AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782849244784
225 pages
Cygne (01/01/2017)
5/5   1 notes
Résumé :
À la charnière du XXIe siècle, l’Irak est brutalement passé du statut de puissance régionale à celui de pays en lambeaux, morcelé par les occupations étrangères et les influences diverses. Près du tiers de son territoire est passé sous le contrôle de l’État Islamique de 2014 à 2015. Mossoul, la deuxième ville du pays, riche d’une identité et d’une histoire millénaire, est tombée aux mains de quelques centaines de combattants, dont bon nombre n’étaient même pas Iraki... >Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Panorama de l'Irak contemporainVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Politiquement, les deux catastrophes de Saddam Hussein, la guerre contre l'Iran et l'invasion du Koweït, ont ruiné un pays qui était à la fin des années 70 un modèle d'ouverture, de croissance économique, de modernité et d'éducation dans le monde arabe. Puis l'intervention américaine a achevé de détruire ce qui restait de repères, un parti politique, le baas, et une armée, plongeant le pays tout entier dans le chaos. Il n'y avait plus à Daech en 2014 qu'à capitaliser sur la haine, la rancune, la pauvreté et le désoeuvrement pour prendre possession d'un tiers du pays où la destruction des oeuvres culturelles interdit maintenant aussi les construction identitaires. D'un avenir florissant envié par tout le Moyen Orient, les Irakiens sont arrivés à une situation de dislocation complète et l'impossibilité de construire non seulement un Etat, mais même une identité personnelle.

Après le licenciement brutal par Paul Bremer, conseillé par de sympathiques Irakiens exilés dévoués à leur pays comme Allaoui, des soldats irakiens dans le cadre de la dissolution du parti unique, le Baas, sous l'obédience duquel ils étaient, des centaines de milliers d'hommes sachant maîtriser les armes et organiser des actions violentes se sont retrouvés au chômage et sans ressources. De là les violences de 2003 et la prise d'influence des tribus, très affaiblies par le régime centralisé de Saddam Hussein. Pour recréer un Etat, les Etats-Unis se sont appuyés sur les forces restantes, puisqu'ils avaient éliminé le parti unique : les Kurdes et les Chiites. Les premiers réclamant l'indépendance et les seconds étant sous l'influence de l'Iran, la perte de souveraineté et d'unité du pays ne pouvait que croître, en même temps que l'humiliation des Sunnites qui avaient contribué à organiser un Etat depuis... la nuit des temps et se retrouvaient devant la triste réalité : ils n'étaient, vis-à-vis des chiites, qu'une minorité. Encore une source de recrutement pour Daech.

L'armée étant dissoute, les Etats-Unis en reconstruisent une en conseillant opportunément les responsables sur les types d'équipements à acquérir. du point de vue de l'Etat, la constitution de 2005 prévoyait un président représentatif et un premier ministre élu par le Parlement. Les tribus ayant pris du poids, le premier ministre se fait élire par clientélisme et le pouvoir redevient autoritaire, arbitraire, corrompu et violent comme il était avant.

On apprend que si Daech a pu prendre Mossoul, c'est parce que les 3 ou 4 divisions irakiennes qui étaient censées protéger la ville se sont retrouvées n'être que quelques centaines de soldats, qui ne se sont pas attardés. C'est que les soldes sont payées par les chefs militaires et que, bien sûr, plus ils déclarent de soldats sous leur autorité, plus ils touchent d'argent à distribuer (ou pas) de Bagdad... Donc la majorité des soldats étaient des fantômes ou des gens à qui on a demandé de signer et de rentrer chez eux. Quand Daech arrive, la ville est ouverte et se rend sans combats, sidérant tout le monde, y compris le gouvernement de Bagdad.

Tandis que les confessions religieuses, sous l'effet de l'idéologie baasiste qui vise à la laïcité et à l'unité, étaient relativement indifférentes les unes aux autres et que les Tribus étaient affaiblies sous Saddam Hussein, désormais les communautés sont hermétiques les unes aux autres.

Tandis que Khomeiny avait échoué à provoqué la prise de pouvoir des Chiites en Irak, l'invasion de 2003 y est finalement parvenue : les premiers ministres irakiens n'ont aucune chance d'être élus par le "parlement" s'ils n'ont pas l'aval de Téhéran... Et Saddam qui voulait un Etat puissant et autonome, avec ses bêtises, a finalement provoqué une situation de dépendance totale, une ruine absolue.

