4/10 pour ma part car j'ai aimé la première moitié et l'idée du livre mais la forme n'y était pas et l'auteur
est agaçant.
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M. Chalandon dit , lors d'une interview, qu'il a mis dans ce livre les images qui le hantent depuis qu'il a couvert, en tant que journaliste, la guerre du Liban et plus précisément le massage de Sabra et Chatila.
L'auteur voudrait retourner au Liban...
C'est la fiction qui va lui permettre de refaire ce chemin.
C'est l'intensité d'une guerre que nous "vivons" à travers le théâtre, Sam, Aurore, Louise, Imane, Marwan et son fils, Charbel...
"Le pays de ce livre, c'est la guerre."
C'est poignant et terrifiant. Rarement un roman ne m'aura autant noué le ventre.
Ce récit a peut-être aussi une résonance particulière à cause du contexte actuel.
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Antigone de Jean Anouilh est une pièce de théâtre appréciée des lycéens car l'héroine incarne la résistance à l'ordre établi, l'intransigeance de l'idéal ,la volonté d'aller jusqu'au bout de ses choix même si cela doit lui coûter la vie ( on passe souvent sous silence qu'elle entraine dans la mort son bien aimé et la mère de celui-ci... qui n'avaient peut être pas envie de quitter aussi tôt cette vallée de larmes...)
Il n'est donc pas étonnant que le prix Goncourt des Lycéens ait été attribué en 2013 à ce roman dont Antigone est en fait le personnage central.
Pièce crée à Paris en pleine occupation allemande, elle résonne comme un cri de révolte face à l'oppression et se prête donc à une adaptation dans un pays ravagé par la guerre.
C'est ce qui a conduit Sam metteur en scène juif échappé De Grèce au moment du terrible régime des colonels, à proposer de monter la pièce à Beyrouth en faisant jouer les différents personnages par des membres des différentes communautés belligérantes.
Quelle belle idée généreuse mais nous sommes en 1982 et la guerre du Liban déchire le pays pour connaître en cette année funeste de tragiques rebondissements.
Sam, dévasté par la maladie, ne peut plus voyager et il charge son ami Georges de partir à sa place pour rencontrer les acteurs et faire quelques répétitions.
Et voici Georges , le gauchiste pro-palestinien, habitué aux coups de poings entre étudiants de factions rivales, qui va laisser femme et fille à Paris pour aller vivre le rêve de son ami dans une des zônes les plus dangereuses de la planète.
C'est le chemin de croix de Georges qui nous est raconté par l'auteur avec une précision affreuse car rien n'est épargné ni la peur, ni le sang, ni les larmes et le lecteur va vivre de l'intérieur, à hauteur des individus, le tragique de la guerre et de son cortège de haine et de vengeance aveugle.
Comme la décision d'Antigone de braver les lois pour faire ce que sa conscience lui dicte, va semer la mort autour d'elle , il en ira de même pour Georges, cet Antigone masculin, que ses idéaux conduiront à la destruction et à la ruine de sa famille.
Cette lecture me laisse amère car loin d'admirer ce parcours, je me demande pourquoi ce gâchis ? Qu'est ce que Georges a apporté de plus à ceux dont il a partagé le terrible sort ? La compassion ne peut elle conduire qu'au sacrifice ultime ?
Après avoir été témoin des pires horreurs, peut on encore vivre comme avant ? Manifestement non, nous dit Sorj Chalandon . Il y a des peines que l'art ne saurait soulager et l'amour est impuissant pour lutter contre les plus graves traumatismes.
Un roman fort et triste, vraiment très noir qui ne conduit pas à voir les hommes sous un jour bien riant.
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Il m'est très difficile de chroniquer ce roman, pour plusieurs raisons.

La première, c'est probablement l'émotion qui m'a coupé le souffle à plusieurs moments du livre. Oui, physiquement, j'ai eu la respiration courte devant cette violence. Devant la folie meurtrière des hommes qui semble ne pouvoir s'arrêter tant la vengeance appelle un autre acte à venger. Tout cela est décrit avec une écriture viscérale, abrupte qui secoue, ébranle au plus profond.

J'ai eu l'impression d'être dans cette guerre et, si j'admire cette capacité de l'auteur à rendre son texte si réel, je n'ai pas du tout, mais alors pas du tout aimé ça.

La seconde, c'est que j'ai manqué de culture pour comprendre toutes les subtilités de ce texte. A la fois parce que j'ignore trop de l'histoire du Liban et de cette guerre civile, les tenants et les aboutissants, les groupes et religions en présence... Mais aussi parce que je ne connais pas l'Antigone d'Anouilh. Or, je suis convaincue qu'il y avait un sens profond à chaque personne choisie pour incarner chaque personnage.

