Pourquoi nier avec autant de véhémence qu'il puisse y avoir un racisme systémique en France ? Proclamer qu'on vit dans "le pays des droits de l'Homme" est-il une garantie contre le racisme ?
C'est à l'histoire d'un siècle de déni que s'attaque D. Chathuant, dans un essai aussi dense que passionnant. Prenant comme point de départ les débats parlementaires sur l'intégration des troupes coloniales à l'armée française lors de la Première Guerre mondiale, Chathuant interroge le tout petit nombre de lois (2!) votées en un siècle contre le racisme. La législation serait-elle inutile parce que le racisme n'est pas français ? La résolution commence par un paradoxe : seule la France hexagonale y échapperait, puisque l'outremer et l'empire colonial étaient des sociétés évidemment ségréguées. Ce serait un article d'importation états-unien ou allemand. Mais l'auteur égrène les faits, les discussions parlementaires, les combats individuels ou collectifs : ce qui est français, c'est surtout le refus de reconnaître l'existence du racisme, ordinaire ou non, et de ce fait l'impossibilité de lutter contre les préjugés.
J'ai particulièrement apprécié l'attention à l'apparition de termes spécifiques ("racisme", "racisé", les évolutions des catégories raciales), qui prouve la tendance à l'oubli collectif. L'ensemble est très bien sourcé, et les citations mises en exergue éclairantes. Merci à l'éditeur : les notes sont en bas de page ! Pour chipoter, il est dommage qu'il n'y ait qu'une seule page d'illustration.
Je remercie Babelio pour cet envoi dans le cadre d'une masse critique. Un mois est un délai un peu court pour critiquer cet ouvrage qui n'a pas la publicité qu'il mérite, et qui m'accompagnera longtemps.
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Cet essai aborde le racisme subit par les personnes noires, juives et arabes en France. Ainsi, l'auteur souhaite expliquer ce qu'on pourrait appeler communément "l'hypocrisie française”: avoir signé un traité universel contre le racisme et l'esclavage, de faire une seconde étape de colonisation et de nier le racisme structurel dans sa propre société. Par exemple, le 1er juillet 1972, la France a été un des derniers pays à signer la charte de l'ONU, qui datait de 1965, contre le racisme dans le sens où les pays reconnaissaient l'absence de fondement du terme race.
Un déni du racisme qui structure les discours politiques, économiques et sociales de la France. Je savais que ce discours raciste intériorisé était issu de la première période de colonialisme, mais j'ai découvert qu'il était maintenu par une simple différence entre le lieu de colonisation et la métropole. ainsi le racisme était “ailleurs” dans les esprits! Ce fut assez intense de lire, notamment impressionnée par le travail d'archives. Je le trouve extrêmement complet et je le recommande pour une personne habitué.e aux lectures exigeantes.
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