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3,84

sur 268 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cette critique va être sans nul doute la plus difficile que j'aie eu à écrire sur ce site.
Ce livre a été un choc.
La fabrique des pervers.
Plusieurs chapitres forment ce livre essentiel, dans lequel beaucoup de mots (maux) se répètent à l'envi, comme : saccage, amnésie traumatique, culpabilité, pervers, auto-centré, et j'en oublie.
Titre magnifique, et si vrai, lorsque l'on lit ce livre, devrais-je dire ce récit monstrueux.
Dès les ancêtres de Sophie Chauveau, l'inceste fut un accomplissement et presque une fierté. On apprennait l'inceste aux fistons fiérots de s'être roulé de tout temps dans la fange et la vermine de l'argent mal gagné.
Ces fils donc, dont on a permis l'inceste, dont on leur a dit qu'il était tout naturel de prendre son plaisir avec de jeunes enfants, ou de moins jeunes, ont à leur tour abusé des petits enfants de la famille. Car attention braves gens, il ne faut point aller chercher pitance et bonne chair en-dehors de la famille, sacrilège ! le bon Robert, qui a fauté en violant une petite voisine, fut envoyé derechef à la Légion comme punition.
Tout était bon pour tous : cousins cousines, neveux nièces, soeurs frères, fils filles et bien sûr d'autres adultes dans des ébats malsains récurrents.
Ils vivaient ainsi, sans se soucier des autres, comme de bons psychopathes qui se respectent, sans demander ni avis, ni assentiment.
Car le pervers de base, si j'ose dire, se moque éperdument des autres dont il profite, il n'y a qu'eux qui comptent et leur plaisir.
Ce qui les caractérisent ces adultes abuseurs : absence de culpabilité, absence de pudeur, tout le monde va et vient (si je puis me permettre....) totalement nus, enfants inclus, attouchements, catesses, des furtifs pelotages, un ego surdimensionné , et puis, plus rare mais ça existe (si, si ...), des femmes incestueuses, qui "donnent"à leurs maris leurs enfants pour retrouver la paix des corps, ou bien tout simplement par frustration ou par perversité, comme la mère de l'auteure qui effleure, touche mine de rien, dort dans le lit de ses enfants (si,si...) jusqu'à un âge indu, très impudique, elle racontera à sa fille ses ébats avec ses amants et qui traite son mari, père de l'auteure, d'éjaculateur précoce à qui veut bien l'entendre. Surtout à sa fille, la préférée du père. Elle lui dira aussi qu'elle avait voulu faire une fausse couche et pour ce faire, avait fait du vélo sur des grosses dalles (d'ailleurs cette phrase m'a fait immédiatement penser au livre de Marie Cardinale Les mots pour le dire). Elle aurait aimé avorter d'elle.
Ils se disputaient sans arrêt, dans un univers de violences et de viols, d'hystérie et de fausseté. Ils se mentaient à eux-mêmes.
Bon. J'arrête là pour ses chapitres limite insoutenables, même si Sophie Chauveau nous épargne, et c'est tant mieux, les détails les plus crus.
Vous êtes écoeurés ? Rassurez-vous c'est normal.
Le chapitre qui m'a le plus intéressée est celui dont elle parle d'elle-même, de sa reconstruction, de ce qu'elle a compris de ses parents, et puis quelques citations de Cyrulnik et de Quentin Debray, spécialiste des traumatismes psychiques, qui a bien voulu "décortiquer"et expliquer les abus commis dans cette Fabrique de pervers.
Il paraît que chez les petits enfants abusés, on peut "voir" grâce à l'IRM, des zones touchées dans le cerveau, tant le trauma a été destructeur.
Autant vous le dire tout de go, je ne suis pas aussi optimiste que l'auteure.
Je ne crois pas que l'on puisse s'en sortir réellement, complètement. On va mieux, mais la graine du poison est tapi dans l'ombre, en dormance, resurgeant à l'improviste surtout dans les moments de bonheur.
Pourquoi sont-ce les victimes qui se sentent coupables ? Pourquoi les abuseurs se moquent éperdument du mal qu'ils font ?
Combien de thérapies et de combien de temps faudra-t-il pour exterminer de son esprit et de son corps tous ces abus ? Toute cette violence ? 10 ans, 15 ans, 25 ans ?
À vous de le lire. Vous aurez vos réponses.
J'ai eu les miennes.
Je ne connaissais pas Mme Chauveau, mais j'ai appris, grâce à cette lecture, à être sa soeur.
À mes dépens.