L'écriture de Sorj Chalandon est incroyable, c'est un uppercut violent, à l'image de ce qu'elle décrit. Et cette violence m'a été très pénible même si ces devoirs de mémoire sont nécessaires.
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C'était mon premier roman de l'auteur, et recommandé par mon libraire. Il m'avait dit, "C'est dur mais c'est beau".
Effectivement.
Le défi est audacieux, monter une pièce d'Anouilh, "Antigone", à Beyrouth.
Quand on voit qu'elles peuvent être les difficultés à monter une pièce, ici, dans l'hexagone, -pour des amateurs, et je suis un peu "pas trop mal placé", j' i fait pratiqué l'activité théâtrale pendant une quinzaine d'années-: trouver un lieu pour répéter, trouver des comédiens et comédiennes qui vous suivront jusqu'au bout de l'aventure et de la générale, avec des hommes et femmes qui apprendront leur texte au plus vite et d'autres qui seront encore sur le fil du rasoir le soir de la Première, constater qui restera ensuite à vos côtés et ne vous lâchera pas au bout de quelques mois, pensant avoir fait "le tour de son personnage", le temps passé à gérer les "egos" des uns-unes et des autres: pas assez de texte, pas assez mis en valeur en tant que comédien, pas employé eu égard aux qualités intrinsèques que pensent détenir tel ou tel autre,....et la liste est longue, donc, en résumé, quand on voit les écueils, chausse-trappes et compagnie chez nous, imaginez le défi, la gageure d'aller jouer une pièce, classique, à Beyrouth, dans une ville "en guerre" et avec des personnes aux sensibilités diverses, différentes et opposées, tant politiques que religieuses.
Et pourtant, c'est de cette "aventure" humaine dont nous parle Sorj Chalandon, dans une langue qui lui est propre, dans son style spécifique, et qui semble croire en l'homme, en ne voyant que le verre à moitié plein à chaque fois, livrant dans son récit tout l'optimisme dont il dispose.
Alors, l'écriture, le théâtre, "activités" libératrices, rédemptrices, salvatrices, réunificatrices, peu importe les origines et le reste ?
La question que va se poser le lecteur et/ou la lectrice: ce projet "délirant" pourra-il être mené à son terme?
Réponse: lisez le livre pour le savoir. Et pas que...
En tout cas, je viens de trouver chez ce même libraire sept autres oeuvres de cet auteur, et je ne les ai pas laissées à quelqu'un d'autre.

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Ce roman est artistiquement et émotionnellement très réussi. Je me le suis pris de plein fouet.

Le Liban j'y suis allée, j'y ai adoré la beauté et la diversité des paysages, la chaleur et la convivialité des gens ainsi que la gastronomie.
J'ai bien vu les impacts de balles sur les bâtiments à Beyrouth, mais cela restait abstrait, comme venant d'une réalité parallèle.
La guerre civile, je connaissais son existence, sans prendre conscience de sa terrible réalité.
Erreur réparée, ignorance comblée.

L'argument de départ de cette histoire, c'est un pari complètement fou, celui de monter "Antigone", la poignante pièce de Jean Anouilh, dans le Beyrouth des années 80. En pleine guerre civile, donc. le defi est de taille, le but étant de réunir le temps d'un soir des adversaires, comme une parenthèse dans cette guerre. Antigone sera jouée par une palestinienne, Créon par un chrétien, le reste du casting réunissant un druze, trois chiites, une chaldéenne et une arménienne.
Tout est compliqué dans cette aventure, de la logistique aux ressentis ancestraux de ses protagonistes ; pourtant Georges, un français jeune marié et jeune papa, s'en empare. Il s'en empare pour poursuivre le rêve de son ami mourrant au départ, mais être confronté à cette guerre ne peut laisser indifférent. Sa vie s'en trouve complètement ravagée, à l'image du pays qu'il a découvert et des souffrances qu'il a embrassées.

Cette lecture s'est avérée aussi douloureuse que bouleversante. J'aime le Liban, j'aime Sorj Chalandon, j'aime (j'idolâtre) Antigone de Anouilh, je me faisais donc une joie de plonger dans cette lecture. Je n'ai rencontré ni cette joie ni le plaisir escompté, mais la catharsis a fait son oeuvre et je ressors de la rencontre avec ce texte pas tout à fait indemne.
Du grand art.
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Lu après «enfant de salaud », ce livre indispensable est une deuxième découverte du talent de Sordj Chalandon. George part au Liban en 82 pour honorer une promesse étonnante : il doit monter en pleine guerre fratricide une pièce de théâtre en trouvant des acteurs parmi les différents belligérants. Cette pièce est Antigone d'Anouilh.

Les horreurs vécues à Sabra et Chatilla le projette dans un autre monde dont il ne peut revenir.

George va rompre « le 4e Mur » , ce mur imaginaire qui sépare le public de la scène en devenant acteur de son destin malgré lui. il devra franchir cette frontière imaginaire au prix de sa mort.

Les tragédies grecques se reproduisent inmencablement de siècle en siècle … et l'actualité le prouve malheureusement..

ps: Il faudrait revoir ou relire Antigone pour apprécier encore mieux cette tragédie 🎭
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C'est avec ce livre, acheté après avoir lu je ne sais quelle recommandation, que j'ai découvert Sorj Chalandon. Je compte bien enchaîner avec cet auteur tant ce livre m'a plu. J'ai été absolument saisi par cette histoire, croisant la véritable Histoire méconnue (de moi).
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