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EAN : 9782872098606
Academia-Bruylant (01/01/2008)
3/5   1 notes
Résumé :
Cet ouvrage propose une étude ethnographique portant sur les noms d'état civil saugrenus, dégradants et injurieux, redonnés aux esclaves africains des Antilles et de la Guyane françaises libérés en 1848, en reconstituant les circonstances et les conditions des processus d'attribution qui ont pu aboutir à de tels dénis.
Que lire après La blessure du nom. Une anthropologie d'une séquelle de l'esclavage aux Antilles-Guyane.Voir plus
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Au lendemain de la seconde abolition de l'esclavage, environ 87000 Guadeloupéens, 73500 Martiniquais et 12500 Guyanais affranchis doivent recevoir un patronyme. Dans la lettre circulaire du 08 mai 1848, Victor Schoelcher donne des instructions précises aux commissaires en charge des registres destinés à constituer l'individualité des esclaves libérés de la servitude dans les colonies. Les registres devront mentionner le prénom, le sexe, l'âge, la filiation, l'ancien numéro matricule ainsi que le nouveau patronyme qui devra être "adopté" par celui qui le recevra. Malheureusement, cette condition ne sera pas respectée. La tâche considérable dont la durée est initialement fixée à trois mois, est faite dans l'urgence. Les nouveaux libres, souvent analphabètes, conduits dans les bureaux par leurs anciens maîtres devant des préposés qui nomment à la chaîne, ne se prononcent pas sur le choix de leur nom.
En dépouillant plus de 350000 patronymes reçus par les anciens esclaves des Antilles et de la Guyane, l'anthropologue Philippe Chanson s'est intéressé à ce processus d'attribution et à la blessure du nom chez les créoles
L'esclave, qui perdait son nom originel en recevant un nom de baptême et un numéro de matricule lors de sa vente, perdait ainsi sa filiation, son identité, le lien avec sa langue maternelle. le prénom qu'il recevait était susceptible d'être modifié par ses propriétaires successifs. Quant au patronyme, il lui était interdit. La circulaire de 1848 lui en octroyait enfin un.
En 1848, la principale problématique est causée par le nombre important de noms de famille à attribuer. Comment nommer? Les esclaves désormais libres sont très nombreux. Beaucoup ont des enfants qu'ils vont non seulement pouvoir reconnaître de manière officielle mais auxquels ils pourront enfin transmettre un patronyme. Les employés chargés de cette vaste entreprise doivent respecter des listes pré-établies. le procédé d'attribution va s'inspirer de celui qui fut en cours en France à partir du XIIIème siècle: on pioche dans les saints du calendrier, la filiation, la géographie, la toponymie, les caractéristiques physiques. Aux Antilles-Guyane, on peut également trouver d'anciens noms africains en usage avant 1848 (Moco, Hoco...), des noms de blancs reçus par legs ou concubinage (Desjardins...), des références bibliques (Hérode, Cham...), historiques (Clovis, Newton...), géographiques (Bénin, Crimée...). On retrouve aussi des caractéristiques raciales (Négresse, Cafre...), des unités de mesure (Calcul...), des références au linge, à l'habitation, aux légumes (Volet, Ruban....), des qualificatifs appréciatifs, dépréciatifs, obscènes (Bellehumeur, Duventru, Canibal...), ou des allusions directes aux files d'attente. Dans son excellent ouvrage, le quatrième siècle, Glissant mettait en scène deux fonctionnaires chargés d'attribuer des patronymes à une foule se pressant devant eux:
-"J'en ai assez, j'en ai assez", murmurait le deuxième commis.
-"Famille Néassé!" clamait aussitôt le premier. "Un homme, une femme, six enfants."
Cette scène aurait très bien pu se produire si on en juge par quelques patronymes symptomatiques de l'humeur des fonctionnaires, "Mesdouzes", "Anretar", "Présent", "Toi", "Suivant"...
Une fois les listes épuisées, on s'appuie sur des procédés lexicaux techniques d'extension des noms par dédoublements, assonances, anagrammes (Bonbon, Zozio, Fifi...). Philippe Chanson a établi des listes de noms patronymiques issus de 1848, toujours en usage ou disparus que l'on retrouvera à la fin de l'ouvrage, et qui offriront une aide précieuse aux férus de généalogie. Il termine son étude par une intéressante réflexion sur l'anthropologie contemporaine du nom, sur la pratique culturelle des surnoms chez les créoles, la tradition des noms secrets, et la problématique de la re-possession du nom. La fin de l'esclavage a-t-elle vraiment eu lieu si depuis plus d'un siècle, des parents transmettent à leurs enfants des noms attribués par leurs anciens maîtres? le patronyme vecteur important de l'identité se doit d'être librement consenti et réapproprié. La blessure du nom offre en ce sens de nombreuses pistes de réflexion.
NB: le C.A.O.M, Centre des archives de l'outre-mer, met en ligne les registres de l'état-civil. N'hésitez pas à consulter leur site.
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