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sur 1266 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce roman, c'est celui d'un homme qui se cherche. Max est en dépression depuis 6 mois : il a des dizaines d'amis Facebook mais un seul capable d'écouter ses problèmes, sa femme et sa fille ont déménagé à l'autre bout du pays, son père vit à l'autre bout du monde, il est seul. Terriblement seul. Tellement seul que lorsqu'il accepte une mission de vendeur de brosses à dents à travers le pays, il en vient à tomber amoureux de son GPS, prénommé Emma en l'honneur de Jane Austen (ça, ça devrait plaire à quelques un[e]s d'entre vous !).

Il prend pleinement conscience de sa solitude durant un séjour en Australie, chez son père. Là, dans un restaurant, il aperçoit une mère et sa fille qui jouent aux cartes. Il émane d'elle un telle complicité que cela bouleverse Max. Une fois rentré dans son pays, il continue à être obsédé par cette image. Cela le pousse à faire le ménage dans sa vie : il renoue avec de vieux amis, fait la paix avec son père, découvre la vérité sur sa naissance. Il tente désespérément de retrouver qui il est et quel sens donner à sa vie. Il va même jusqu'à retourner en Australie, simplement pour retrouver cette femme. Or, arrivé tout près du but, il va connaître un curieux retournement de situation !

Une fois encore, à travers les rencontres et les réflexions de Max, Jonathan Coe nous fait la critique de la société anglaise. Cette fois-ci, il s'attaque plus spécifiquement à la société de consommation, à l'uniformisation des goûts (les mêmes magasins, la même nourriture partout) et à la disparition des petites entreprises au profit des grandes enseignes.

Dans ce roman, on retrouve également l'humour et le cynisme propres à Coe. Qu'est-ce que j'ai pu rire devant les situations loufoques dans lesquelles se mettaient Max et devant le caractère pathétique qui émane de lui !

Par contre, j'ai trouvé quelques longueurs à ce roman : les discussions avec Emma, même si elles étaient drôles deux minutes m'ont parfois exaspérée. La chute, également, m'a déconcertée. Pourquoi amener du fantastique dans un roman si ancré dans le réalisme ? Je n'adhère pas forcément.
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Encore une fois, je ne suis pas déçu : ambitieux, stimulant, subtil, parfois déjanté, voila les qualificatifs que m'inspirent la lecture de ce livre. Incontestablement un grand roman, d'un grand auteur.

Maxwell Sim est un être terne et sans éclat, ayant une conscience précise de sa fadeur. L'épitaphe gravée sur sa tombe devrait être, selon lui : « Ci-git Maxwel Sim, un type archi-banal ». Il est en effet d'une terrifiante banalité. Un dépressif quitté par sa femme, méprisé par sa fille, qui ne s'intéresse à rien d'autre qu'à son travail de VRP en brosse à dents de luxe et va établir, au cours de son périple vers l'Ecosse, une relation privilégiée avec son GPS, qu'il baptisera Emma. Pourtant, nous devinons, au fil des pages, qu'il n'est pas que cela.

L'ambition et le projet de Jonathan Coe percent rapidement : si l'auteur a créé cet « homme » si terne et si fade au début du roman, c'est d'abord pour le faire évoluer sous nos yeux, ensuite pour livrer en pâture à ses lecteurs des questions et des réflexions sur le roman, ses personnages et l'écriture. Que nous dit-il ? En substance, ceci : je vais vous montrer comment se construit un personnage de roman, ce qu'il est réellement, comment il s'enrichit progressivement, ce que j'ai voulu en faire sans totalement le vouloir, sans en être complètement conscient au moment où je l'écrivais. Je vais vous placer au coeur du processus de la création romanesque. Ce faisant, vous comprendrez quel rôle vous jouez, vous, lecteur, dans cette création. Car le lecteur n'est pas neutre : moi, auteur, je tiens compte de lui pour dessiner mes personnages et leur histoire.

Pour arriver à ses fins, il place Max dans des situations qu'il pourrait avoir lui-même vécues tout en lui insufflant un passé qui n'est pas le sien, des passions qui lui sont étrangères, des désirs qui lui sont inconnus. Dès le début, Max apparaît pour ce qu'il est : un personnage de papier, factice, vide, auquel par son talent l'auteur donne un souffle de vie et qui va nous accrocher, peu à peu, au fil des pages, tout comme Mr Sim est accroché par sa vie… quand elle est racontée par d'autres.

Car c'est la force de ce roman et de son personnage fantôme : Max est le lecteur de sa propre vie, écrite par son entourage proche. Il est donc placé dans la même situation que nous puisque nous sommes aussi lecteurs du roman qui nous expose sa « vie très privée ».