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Sortie en 2016, le témoignage de Sophie Chauveau n'a pas fait l'effet d'un pavé dans la marre comme celui de Vanessa Springora ou Camille Kouchner, mais il est essentiel afin de comprendre la société avant et post #Metoo. Nous sommes désormais dans une période de libération ou tout du moins d'écoute de la parole, des femmes, des victimes, des minorités et c'est l'évocation de ce texte par Camille Kouchner, dans la Grand Librairie, qui remet au jour ce témoignage.

C'est à l'occasion d'une rencontre avec sa cousine que l'autrice découvre qu'elle n'a pas été seule à être abusée dans son enfance. En effet, en cherchant un peu à recouper les dates et événements, elles découvrent l'ampleur de l'horreur. Une véritable ''fabrique des pervers'' de génération en génération. Les moeurs de cette famille étrange, où les parents vivent nus, se touchent et touchent leurs enfants, où les fêtes de famille sont le prétexte à d'étranges mises en scènes nudistes et de blagues potaches qui se terminent bien souvent, par des viols et incestes pures et simples. Tous le savent, mais personne n'en parlent, tous se taisent et font comme si.

Sophie Chauveau brise le silence et l'omerta sur sa famille, mais ce qui fait de ce livre plus qu'un témoignage, c'est l'évocation de la loi et du sentiment de culpabilité de la victime, là où le bourreau ne reconnaît pas ou si peu les actes. Elle parle de son père, mais aussi de l'absence de rôle de sa mère, qui savait mais ne parlait pas, ne partait pas. L'autrice expose ses blessures, sa construction chaotique en tant qu'adulte toujours ramenée à l'enfance. Elle va même plus loin en questionnant son rapport à la sexualité, à la maternité et à l'amour et brise le tabou de la victime consentante.

La fabrique des pervers, un livre indispensable afin de comprendre les mécanismes psychologiques de la victime, du bourreau mais aussi de l'entourage...