Les populations sont livrées à elles-mêmes sans espoir, selon l'auteur, qu'une autorité se reconstitue, que l'étranger apporte une solution, d'autant que la guéguerre entre Ryad et Téhéran fait de Bagdad un terrain d'affrontement.

Reste que le Kurdistan avec une relative autonomie, des ressources qui, sans être fabuleuses, ne sont pas négligeables, et une cohésion finalement pas ridicule par rapport au reste du pays, représente une esquisse de solution - pour le nord du pays.

L'auteur est donc très pessimiste pour la suite : il n'envisage qu'une scission du pays en trois : le Kurdistant au nord, le "Sunnistan", destiné à la pauvreté parce que sans ressources pétrolières, à l'ouest et au nord ; et le "pays chiite" au sud, sous doute sous influence iranienne, entre Bagdad et Bassorah. La scission multiplie donc les frontières et les frontières...

Seul espoir, écrit-il, un homme providentiel, d'une carrure exceptionnelle, sachant contrer les obstacles et fédérer toutes ces communautés, surmonter les cheikh de tribus, la corruption, Daech et les influences étrangères... On ne peut pas s'empêcher en lisant cela de penser à une copie d'un certain Saddam... Et l'histoire recommencerait ?....

Il est surprenant qu'autant d'informations soient apportées de manière si claire en si peu de pages (200). Outre ces données générales, il est aussi dit comment se marier, quoi faire de ses journées quand on est jeune en Irak, comment s'organise la corruption et quels sont les méthodes pour forcer un adversaire politique à se soumettre, quels sont les biographies des personnalités les plus influentes ou la listes des sociétés de sécurité privées en Irak (je n'ai pas trouvé celle qui avait fourni le convoi où j'avais pris place, peut-être trop petite...) ainsi que les organismes qu'elles accompagnent. C'est sans doute un incontournable pour tout déplacement professionnel prochain en Irak, diplomatique, universitaire ou lucratif.

Mais on se dit que Saddam Hussein aurait mieux fait de rester n°2 du parti et de ne pas prendre le pouvoir en 1979, il a tout bousillé. Et les autres se sont précipités, les crocs à découvert et la bave aux lèvres.
Commenter  J’apprécie          32

Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
Le système politique mis en place après 2003 ne fonctionne pas. Il fait d'ailleurs l'objet aujourd'hui d'un rejet généralisé au sein de la population irakienne. Les sunnites et les kurdes accusent les responsables politiques de favoriser la communauté chiites. Les chiites reprochent au gouvernement d'avoir laissé le pays sombrer dans l'instabilité et le chaos sécuritaire. la corruption des élites est unanimement conspuée. Ce constat désolant est dressé sans aucun regret de l'ancien régime de Saddam. Celui-ci était à la fois dictatorial, clanique et violent. Il existe pourtant une frange de la population qui regrette l'ère Saddam, non pas pour l'homme mais par nostalgie de l'unité du pays.
Commenter  J’apprécie          20
Car c'est la rivalité de puissance entre Saoudiens et Iraniens, beaucoup plus que les divergences théologiques, qui font se déchirer les deux branches de l'Islam.
Commenter  J’apprécie          30
L'Irak avait avait été ciblé par les néo-conservateurs, sur fond d'ambitions pétrolières et d'élucubrations idéologiques. Ce pays dictatorial et arriéré bénéficierait d'un changement de régime qui le convertirait à la démocratie. Une fois installé, ce système politique servirait de modèle à l'ensemble des pays du Grand Moyen-Orient. Au passage, les Etats-Unis puniraient Saddam Hussein pour ses liens avec Ben Laden et al-Qaida (liens qui n'ont existé que dans les délires de G. Bush et de ses conseillers), ainsi que pour le développement d'armes de destruction massive (dont on cherche encore les traces).
Commenter  J’apprécie          00
Les attaques sont souvent filmées : les vidéos sont des "preuves" (postées sur internet ou envoyées au commanditaire) qui permettent d'être payé.
Commenter  J’apprécie          30
Autre phénomène très destructeur, l'existence de dizaines de milliers, et sans doute même de centaines de milliers d'orphelins. Leurs parents sont morts sous les bombes américaines, dans la guerre civile qui a ravagé l'Irak depuis 2003. Leurs pères sont parfois en prison, ou ont rejoint les rangs de l'insurrection ou des groupes terroristes. Ces jeunes sont sans repères. Ils ont une rancoeur énorme contre le gouvernement, contre les Américains, contre les chiites en général. Ils sont des recrues idéales pour les organisations terroristes.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : irakVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Autres livres de Gilles Chenève (1) Voir plus

Lecteurs (1) Voir plus




{* *}