Max, qui reste toujours attaché à son ex-femme Caroline, entre en rapport avec elle sur un forum Internet en utilisant un pseudo féminin, Liz Hammond. Et Caroline, qui pendant quatorze ans n'a jamais pu vraiment communiquer avec son mari, développe alors avec Liz une relation épistolaire chargée d'émotion et d'amitié, ce qui le bouleverse : « (…) vous n'en reviendriez pas de la chaleur, de l'amitiés, de l'affection, oui, qu'elle mettait dans ces mots adressés à une étrangère, une parfaite inconnue qui n'existait même pas, bon Dieu de bon Dieu ! ».

Leur relation se développe tant que Caroline envoie à Liz/Max une nouvelle qu'elle vient d'écrire, dans laquelle elle met en scène un événement de sa vie de couple où Max tient un rôle central. Ainsi, Max devient, à travers la lecture de cette nouvelle, le lecteur de sa propre vie, décortiquée par Caroline qui joue alors le rôle de l'écrivain (elle ambitionne de le devenir). Et nous, lecteurs du roman de Jonathan Coe, devenons des lecteurs de la vie de Max écrite par un des personnages de Coe.

Au cours de son périple, notre personnage va être amené à lire un nouveau récit d'un épisode de sa vie , lorsqu'il rencontre Alison, la soeur de son ami d'enfance Chris. Les révélations apportées par ce récit, qui concernent aussi bien son père que lui-même, vont à nouveau le bouleverser, le transformer.

Un autre des multiples thèmes du roman porte sur la recherche de l'identité réelle d'un père avec qui Max n'a jamais pu communiquer et qu'il ne comprend pas. Et Jonathan Coe, qui s'amuse à créer un suspense à travers cette double recherche d'identité, nous montre combien il est difficile d'interpréter des faits pour les rendre signifiants. Car là encore, dans le récit d'Alison, Max ne saisira pas l'essentiel. Il lui faudra poursuivre sa quête pour y parvenir. En attendant, écrasé par les révélations sur son passé, Max se surprend lui aussi, comme les autres, à inventer, à imaginer ce qu'aurait pu devenir si l'auteur l'avait voulu, et il nous raconte des scènes imaginaires qui auraient pu se dérouler entre Alison et lui. A cet instant du roman, le personnage de Max commence à sortir de sa médiocrité initiale : « Non, rien n'est vrai, mais vous savez quoi ? Je crois que je commence enfin à me débrouiller, comme écrivain (…) Et je dois avouer que j'y ai pris vraiment du plaisir. Je n'aurais jamais imaginé qu'inventer soit aussi gratifiant. »

Peu à peu, Max se rapprochera de son père et finira par le connaître mieux, en même temps qu'il découvrira les raisons profondes de son mal-être. Il poursuit d'ailleurs sa quête de sa propre identité à travers les carnets de son père, poète et admirateur de T.S. Eliot, que celui-ci lui a demandé de ramener en Australie. Lorsqu'il trouve ces carnets, leur lecture est une nouvelle révélation. La perception qu'il a de la réalité de son enfance, de ses relations avec son père et avec les femmes se trouve modifiée par sa lecture. Dans le même temps, notre perception de lecteur happé par l'histoire de Max s'en trouve aussi bouleversée.

Dans le courant de l'histoire, Mr Sim va nous révéler sa conception de la création artistique, directement induite de ce qu'il vient d'apprendre :

« Si nous vivions tous dans un parfait bonheur, sans conflits, sans tensions, sans névroses, sans angoisses, sans problèmes irrésolus, sans injustices monstrueuses tant sur le plan personnel que politique, sans rien de toutes ces saletés, alors les gens qui courent chercher des consolations dans des histoires n'auraient plus besoin de le faire, n'est-ce pas ? Ils n'auraient plus du tout besoin d'art. C'est pourquoi je n'en ai pas besoin, moi, et vous non plus, désormais ».

Est-ce la conception de Jonathan Coe lui-même qui est ainsi dévoilée ? Bien sûr, nous n'en saurons rien. Mais Coe joue avec le lecteur avec son humour habituel : si vous avez commencé ce roman, nous dit-il en substance, c'est que vous étiez névrosés et malheureux. Max découvre et comprend en même temps que le lecteur les ressorts de sa sexualité et les raisons profondes de son mal-être : il est guéri peu de temps avant sa disparition, désormais il n'aura plus besoin de lire des histoires.