Lien : https://topobiblioteca.fr/
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Livre choc à lire absolument !
A faire découvrir
Sophie Chauveau fait un remarquable travail de recherche et d'analyse sur le terrain sensible de sa propre famille.
Chaque génération a produit son lot d'incestes."Les incestueurs "comme on les nomme au Canada qui sévissent avec une régularité obsédante
Ce livre n'a pas crée l'onde de choc de la familia grande ou du consentement. Pourquoi? Écrit trop tôt ?
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La façon dont l'autrice décrit ce qu'elle a ressenti en tant que Victime m'a paru très juste, ainsi que les pistes qu'elle donne pour s'en sortir (ce n'est pas un ouvrage de développement personnel, mais on perçoit bien ce qui l'a aidée). Quand à l'histoire de sa famille, je soupçonne que même si l'histoire du zoo est un bon point de départ du point de vue narratif, les abus remontent plus loin dans les générations.
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Dans cette atmosphère de libération de la parole ce livre s'avère indispensable.
En prenant de la distance et en lui donnant, dans un premier temps, la forme d'une enquête familiale le lecteur peut lui aussi supporter la charge émotionnelle de cette histoire douloureuse.
Peu à peu c'est l'intime qui surgit, c'est un climat incestueux qui se dessine et les mots juste, précis et libérateur mettent en exergue un fonctionnement familial qui détruit et couvre de salissure l'enfant qui n'a pas les armes pour se défendre.
Ce livre s'avère indispensable pour comprendre que le climat incestueux est aussi toxique que le viol au sens propre du terme.
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On pourrait essayer de résumer l'ouvrage de Sophie Chauveau, « La fabrique des pervers », mais se serait réduire ce témoignage à quelques mots et c'est impossible car chaque mot compte et qu'il faut tout lire pour parfaitement s'imprégner des crimes dont il est question. Ce serait faire injure à ce calvaire qu'a vécu l'auteur et bien d'autres enfants au cours de cette horreur de la vie quotidienne qu'est l'inceste.
Sophie Chauveau reçoit un jour le mail d'une femme, Béatrice, qui se révèle être sa cousine et avoir un horrible point commun avec elle, avoir été violée de l'age de quatre ans à quatorze ans par son propre père. Elles décident ensemble de retracer la généalogie familiale de ces crimes.
1870, les prussiens font le siège de Paris et l'affament. Arthur C. qui a fondé l'épicerie de la Madeleine a l'idée originale d'aller tuer les animaux du zoo pour remplir les étales de son commerce et le ventre de ses clients. Fortune rapidement faite, l'argent coule à flots et a le pouvoir de tourner les têtes et d'ouvrir les portes de bien des alcôves. le mal du libertinage et des moeurs dissolues s'enracine dans cette famille pour se transmettre au fil des générations et faire commettre jusqu'à l'indicible : l'inceste.
Une explication à cet inceste dont elle a été victime, Sophie Chauveau est allée la chercher au plus profond de ses souvenirs. Un long voyage à travers plus de trente années de déni, d'oubli, de volonté d'ignorer pour pouvoir avancer, se construire une vie, se reconstruire tout simplement. Impossible de survivre au traumatisme de la pire des trahisons, celle commise par les personnes en qui on a le plus confiance, ses parents, sans se mettre sous coma artificiel, laissant le temps au temps de réparer les blessures.
Sophie Chauveau décrit parfaitement ces pervers, êtres à la construction défaillante de la psyché, esclaves de leurs pulsions coupables, aux raisonnements immatures, prédateurs assoiffés de pouvoir qui séduisent, ensorcèlent et gouvernent leur entourage pour satisfaire leurs penchants infâmes. Ils administrent leur micro dictature à coup de chantage à l'affectif et justifient savamment leur vice au nom d'une liberté moderne de penser. Ils savent se trouver des complices dociles et sans jamais avoir un seul remord, poursuivent leurs victimes avec acharnement.
Pourtant…
On imagine que lors des agressions sexuelles sur ces enfants, il y a eu des cris horrifiés par la douleur et l'incompréhension. Et personne n'aurait entendu ces cris ? Toute l'ignominie de ces situations n'est-elle pas résumée là ? Au-delà de l'acte contre-nature qui en lui-même est inconcevable, l'autre versant de cette abjection est le déni, la complaisance, la complicité de l'entourage. Face à l'horreur, il est si facile de détourner le regard.
L'effet indésiré d'un tel témoignage serait d'être transformé en publication pornographique par certains prédateurs sexuels. L'auteur s'en défend ouvertement en le signalant dans son texte et utilise avec un immense talent le vocabulaire adapté pour ne pas satisfaire les goûts déviants d'un certain public de pervers ou de voyeurs. Car c'est le risque majeur qu'encourent les parutions récentes traitant du même sujet. Mal grès cela, il faut en parler, l'écrire et le publier afin que la société prenne conscience de la sauvagerie de certaines personnes qui la constituent. L'auteure ne consacre qu'une petite partie de son récit aux actes pour laisser le champs libre à l'analyse, à l'étude des motivations qui ont conduit au crime, à répondre tout simplement à la question : « pourquoi ? ».
« La fabrique des pervers » est une oeuvre remarquablement bien écrite et mérite d'être reconnue comme l'un des témoignages sur la question des plus intelligents et difficiles. Il documente parfaitement le débat qui s'est ouvert avec les récentes affaires d'inceste et de pédophilie.
Soyons vigilants, ne détournons pas le regard.
Sophie Chauveau écrit : « Et n'oubliez pas que la Loi fondatrice de nos civilisations repose sur l'interdit de l'inceste. Il en va ni plus ni moins de la pérennité de notre humanité telle qu'on la connaît, telle qu'on l'aime, telle qu'on aimerait qu'elle se perpétue. »
Editions Gallimard, 273 pages.
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C'est à l'émission de François Busnel consacrée à  Camille Kouchner et à son livre, La familia grande, (j'y reviendrai dans une prochaine chronique), que je dois ma "rencontre" avec Sophie Chauveau, puisque, au milieu d'une production intense de romans consacrés à des biographies d'artistes, cette auteure a aussi écrit un récit autobiographique consacré à  l'inceste dans sa lignée familiale .  Et que c'est la lecture de la Fabrique des pervers qui aurait décidé Camille Kouchner à écrire son livre sur le viol de son frère jumeau par leur beau-père.... avec le scandale médiatique que l'on sait.

Sans doute pour prendre moi aussi quelque recul, j'ai préféré commencer par le livre de Sophie Chauveau.

Je n'ai pas été déçue.

Sophie Chauveau fait la rencontre d'une lointaine cousine qui lui apprend avoir été victime d'inceste. À son tour, la romancière avoue avoir subi le même sort.

