Depuis longtemps déjà, j'ai souhaité lire ce témoignage-essai de
Sophie Chauveau et je reculais, en raison du thème difficile. J'ai fini par le lire.
«
La fabrique des pervers» relate l'inceste subie par l'auteure et sa cousine et comment ce crime abjecte s'est «transmis» de générations en générations.
Elles remontent ensemble leur arbre généalogique et prennent vite conscience de l'ampleur des dégâts. Dans cette lignée puissante et riche, les hommes ont plein pouvoir sur les enfants, filles et garçons, et en abusent sexuellement. Quand l'impossible, le tabou ultime, devient acceptable et entre dans la «normalité» d'une famille.
Après nous avoir présenté ses charmants ancêtres,
Sophie Chauveau décrit les sévices subis par elle-même et sa cousine, de la part de leur père, parrain et oncle.. Attouchements, viols, elle ose dire les mots, nommer les actes, pour que «cela» existe et ne soit plus atténué par des périphrases ou litotes. Bien sûr, c'est cru, presque insupportable.
Elle évoque ensuite le silence des femmes autour qui se doutent ou savent. Car si un enfant ne peut pas parler, tout simplement parce qu'il n'a pas le vocabulaire et reste en état de sidération, qui la plupart du temps se mue en amnésie post-traumatique, les femmes adultes, elles, pourraient dire, fuir l'homme prédateur et protéger les enfants. Mais il n'en est rien. Elles sont souvent sous emprise, se disent que les enfants oublieront et surtout, veulent à tout prix éviter le divorce, considéré comme un échec. Édifiant.
On prend ensuite du recul, notamment sur la dernière partie, qui nous propose une analyse biblique, juridique et linguistique de l'inceste.
Dans la veine de «
La familia grande» de
Camille Kouchner ou du roman «
le consentement» de
Vanessa Springora,
Sophie Chauveau, dès 2016, osait parler, écrire, et libérer ainsi la parole, malgré la honte et le sentiment de culpabilité omniprésents.
Un témoignage courageux, nécessaire, intelligent qui, je l'espère, aidera d'autres victimes.