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4,27

sur 3172 notes
J'écris cette critique avec un peu de distance. Cela fait quelques semaines que j'ai refermé ce livre.. et je crois avoir eu besoin d'un peu de temps pour le digérer. Déjà, j'avais été touché par Profession du père. Des mots doux et percutants pour décrire la réalité d'une enfance, d'un père, d'une mère, de la violence surtout. Une histoire d'une tristesse infinie, empreinte d'amour et d'idéaux.

J'ai retrouvé à nouveau cette profondeur dans le quatrième Mur. Il y est question d'amitié et de militantisme, de guerre et d'art. En le refermant, j'ai eu mal. Mal de cette guerre et des violences si crûment et ingénieusement amenées. Mal aussi, de cette rupture des liens humains, de ces armes comme seul moyen de communication. Puis, j'ai souri. Oui, j'ai souri à cette obsession d'amener l'art jusqu'au bout, comme seule possibilité de tenir, à cette amitié qui ne connait aucune limite, ni celles des frontières et encore moins celles du coeur. J'ai été profondément touchée par cette humanité complexe mais surtout cruellement réelle.

J'aime cette façon dont Sorj Chalandon écrit, cette facilité à la complexité et à la profondeur de l'humain.
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Mais quelle claque ! il y a de la poésie dans cette oeuvre, une poésie sombre, dure et violente mais si nécessaire pour évoquer la complexité de ce monde. Les engrenages sont puissants, la guerre civile Libanaise en est un des exemples les plus patents. Et le théâtre, là où tout se joue, le seul endroit assez puissant pour y jouer la vie, une autre, décaler nos univers, prendre soin de respirer à nouveau.
Une superbe lecture durant laquelle rien n'est oublié.
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Il y a quelques années, une anecdote (qui s'est avérée par la suite inventée) a fait dire à Winston Churchill, à qui on proposait de couper dans le budget des arts pour l'effort de guerre, la réplique suivante: "alors pourquoi nous battons-nous?" Toute inventée qu'elle soit, cette réponse m'a trotté dans la tête lors de ma lecture de ce livre.
Le projet de Samuel est à la fois simple et insensé: monter une pièce, Antigone de Jean Anouilh, dans un Beyrouth en guerre, où plusieurs communautés s'affrontent. Malade, il confie à George (le narrateur) la responsabilité de mener à bien son projet.
Je n'ai pas vraiment aimé le premier tiers du livre: j'ai trouvé l'histoire assez lente à se mettre en place et surtout, le narrateur assez antipathique, violent et donneur de leçon. Je n'aimais pas ses choix ni ses actes. Et puis il y a un tournant, l'arrivée au Liban a rendu le livre soudain beaucoup plus passionnant: à partir de là, j'étais captivée.
On peut bien sûr se dire: une pièce de théâtre en pleine guerre, c'est quoi cette idée absurde? Ils ont bien mieux à faire que d'organiser une pièce!? Et pourtant, je repensais souvent à la fausse citation de Churchill. Un monde sans art vaut-il la peine? L'art n'est-il pas là pour nous sauver quand l'horreur a pris toute la place?
Ce livre bouscule, fait trembler, hurle l'horreur de la guerre. Certaines scènes sont effroyables et contées de manière crue. le contraste est immense entre la violence de ce conflit insensé et la beauté des scènes de réunion et de répétitions des acteurs, où l'art ouvre toutes les portes. On s'attache aux personnages.
La fin est cruelle et m'a aussi laissée un peu perplexe.
C'est une lecture qui m'a marquée et que j'ai beaucoup aimée. Je pense qu'il est préférable d'avoir lu Antigone de Jean Anouilh avant d'entamer celui-ci, la lecture prendra davantage de sens. En ce qui me concerne, j'ai découvert la pièce de théâtre en classe de 3e, je l'avais alors adorée. Sorj Chalandon lui rend ici un très émouvant et brillant hommage.