De confidence en  confidence, les deux cousines découvrent qu'il s'agirait d'une véritable tradition familiale : l' abus criminel  des enfants,  pratiqué par bon nombre de membres mâles du clan, (et même par une femme),  et toléré voire encouragé par les mères de la horde, de génération en génération.

Naît donc le projet d'un livre.  

Avec tout le talent de l' historiographe chevronnée,   l'auteure se penche d'abord sur la généalogie familiale avant de raconter les malheurs de sa cousine et les siens propres..(si j'ose employer cet adjectif dans un tel contexte).

Quel répugnant panier de crabes, en effet!

Édifiante succession d'abuseurs sans scrupule, pratiquant l'endogamie et la prédation sur les plus faibles et les plus proches,  avec l'aplomb insupportable que donnent l'argent, le pouvoir, le sentiment de supériorité et la certitude de l'impunité!

Le triomphe de l'entre-soi! La monstruosité comme rite distinctif et ciment clanique!

Après cette généalogie de l'infâme, le livre, sagement,   reprend le recul nécessaire ,  et prend de la hauteur. Analyse percutante des lois bibliques, des lois humaines, du droit en évolution récente sur le sujet,  et de la "morale" à tirer , pour les victimes, d'un droit qui les a si longtemps et si mal protégées.

On sort édifié et révolté de cette iecture passionnante et très complète.

Brillant, cinglant, évitant à la fois le piège de l'euphémisme et celui de la grossièreté, celui du voyeurisme et celui de l'épanchement personnel,   La fabrique des pervers est un livre courageux, lucide et intelligent dont on comprend qu'il puisse donner aux victimes ou à leur entourage, la force de parler.

Je m'étonne seulement qu'il n'ait pas eu, à tout le moins,  le même impact que celui de Camille Kouchner. Pas seulement pour une question de timing, celui de Camille profitant de la récente  vague #metoo. Je pense surtout qu' en éclaboussant une série de noms célèbres du Landerneau germanopratin, le livre de Camille éveille un certain voyeurisme du lecteur, alléché par  le frisson délicieux  du scandale médiatique ...

Le livre de Sophie Chauveau qui ne surfe sur aucune vague et ne bénéficie  d'aucune éclaboussure scandaleuse, est à mon sens plus abouti et plus convaincant que celui de Camille K.

 Il est  plus fouillé,  enraciné dans une recherche sociétale, moins "people" , et donc plus convaincant. L'auteure ne " subtilise" pas la parole aux autres victimes, elle les associe à la sienne dans  une étroite collaboration. Bref, je l'avoue,  même si c'est grâce à Camille K.que j'ai découvert Sophie C. , j'ai préféré nettement l'original à la copie , la maîtresse à sa disciple.

Lire La fabrique des pervers, c'est rendre justice à un livre fondamental sur l'inceste. Qui part du particulier pour aboutir au collectif et démêle avec une grande fermeté les fils intriqués d'une tradition familiale crapuleuse et ceux d'une société et d'une législation tolérantes sinon complices à l'égard de tous les bourreaux de leurs propres enfants.
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EXCELLENT, l'inceste de père en fils, ouvrage fouillé explicite, dur par la souffrance ressenti et l'odieuse normalité pour les auteurs de ces actes. Malgré tout plein d'amour et l'autrice essaye de comprendre de renaitre même si le pardon est impossible, à lire absolument.
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Sophie Chauveau s'appuie sur son histoire personnelle marquée par l'inceste, pour établir un état des lieux de l'un des secrets de famille les mieux protégés et les moins punis de France. Il faut immédiatement préciser que la Fabrique des pervers n'est pas une chronique de l'horreur ou un recueil des atrocités susceptibles d'être infligées à des enfants, l'auteure exprimant avec force sa défiance totale et définitive envers toute description technique des viols, en raison de l'usage qui peut en être fait, possiblement par des supports pornographiques ou par des voyeurs, toujours en embuscade. Elle dit également qu'en l'absence d'un mot parfaitement approprié pour les nommer – car soit on insulte soit on absout -, elle utilise les termes génériques d'agresseurs et agressions sexuelles.


