C'est la nuit. Il pleut sur Pigalle. Les rues sont désertes, si ce n'est ce vieil homme qui déambule, solitaire.
Bien avant cela, mais quand ? nous voilà sur le Plateau de l'Aubrac. Toinou vient d'avoir dix-huit ans. Il quitte ce paysage austère où, confiné dans un buron isolé avec trois autre hommes, il fabriquait la tome et s'occupait des cochons. A présent, tout va changer pour lui : il part à Paris.
Un magnifique album en noir et blanc expose la vie de ce petit provincial, ignorant et naïf, débarqué dans ce Pigalle des années 50. Tout le surprend. Il n'a jamais rien vu dans sa campagne. Il débarque chez Alric, un cousin bougnat. le rôle du jeune paysan : aller livrer le charbon. C'est ce qui l'amène dans un univers inconnu, celui de « La Lune bleue », un cabaret à la fois chic et louche, qui appartient au « beau Beb », mais « ici, on dit Patron ». Autour de celui-ci, un géant surnommé « Poing barre », un rat à lunettes, toujours un dossier sous le bras, « Pare-brise », et surtout Mireille, qui s'occupe du vestiaire.
Engagé dans ce lieu surprenant, le jeune béjaune (oie blanche ne conviendrait pas) va découvrir toute une vie mystérieuse, émaillée de trafics et de bagarres entre clans corses.
Les auteurs ont rendu avec brio dans ce roman graphique une atmosphère digne des films de Lautner ou Duvivier, genre « Pépé le Moko », « Les Tontons flingueurs » ou « Razzia sur la chnouf ». Il y a une galerie de portraits extraordinaire : les pin up, le barman américain, les mafieux, les gorilles gardes du corps, la vamp...
Arroyo excelle dans les décors d'époque et le bonus, c'est, à la fin de l'ouvrage, une dizaine de doubles planches, comme de vrais tableaux, qui nous immergent dans le Paris des ces années-là : Buttes-Chaumont, Café de Flore (avec
Sartre fumant la pipe), ciné Gaumont-Palace... Une splendeur.
Entrer dans l'histoire, c'est vivre dans un film de truands, avec une grosse touche de nostalgie et de mélancolie.
J'ai adoré cet album.