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Retour de lecture sur "Le quatrième mur" , roman de Sorj Chalandon, publié en 2013. Ce livre, qui a remporté le prix Goncourt des étudiants, raconte l'histoire d'un metteur en scène qui, pour tenir une promesse faite à un ami mourant, décide de monter une pièce de théâtre, en l'occurrence "Antigone" d'Anouilh, dans le Beyrouth en guerre du début des années 80. le livre commence par un portrait de ce metteur en scène et personnage principal, Georges. Il montre à travers lui le contexte politique et le militantisme de ces années, avec cet homme d'extrême gauche enfermé dans ses positions dogmatiques, sa violence, et qui est souvent très déconnecté des causes qu'il défend. Suite à la promesse faite par cet homme de monter la pièce de théâtre, le roman prend une toute autre dimension avec une plongée terrible, et particulièrement poignante dans ce Liban en guerre pendant les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila. Ce livre dénonce la stupidité de cette guerre avec toutes ces fractions qui se battent entre eux, mais également la cruauté de celle-ci qui s'attaque sans scrupules à des victimes civiles. On assiste là à l'auto-anéantissement de tout un peuple. le tout est d'une rare violence, mais également d'une grande beauté. Sorj Chalandon a été reporter de guerre au Liban à cette époque et cela se voit. L'histoire, même si c'est une fiction, est racontée avec un réalisme extrême, cela transpire le vécu à chaque page. Chalandon est un conteur hors pair, la construction du roman est particulièrement intelligente avec cette juxtaposition de la pièce d'Anouilh et de cette guerre atroce et stupide. Que ce soit dans la pièce de théâtre ou dans le Beyrouth en guerre, tout le monde est perdant à la fin, il ne reste plus que des ruines et des morts. Chaque acteur de la pièce est justement issu d'une des communautés participant à cette guerre au Liban: chiites, palestiniens, druzes, chrétiens, phalangistes. le témoignage de Chalandon est bouleversant, avec une écriture particulièrement bien adaptée à ce récit. le rythme est nerveux, chaque page est un coup de canon qui nous enfonce un peu plus dans l'horreur de cette guerre. On sort de cette lecture abasourdi et épuisé. Un très beau livre.
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« Le quatrième mur », c'est l'histoire de Georges, héros intransigeant sur la morale au point d'en être agaçant, qui se voit obligé (par sa conscience) d'aller monter Antigone d'Anouilh à Beyrouth en pleine guerre civile. Sujet ambitieux qui permet à l'auteur de nous raconter les manifs et les bastons étudiantes des années 70, la guerre au Liban, le massacre de Sabra et Chatila et d'aborder des sujets variés comme le théâtre, le respect de la parole donnée, ou encore le gouffre dans lequel peut être plongé quelqu'un qui a connu l'extrême violence, quand il doit se confronter à nouveau à la banalité du quotidien de la vie en occident. Chalandon sait de quoi il parle, il a été reporter de guerre, et cette partie où il raconte l'échec de Georges à reprendre sa place de mari et de père à son retour du Liban est très intéressante. Parce que ce n'est pas évident de comprendre et d'accepter les réactions du héros qui se retrouve à balancer entre deux idéaux : celui de la famille et celui de la lutte.
Bémol, le tout est porté par un style auquel j'ai eu du mal à adhérer. C'est personnel évidemment. Mais Je trouve que l'auteur en fait trop dans l'écriture « coup de poing ». Des phrases courtes. Définitives. Enquillées les unes à la suite des autres. Des dialogues percutants sensés faire mouche à chaque fois. Fatigant, comme peuvent l'être ces gens persuadés d'avoir toujours raison. Et puis il y a ces envolées lyriques dégoulinantes, par ex (au hasard, le bouquin en est truffé) : « mon âme était entrée en collision avec le béton déchiré ». Pour un roman qui a un aspect presque documentaire, c'est dommage de ne pas avoir opté pour un style plus neutre, de ne pas avoir laissé les faits parler d'eux-mêmes. Rebuté par cette écriture au point d'être à deux doigts de refermer le livre, je me suis forcé à finir et je ne le regrette pas car Chalandon a vraiment des choses à dire.
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Avis de tempête...
Vous ne ressortirez pas indemne de cette lecture d'une violence rare et d'une humanité encore plus rare.
Face au déchaînement des haines, rien de tel que l'espérance d'un homme qui se meurt et qui croit corps et âme à son projet de pièce de théâtre au coeur de la Beyrouth meurtrie.

