Lorsque son livre n’était déjà plus qu’un chef-d’œuvre mineur et presque clandestin, c’est à Tilly que Laclos disait : « J’ai voulu faire un ouvrage qui retentît encore sur la terre quand j’y aurai passé. » Comme il est rare qu’un écrivain se croie assuré des siècles par son seul talent, il semble que Laclos ait attendu sa postérité d’une dénonciation de son temps. Je crains (et les mémoires du temps semblent nous le montrer de plus en plus) que les mœurs des Liaisons n’aient eu dans la France de 1780 que l’importance de celles du Montparnasse dans la France de 1939. Les dépravations d’époque font toujours un peu rire, et le passage de l’après-guerre allemande à l’Allemagne hitlérienne suffit à nous en montrer la profondeur. Laclos fut autre chose : il fut un dénonciateur de rêves. Et je ne veux pas dire un exorciste. Il révéla les rêves de son temps par le seul procédé qui existe : en leur donnant la vie. En les faisant entrer dans le long domaine des rêves de tous, celui où les hommes promis à la mort contemplent avec envie les personnages un instant maîtres de leur destin.
1491 - [p. 21, Préface d'André Malraux]
La romancière Eliette Abécassis se penche sur le réseau social le plus populaire du moment, Instagram. Comment modèle-t-il nos imaginaires, simplifie-t-il nos émotions, s'insinue-t-il même dans nos amours ? Dans un roman qui colle à son sujet, c'est à un vrai pari que se livre l'autrice : si Choderlos de Laclos vivait dans les années 2020, que s'écriraient le Valmont et la Merteuil d'aujourd'hui, pour rimer avec leurs photos et leurs stories ?
Une rencontre diffusée dans le cadre de la Foire du Livre de Bruxelles 2021.