Précoce un jour, précoce toujours

Précoce un jour Précoce toujours, Changeons de regard sur la précocité est une BD par Nathalie Chardon qui nous parle de personnes à haut potentiel. Qu'est-ce donc ? Tout simplement des personnes qui ont un résultat supérieur à 130 aux tests de QI et une façon de fonctionner atypique. Étant concernée au premier chef, je me suis portée volontaire pour recevoir cette BD que j'ai reçue par le biais d'un Masse Critique.

Et j'ai été extrêmement déçue, et même plus, je suis profondément en colère. Tout d'abord, parlons de la forme. Les dessins ne sont à mon goût pas très beaux, peu soignés. Les visages sont à peine esquissés et les membres pas toujours réussis avec un trait tremblotant. Si j'apprécie les couleurs pastel et le côté épuré, le trait ne me plaît à l'inverse absolument pas, il fait peu « soigné », peu travaillé et les dégradés en fond sont plutôt cheap.

Par ailleurs, Il est difficile sur certaines pages de s'en sortir, comprendre par où on doit commencer, ce qui relie quoi… Où est la note de bas de page à laquelle renvoie tel astérisque, où est l'astérisque qui renvoie à la note de bas de page que l'on vient de lire. Qui plus est, certaines pages contiennent des blocs de texte qui ressemblent à de mauvais encarts Word avec fonds dégradés façon années 90 (un word art n'aurait pas dépareillé) . J'ai également noté quelques fautes et des problèmes d'espacement entre les mots (et je deviens violente quand il y a trop d'espacement entre les mots). Donc bon, le minimum, quand on choisit d'expliquer quelque chose par le biais d'une BD, me semble être de réfléchir à une mise en page claire, un minimum travaillée et jolie, afin que l'objet soit beau et attrayant.

Ensuite, parlons du fond… Je… Je n'ai pas compris à qui s'adresse cette BD. Les deux-trois petits « exercices » ne peuvent avoir d'intérêt que pour un enfant de moins de 11 ans. Alors que pour l'un des exercices, la consigne est de le faire seul, pour soi, puis avec ses enfants. Donc cela s'adresserait également à un adulte ? Les « fiches détachables » qui renseignent sur des termes comme l'hypersensibilité, la mémoire, le rapport à l'école ne sont pas détachables. Encore une fois elles sont faites avec des fonds Microsoft Word en dégradé. Et euh… Je n'en ai juste pas compris l'intérêt ni l'usage, en vérité. Je ne vois pas qui que ce soit de sain d'esprit distribuer à la récréation des fiches de type :

« La Douance
Les études estiment qu'il y a entre 2 et 3% de la population qui est concernée par la précocité.

Le chiffre du QI qui permet de placer une personne dans la catégorie du Haut potentiel est de 130.

Il est important de compléter cette approche avec l'observation fine d'autres éléments que les tests prennent mal ou pas du tout en compte : créativité, sens du relationnel, motivation… »

Voilà. Oui, les 4 fiches détachables ressemblent à cela. C'est très effrayant de voir des concepts aussi complexes enfermés dans des cases aussi petites. À la cantine, distribution de fiches détachables (mais en fait on n'avait pas les sous pour les faire détachables alors elles ne le sont pas).

Les « personnages » présentés lors de saynètes/exemples ne sont absolument pas développés. Au début, un certain « Jeff » dont on ignore parfaitement qui il est, d'où il sort, quel est son parcours, en quoi on devrait l'écouter nous apostrophe par un très naturel pour un ado « Salut mec » et semble être le narrateur, mais très vite des « exemples » et encarts didactiques tirés de l'expérience de l'autrice entrent en conflit avec ce mode de narration.

L'autrice nous informe, en fin de BD, ce qu'il est advenu des enfants présentés, comme si on avait eu un suivi avec eux alors qu'on n'en a pas eu, et tout est trop rapide, trop brouillon et peu développé pour que cela ait un véritable intérêt.

Et en gros, on va parler en vrac un coup de l'hypersensibilité, de la mémoire, des difficultés à l'école, de la pensée en arborescence en survolant le sujet et sans vraiment l'expliquer alors qu'il s'agit tout de même de quelque chose qui se voit au niveau neurologique… Un peu comme si il y avait une checklist de choses dont il fallait vite fait parler pour donner l'illusion d'être expert en la matière.

Et que dire de la partie sur l'égo soi-disant surdimensionné de certains enfants surdoués, avec la petite phrase d'introduction en majuscules : « ENCORE QUE CERTAINS HP SE LA RACONTENT VRAIMENT » et de donner l'exemple d'un élève qui corrige son professeur sur une donnée qu'il estime fausse. Comment dire… C'est juste dangereux, en fait. Beaucoup d'enfants à haut potentiel préfèrent se taire et ne plus intervenir, perdent totalement confiance en eux parce que leur désir de rétablir la Vérité passe pour de l'arrogance et les amène à être exclus et vivre des situations dramatiques de harcèlement scolaire. Car le propre d'un enfant haut potentiel, c'est d'avoir du mal à comprendre que certaines choses ne se disent pas par convention sociale. Ils éprouvent une soif d'absolu, de justice et ont du mal à percevoir une réalité parfois multiple, à comprendre les facilités de raisonnement et les explications en biais qui n'expliquent pas tout. Ce qui fait qu'ils peuvent être fayots, mais pas pour fayoter, juste parce qu'ils n'ont pas compris que dans cette situation il faut faire semblant de ne pas savoir pour préserver l'égo de ses camarades/son professeur. Donc, merci Nathalie Chardon de perpétuer certaines idées reçues dangereuses pour ces enfants et leur avenir (Changeons de regard sur la précocité…).