Antigone... C'est cette femme debout, la tête haute face aux règles absurdes des hommes.
Antigone... C'est la pièce que Samuel a choisi pour faire avancer la paix.

Sorj Chalandon est unique dans son style d'écriture. Il a cette capacité à nous faire ressentir les pulsions, les sentiments, les combats, les joies, les délires, les folies et les douleurs des protagonistes.
Que l'on soit à Belfast aux côtés des opprimés dans Mon traitre ou au coeur de la guerre au Liban avec le quatrième mur, il nous prend par la main et nous guide sous les coups, les bombes et les insultes. Il nous protège.. à peine. Il nous tend un maigre bouclier pour nous laisser ressentir jusque dans nos tripes les affres des conflits et des combats.
La lecture de ses romans n'est pas confortable mais elle est une urgence ! Elle est un véritable coup de poing pour nous réveiller et nous inviter à avancer vers plus d'humanité.
"Plus jamais ça !"
J'ai l'impression d'avoir goûté plus amèrement à la guerre en lisant les lignes de ce roman qu'en regardant les nouvelles jour après jour.
Et en regardant à l'avenir mes jeunes élèves syriens, ukrainiens ou afghans, je me demanderai quel Samuel leur a tendu la main pour leur permettre de rester tout simplement humains.
A quand le Prix Nobel de littérature pour Monsieur Chalandon ?
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Main tendue à la paix…
Entre Georges et Samuel c'est l'amour fraternel, à la vie à la mort.
Alors, lorsque Samuel ne peut honorer le rêve fou et symbolique de faire jouer Antigone à Beyrouth en rassemblant les ennemis sur une même scène, il passe le relai à Georges.
Ce dernier est perdu, entre sa toute nouvelle paternité et ce lien qui le lie à Samuel. Conscient du danger et du terrible poids qui repose sur lui, il va à Beyrouth comme on va au combat.
La guerre est partout, et les mots doivent être érigés comme le poing levé la rage au coeur.
Samuel était l'emblème du théâtre empêché.
Antigone (la petite maigre assise sans bouger) est le symbole de celle qui dit NON.
Les lecteurs sont en apnée dans ce livre qui narre avec conviction et une ardeur le drame absolu du « Liban qui tire sur le Liban ».
Inutile de rajouter des mots à ce livre qui se vit et qui est plus fort que ne le serait un essai sur le sujet.
C'est la force de Sorj Chalandon, partager son expérience du terrain et son immense humanité.
La puissance de son écriture fuse et rayonne, les mots vous étreignent jusqu'au malaise.
Et en même temps, en refermant le livre je pense à la citation suivante de Christian Bobin :
« Ce qui s'enfuit du monde c'est la poésie. La poésie n'est pas un genre littéraire, elle est l'expérience spirituelle de la vie, la plus haute densité de précision, l'intuition aveuglante que la vie la plus frêle est une vie sans fin. »
Les lycéens ne se sont pas trompés en lui décernant leur Goncourt.
©Chantal Lafon

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TRAGEDIE.

Antigone est une tragédie, tout le monde meurt à la fin.
Antigone est une tragédie, mais reste de la fiction.
Sabra et Chatila est une tragédie, entre 460 et 3200 morts.
Sabra Chatila et la guerre civile du Liban étaient, sont, la dure réalité.

Sam, juif, a un rêve. Celui de monter Antigone à Beyrouth en 1982.
Mais pas de façon classique, non. Une Antigone de paix où chaque acteur sera une composante des factions en lice pendant la guerre civile du Liban.

Mais Sam se meurt. Il charge donc Georges, un ami, de monter cette pièce pour lui. Georges doit donc aller au Liban, rencontrer les acteurs choisis. Fais cohabiter tous ces gens pétris de rancoeurs indirectes les uns envers les autres. Quelque part, montrer que l'art rend la paix possible.

Le quatrième mur est celui que l'on construit mentalement entre la scène et le public. Si vous le traversez, vous pouvez passer de simple spectateur à acteur, et vice versa.

Georges est metteur en scène d'Antigone, mais aussi spectateur de la guerre. Il traversera le 4ème mur quand il retrouvera son Antigone martyre dans les ruines de Chatila. Meurtri au plus profond de lui, il n'en sera plus jamais pareil.

