C'est l'histoire renouvelée du pot de terre et du pot de fer. le premier affiche son arrogante bombance, travaillée dans la matière noble, avec un savoir-faire ancestral. le second, répliqué à l'envi, sa praticité technique. Glaives courts, mouvements mécaniques : enfonce, tue, retire. Quatrième tome de la Guerre des Gaules. Malgré les répressions sanglantes qui ont suivi les sursauts de liberté des Belges, des Arvernes, des Helvètes et tant d'autres, c'est au tour des Vénètes de se rebeller contre l'oppresseur auto césarisé. Cette fois, il est question d'un peuple disposant d'une puissante flotte, accoutumé à se jouer des caprices de l'océan et du vent. Si le combat contre Rome peut être gagné, ce sera sur la mer. D'autant qu'ayant réussi à fédérer d'autres peuples de la côte, les Gaulois sont en surnombre. Mars contre Teutatès. L'aigle contre les mouettes et les goélands. Boeuf gras contre sacrifices humains.
Les forteresses navales aux flancs rebondis et voiles de cuir se rient d'avance des piteuses trirèmes romaines qu'elles comptent écraser de leurs masses. Assurance débordante contre tactique. le Romain a prit de l'avance, construit une stratégie mortifère, efficace et imparable. Et l'impensable se produit : le terrain était lourd, les embruns mouillés, le vent a tourné, les courants étaient contraires, le boeuf… Bis repetita et encore mergitur, les espoirs des Gaulois sombrent avec leurs navires. L'inarrêtable pot de fer trace son chemin à travers un pays exsangue et déforesté. A marche forcée, il fonce déjà sur la fière Albion.
Il faut la plume avertie de l'historien pour dépeindre une telle épopée, le talent du romancier pour insuffler une humanité dans ce récit tragique et passionnant. Nonobstant, une pause s'impose avec la relecture de quelques Astérix, Histoire de trouver des Gaulois irréductibles.
Commenter  J’apprécie         132
- Tu as emprisonné mes officiers au mépris de nos accords. Traîtrise ! Félonie ! Pire qu’un crime !...Et tu viens, sourire aux lèvres, demander la paix ? Tu te moques de moi, le vieux ! Une larme perle à la paupière du Gaulois.
- Où sont-ils ? gronde César.
« Résister ? Peine perdue ! Mentir ? Inutile, ce Romain saura tôt ou tard ! »
Au-delà des montagnes de la peur, ce paysage âpre, torturé et tourmenté qui déchire les yeux et broie les tripes, s’étend la plaine infinie de la sérénité, calme à tout jamais, pays où les corps ne pèsent plus, où l’angoisse, interdite de séjour, s’effiloche dans le néant, où seules s’étalent les beautés du monde. Franchir la frontière n’est pas affaire de volonté. Elle s’offre d’elle-même lorsque la déesse Spes, la précieuse, la belle, l’omniprésente Espérance, s’évanouit, laissant l’homme seul, face à sa destinée.
La frontière…
L’Ancien redresse le torse. Comme par magie, les rides désertent son visage, les yeux s’animent, les épaules s’affermissent, la silhouette se cambre, gommant d’un coup des décennies de décrépitude. Même la voix, claire et lumineuse, traduit la métamorphose.
Devant lui, César, dont l’emportement tord les traits, paraît vieux.
L’Ancien fixe son vainqueur d’un air tranquille.
-Ils sont morts, dit-il.
- Nous n’avons pas perdu notre temps en venant ici. Tu as raison, le Chauve ! Ces rafiots sont bons pour les eaux plates ! Des planches ! Voilà ce que c’est ! Des planches avec des bonshommes dessus ! Mais ça ne suffit pas à en faire des navires. Et encore moins des navires de guerre. Ah ! Ah ! Ah !
L’œil de Gabalisco étincelle. Frottant l’une contre l’autre ses larges mains calleuses, il suppute le rapport de force entre ses massifs vaisseaux hauturiers, hauts de franc-bord, solides comme des rocs, dotés de proues et de poupes vertigineuses, habitués à étaler tous les coups de chien sans gémir, et les embarcations romaines effilées, fluettes, élégantes, presque frêles. Un sourire de loup éclaire sa face burinée.
- On embarque des armes ? demande un costaud court sur pattes.
- Dans cette affaire, l’arme, c’est ton navire ! réplique Gabalisco. Inutile d’encombrer le bord de boulets, de flèches ou de javelots. Tout ce fatras ne nous sera d’aucune utilité.
Quelques ordres encore, puis une courte allocution du roi Dagomar, suivie d’une invocation des dieux par Dervocon, et les capitaines, Gabalisco en tête, rejoignent leurs bords.