Compte tenu de l'énormité du nombre d'incestueux – hommes et femmes - connus dans sa famille, elle mène avec l'aide d'une cousine elle aussi violentée, une enquête généalogique pour identifier le fondateur d'une dynastie qui engendre des pervers comme d'autres fabriquent des yeux bleus, et ce faisant, ne lève pas un ou deux lièvres, mais un terrier surpeuplé. Sophie Chauveau remonte au siège de Paris en 1870 pour débusquer le premier de cette lignée d'agresseurs et raconte comment il a fait fortune en vendant à prix d'or aux crève-la-faim, des morceaux des plus beaux et rares animaux de la création, girafes, hippopotames ou éléphant, volés au Jardin des Plantes puis dépecés en steaks ou ragoûts. Sa famille franchit alors plusieurs échelons sur l'escabeau social pour accéder à la bourgeoisie boulevardière bien qu'ayant encore de la terre collée à ses semelles. Ce rappel historique n'explique bien évidemment pas les maltraitances, instrumentalisations, et collectivisation des femmes et enfants initiées par ce précurseur, et depuis, érigées en art de vivre endogamique, mais plante le décor et dit une famille bien sous tous rapports, préoccupée par le qu'en-dira-t-on, les apparences, la morale intransigeante, la bigoterie omniprésente, l'éducation rigide, principes inaliénables. Il est important de signaler le contexte.


A partir de son histoire singulière, Sophie Chauveau explique comment une atmosphère se met en place, validée par tous les membres, amis ou thuriféraires de la famille. L'ambiance particulière propice à l'inceste est secrétée par un langage grivois, des commentaires obscènes, des plaisanteries ambiguës justifiés par la liberté, la libération des moeurs, l'interdiction d'interdire, le droit au plaisir, et même le retour à une vie simple et naturelle avec le naturisme. Si les nuances sont infinies, des constantes existent : des moeurs peu rigoureuses voire des manières libertaires avant-gardistes, l'incommensurable amour porté aux enfants bramé à tous vents.. L'auteure aborde à la fois avec pudeur et détermination les traumatismes, les conséquences, l'amnésie, la difficulté à parler pour ceux ou celles qui sont considérés comme des affabulateurs mythomanes - « S'il s'était passé quoi que ce soit, on t'aurait protégée, soutenue, défendue... […] … Tu ferais mieux d'oublier tout ça et de t'occuper d'autre chose plutôt que de remuer cette vieille affaire » -, les attentes des victimes toujours dévaluées. L'auteure pose d'autres questions qui bousculent la paix des familles : Qu'est-ce qui peut bien indiquer à un adulte que, de cet enfant-là, il peut disposer à sa guise, pour son bon plaisir ? Comment voient-ils qu'elle a déjà été profanée et qu'elle est disponible ? Qui sont ces mères qui donnent à leurs enfants des pères abuseurs, et ne les font pas saisir par la police, par la justice, ni ne changent les serrures de leur maison dès l'instant qu'elles savent ? Complices, forcément complices. Pourquoi la loi du silence couvre-t-elle cet archaïque patriarcat où l'on se partage les enfants et femmes comme du butin, où l'on sait d'instinct celles et ceux qu'on peut sacrifier ? Pourquoi le terme « inceste » a-t-il été retiré du code pénal durant des décennies avant d'y faire un retour en 2015 ? Pourquoi tant de plaintes sont-elles classées sans suite ? Pourquoi tant de pourquoi ?


« On n'est pas obligé d'aimer sa famille si elle n'est pas aimable. On appartient au monde qu'on fait, pas à celui d'où l'on vient » dit Sophie Chauveau. Je suis d'accord.
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Voici un livre pas facile à lire : ce qu'il conte est insoutenable. de Sophie CHAUVEAU, j'aime ses livres sur les peintres de la Renaissance, moins celui sur Manet et j'avais aimé également "Noces de Charbon". Ici, elle parle de sa famille depuis le petit gars vendéen venu à Paris ouvrir une épicerie, place de la Madeleine jusqu'à la famille bourgeoise parisienne bien installée de l'époque actuelle et c'est là que la bio vous tombe des mains ... Contactée par une cousine à la parution des "Noces de Charbon", l'auteur a constaté qu'elle n'était pas seule face à l'impossible de sa famille côté mâle et que la règle naturelle de l'inceste, était inexistante pour toute la dynastie, entre autres déviances. Ce livre est terrible car il raconte un film d'horreur terriblement ordinaire et même si il est un témoignage qui au delà de la prise en charge médicale, permet à ceux qui parlent de se reconstruire, il reste l'impression d'être un voyeur et d'être somme toute, si semblables à ceux qui autour de l'auteur, se doutaient de quelque chose, mais n'ont rien osé/pu faire ...
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