D'un objectif de paix, nous aboutissons à des actes de haine.

Sorj Chalandon, avec ce roman, pose la question de l'appartenance au groupe qu'il soit ethnique, religieux voire même étudiant. le groupe qui nous fait agir en meute et dissous les individualités et l'intelligence.
Qui peut faire passer l'homme moral à l'homme bourreau.

C'est à lire car la haine de l'autre et la guerre seront de tout temps d'actualité, je le crains.
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Le quatrième murSorj Chalandon (Poche)

Histoire très forte, totalement bouleversante d'une amitié et d'un projet insensé. Georges, militant épris d'idéal et amateur de théâtre fait le serment à son ami de fac Samuel, réfugié grec, juif engagé et malade, de faire aboutir son projet : jouer Antigone (« celle qui dit non ») d'Anouilh sur la ligne de front à Beyrouth, en pleine guerre du Liban (1976). Un chrétien, un Palestinien, un Druze, un Chaldéen, un chiite, un Arménien sur scène ensemble : une trêve, ce moment de grâce, pour cette unique représentation est-elle possible ? Georges raconte cette entreprise acharnée, cette difficile épopée quotidienne sur le terrain, bien loin des propos théoriques du militant. le théâtre des décombres devient, à ciel ouvert, le lieu d'une réalisation collective cernée par l'horreur. « La tragédie … c'est gratuit. C'est sans espoir. Ce sale espoir qui gâche tout. Enfin il n'y a plus rien à tenter. C'est pour les rois la tragédie » et pourtant « Antigone était de tous les temps. de notre actualité », celle de la résistance, souligne le narrateur en pleine métamorphose intérieure. le quatrième mur, cette frontière invisible entre les acteurs et le public, entre la fiction et la réalité peut-il tomber ? L'art peut -il côtoyer la guerre ? Construire le dialogue, dans ce récit, c'est dire de cet art qu'il peut être l'expression d'une réflexion politique dynamique et teintée d'espoir.
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Ce roman est un véritable coup de coeur, en plus d'être un coup de poing qui touche, qui frappe fort, qui met KO.

Je ne connaissais pas les écrits de Sorj Chalandon, je ne m'attendais donc à rien de particulier en ouvrant ce livre, et c'est sûrement mieux ainsi... Dire que je sors épuisée de cette lecture serait trop faible, j'en sors totalement vidée et paradoxalement, comblée, emplie d'une multitude d'émotions et de sentiments. J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à lire les derniers chapitres, redoutant le pire à chaque page, repoussant le moment de découvrir la fin, que je devinais terrible, mais en même temps avide de savoir.

Car c'est un roman magnifique, terriblement magnifique, tristement magnifique que ce livre qui nous raconte comment, par amitié, Georges va accepter de partir à Beyrouth, au beau milieu du conflit libanais, pour monter une pièce de théâtre mettant en scène des acteurs de différentes confessions et donc, que tout semble opposer ; les réunir sur scène, dans un moment de paix volé à la guerre. Sorj Chalandon nous entraîne avec lui au milieu des ruines, des combattants, des civils meutris. le récit est magistralement construit, en même temps que les personnages se découvrent un à un, dévoilant fierté et courage mais aussi peur et faiblesse, la guerre se dévoile elle aussi et passe progressivement de simple décor à acteur principal. Les mots de l'auteur sont simples mais forts, vrais, puissants ; la haine, la violence et la cruauté sont décrites sans faux-semblant, sans détours ni concessions et c'est glaçant, troublant, gênant, écoeurant...

Les guerres sont absurdes ; elles ne laissent ni vainqueur, ni vaincu, tous en ressortent perdants, meurtris, détruits par tant de haine et de violence. Je crois que ce que je retiendrai avant tout de ce roman est la difficulté, voire l'impossibilité de juger, de prendre parti lorsqu'on est extérieur à un conflit, lorsqu'on ne peut connaître, comprendre celui-ci qu'à travers les médias, bien installé dans son canapé, bien à l'abri devant son écran. Chaque camp croit en ses raisons de combattre, chaque camp défend ses convictions, ses croyances, chaque camp comptera ses morts, injustes, cruelles, et chaque camp commettra des crimes, atroces, terribles, impardonnables. Et personne ne ressortira indemne...
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