Vous sentez que je m'embrouille et que j'ai du mal parler de cette BD de façon cohérente ? C'est normal, c'est parce que tout est embrouillé, sans intention claire et que ça part dans tous les sens. Aucune explication scientifique, aucune explication des tests de QI, d'où ça sort, qu'est-ce qui se passe dans le cerveau (ce qui peut tout à fait être vulgarisé et expliqué facilement, même à un enfant). Aucune explication sur le parcours de détection par exemple, sur l'évolution jusqu'à l'âge adulte (je rappelle le titre : Précoce un jour Précoce toujours)Ce n'est même pas vraiment didactique et je pense que cette BD embrouillera plus qu'autre chose une personne ne connaissant rien à ce sujet.

Il y a peut-être de bonnes intentions derrière cette BD mais un manque de travail, de structure, de réflexion sur les tenants et aboutissants, d'approfondissement du contenu font qu'on tient entre ses mains un objet pas fini tant sur la forme que sur le fond, un espèce de gloubi boulga, amas de pensées fugitives qui ne creuse aucun des sujets abordés, qui n'apprendra rien à quelqu'un ayant déjà lu un tant soi peu au sujet de la douance et qui plongera dans des abîmes de perplexité quelqu'un qui découvrirait le sujet. Ni pour les enfants, ni pour les adultes, ni pour les ados. Je ne connais pas le parcours de cette personne, ni sa légitimité autre qu'enseignante et "maman de" et je prête à Nathalie Chardon des intentions malhonnêtes que peut-être elle n'a pas mais cette personne me semble avoir voulu surfer sur la vague « surdoués » en faisant un résumé de résumé de résumé mal fichu et désordonné de la littérature à ce sujet.

Donc voilà, je suis en colère. En colère parce que c'est un sujet important, qui concerne de nombreuses personnes et ne mérite pas d'être bâclé de la sorte, à coup de poncifs, avec une BD très cheap.

Précoce un jour, précoce toujours : Changeons de regard sur la précocité m'a tapé dans l'oeil de la liste de Masse critique, pour plusieurs raisons. D'abord, j'ai éprouvé de petites difficultés à me lier aux autres humains et à m'adapter à la vie en général, et j'avais envie d'en savoir plus sur le sujet des Hauts potentiels. Ben oui, je suis peut-être l'enfant caché qu'Einstein aurait eu avec un Bogdanov sans le savoir, qui sait ? Plus sérieusement, je trouve que les parents d'aujourd'hui ont assez vite fait de dire que leur enfant est un prodige et j'avais envie de comprendre comment différencier les parents super fiers des parents dont les enfants ont de réels particularités.

Ce qui m'a d'abord frappé en découvrant la BD était plutôt d'ordre graphique. La typo utilisée dans le livre n'est pas très heureuse… Le titre comporte 2 majuscules sans ponctuation… C'est écrit très grand… Il est noté dans l'introduction que l'auteur est la personne qui a mis en page le livre, et du coup, ces petites fausses notes sont tout à fait explicable. C'est tout à son honneur de l'avoir fait elle-même même si la patte d'un professionnel n'aurait pas été de trop. Elle a également fait les illustrations elle-même, inspirée de la ligne claire, et c'était plutôt agréable.

Au niveau contenu, on a un bon aperçu de beaucoup d'aspects des enfants à haut potentiel. Les catégories (même s'il ne faut pas être plus catholique que le pape en restant coincé dans ce système de rangement, qui peut être réducteur), des situations qui peuvent être compliquées, différents exemples d'enfants en souffrance. Cependant… mais qu'est-ce que c'est que ce titre ? Plusieurs personnes m'ont demandé ce que je pouvais bien être en train de lire avec un titre pareil, sans penser une seconde aux enfants en avance.

Vers la fin du livre se trouve aussi des petits exercices pratiques, avec par exemple un arbre dessiné en fil de fer qu'on peut colorier si ça nous chante, en inscrivant les mots sur le sujet de la précocité qui nous correspondent le plus dans les racines ou dans les feuilles de l'arbre. Il y a aussi quelques tests ainsi que des feuillets détachables.

En résumé, c'était pas trop mal en guise d'introduction au sujet, même s'il faut compléter ses recherches, sur des supports un peu plus jolis.

Merci à Babelio et aux éditions Chronique Sociale pour l'envoi de cette BD qui tente d'éclairer sur ces individus « bizarres » et complexes que sont les HP.

Après lecture, j'en garde un sentiment mitigé.

C'est un ouvrage qui a le mérite de mettre la thématique en lumière. C'est aussi un livre de vulgarisation qui se lit rapidement et se propose de décrire dans les grandes lignes et de manière très simplifiée le fonctionnement des HP. de ce point de vue, il peut être une bonne entrée en matière pour ceux qui veulent se familiariser avec le sujet.

En revanche, il ne se suffit pas à lui seul car tout y est énoncé comme une vérité, or le sujet est en réalité bien plus complexe. Je pense notamment aux références à la pensée en arborescence (alors qu'il n'y a pas de consensus sur le sujet – cf. notamment les articles de Franck Ramus et Nicolas Gauvrit) ou aux profils laminaires et complexes. Tout ça est affirmé, sans jamais mentionner un biais d'échantillonnage pourtant évident.

Quant à ceux qui sont déjà familiers des écrits d'Arielle Adda, Monique de Kermadec et autres, cet ouvrage apparaîtra probablement comme trop simple, voire parfois caricatural.

J'ai été agréablement surprise par cette bd découverte par hasard. Ayant trois grands zèbres à la maison, j'ai lu pas mal sur le sujet, mais je n'avais pas encore eu la curiosité de me tourner vers des supports plus "légers", à destination d'enfants et je crois que ça peut être un petit support intéressant pour introduire le sujet.