Je ne serai pas aussi sévère que 'scoubs', alias Adil, qui considère ce livre comme une perte de temps et d'argent. Personnellement, je l'ai trouvé intéressant à plus d'un titre, notamment le chapitre sur l'histoire du Coran en Occident et ses nombreuses traductions. Des notes assez fouillées pour intéresser le philologue que je suis, mais qui peuvent effectivement se révéler ennuyeuses pour d'autres lecteurs. A ce propos, j'ai tout de même un souci: n'étant pas arabisant, je m'étonne des différences et des nuances qui existent entre les différentes traductions en français de ces quelques passages que Malek Chebel énumère de la page 131 à la page 151. Je connais personnellement à fond trois langues européennes, je me suis déjà essayé à la traduction de textes littéraires et j'ai maintes fois comparé entre elles des traductions de 'grands textes'. Jamais, je n'ai rencontré de tels écarts! C'est dire si l'arabe du Coran est riche et demande une grande science linguistique pour l'apprécier. Mais alors, comment font donc les millions de musulmans dans le monde qui n'ont pas un niveau d'érudition suffisant pour pratiquer ce nouvel 'ijtihad' dont nous parle Chebel dès la page 153, chapitre où nous constatons avec consternation la variété des approches du Coran et les disputes qu'elles engendrent dans le monde musulman, au point que l'exégèse chrétienne semble, à côté, un jeu d'enfant? Et comment imaginer que la religion musulmane, qui a pourtant une vocation 'universelle' et devrait donc s'adresser de manière relativement simple et concrète à tout être humain, puisse justement se répandre aisément si le texte fondateur est à ce point hermétique, tellement hermétique d'ailleurs que certains musulmans 'un peu puristes et stricts' nient à toute personne qui ne peut lire le Coran dans le texte la possibilité de le comprendre et de 'vivre' l'islam à fond? Enfin, là où il faut tout de même donner raison à 'scoubs', c'est concernant les multiples passages où Malek Chebel use et abuse lui-même d'un langage hermétique ou se livre à des acrobaties verbales dont voici un échantillon lorsqu'il commente la sexualité féminine: "Car c'est bien d'une métaphore dont il s'agit, au sens où la biologie utérine rencontre la logique inconsciente du texte pour le doubler d'un discours expansif, en même temps qu'extrêmement précis, visant à démontrer la vacuité des femmes et leur disponibilité. Vu sous cet angle, la sourate devient une mine inespérée de renseignements sur les pédagogies latentes que recèlent les textes anciens et la manière qu'ils ont de nous parler du désir, de la chasteté, de la transgression et du désir'. On pourra évidemment me reprocher de citer ce passage hors contexte, mais si cette citation a éveillé votre curiosité, allez-y voir de plus près: ce livre en contient des dizaines du même acabit et on en sort vraiment étourdi.
En conclusion: un livre qui vaut tout de même le détour, mais armez-vous de patience et d'un bon dictionnaire!
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Délibération du jury du Prix Bristol des Lumière .Cette année encore, "Du Grain à moudre" vous invitait à suivre les discussions animées entre membres du jury afin de choisir quel essai littéraire en langue française était récompensé par le Prix Bristol des Lumières. Cette année, c'est Olivier Rey qui l'a emporté, pour "Une question de taille" (Stock). le jury, présidé par Jacques Attali, est composé de Christophe Barbier, André Bercoff, Malek Chebel, François de Closets, Roger-Pol Droit, Luc Ferry, Caroline Fourest, Alexandre Lacroix, Aude Lancelin et Olivier Poivre d'Arvor.