Paul Auster avait lui aussi exploré les rapports ambigus entre le romancier et ses créatures/personnages, dans « Seul dans le noir », « Invisible » ou « le livre des illusions ». Jonathan Coe ne se contente pas de ce seul élément pour faire exploser son roman au visage du lecteur, il va plus loin en développant le triptyque auteur/lecteur/personnage. Il le fait d'une façon plus décontractée qu'Auster, avec son humour discret, si corrosif, en nous donnant le sentiment qu'un personnage de roman n'est qu'une création littéraire et un jeu de l'esprit que ni le romancier, ni son lecteur, ne doivent prendre trop au sérieux.

Le roman avait commencé par la vision, dans un restaurant de Sydney, d'une jeune femme asiatique et de sa fille qui jouaient aux cartes au restaurant. La complicité entre la mère et la fille, leurs liens étaient si évidemment forts que le solitaire Max, qui n'avait jamais pu communiquer ni avec sa fille ni avec son père en avait été bouleversé. Il avait conservé ces images là dans sa mémoire et son rêve était de les retrouver un jour. Magie du roman, l'auteur exauce son rêve et Mr Sim peut enfin discuter avec la jeune femme, quelques pages avant la fin. Quelques phrases lui suffisent pour deviner qu'elle a perçu le point essentiel de sa personnalité, celui qu'il cachait à lui-même : ce n'est pas avec elle qu'il pourra être heureux, mais plutôt avec Clive, l'homme qu'il a rencontré au cours de son périple.

Lorsque le livre s'achève, nous avons fait le tour de la vie de Mr Sim, nous savons comment Coe a créé son personnage. Comment finir l'histoire ? par une note d'espoir ? Une fin heureuse ? désespérée ? Ouverte ? Chacun de ces choix serait mal venu : Coe veut nous montrer que le personnage n'est qu'un accessoire, un moyen d'atteindre son but qui est de parler de notre époque, de la création littéraire, des rapports entre les êtres. L'histoire terminée, le héros peut alors disparaitre d'un claquement de doigt. C'est ce que fait l'auteur dans une scène finale que certains commentateurs jugent étonnante, mais qui est, somme toute, d'une logique imparable.
Lien : https://www.un-polar.com/
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Depuis Testament à l'anglaise et le cercle fermé, la sortie d'un nouveau roman de Jonathan Coe est toujours un événement que je ne rate jamais. Encore une fois, je ne suis pas déçu : ambitieux, stimulant, subtil, parfois déjanté, voila les qualificatifs que m'inspirent la lecture de ce livre. Incontestablement un grand roman, d'un grand auteur.

Maxwell Sim est un être terne et sans éclat, ayant une conscience précise de sa fadeur. L'épitaphe gravée sur sa tombe devrait être, selon lui : « Ci-git Maxwel Sim, un type archi-banal ». Il est en effet d'une terrifiante banalité. Un dépressif quitté par sa femme, méprisé par sa fille, qui ne s'intéresse à rien d'autre qu'à son travail de VRP en brosse à dents de luxe et va établir, au cours de son périple vers l'Ecosse, une relation privilégiée avec son GPS, qu'il baptisera Emma. Pourtant, nous devinons, au fil des pages, qu'il n'est pas que cela.

L'ambition et le projet de Jonathan Coe percent rapidement : si l'auteur a créé cet « homme » si terne et si fade au début du roman, c'est d'abord pour le faire évoluer sous nos yeux, ensuite pour livrer en pâture à ses lecteurs des questions et des réflexions sur le roman, ses personnages et l'écriture. Que nous dit-il ? En substance, ceci : je vais vous montrer comment se construit un personnage de roman, ce qu'il est réellement, comment il s'enrichit progressivement, ce que j'ai voulu en faire sans totalement le vouloir, sans en être complètement conscient au moment où je l'écrivais. Je vais vous placer au coeur du processus de la création romanesque. Ce faisant, vous comprendrez quel rôle vous jouez, vous, lecteur, dans cette création. Car le lecteur n'est pas neutre : moi, auteur, je tiens compte de lui pour dessiner mes personnages et leur histoire.

Pour arriver à ses fins, il place Max dans des situations qu'il pourrait avoir lui-même vécues tout en lui insufflant un passé qui n'est pas le sien, des passions qui lui sont étrangères, des désirs qui lui sont inconnus. Dès le début, Max apparaît pour ce qu'il est : un personnage de papier, factice, vide, auquel par son talent l'auteur donne un souffle de vie et qui va nous accrocher, peu à peu, au fil des pages, tout comme Mr Sim est accroché par sa vie… quand elle est racontée par d'autres.

Car c'est la force de ce roman et de son personnage fantôme : Max est le lecteur de sa propre vie, écrite par son entourage proche. Il est donc placé dans la même situation que nous puisque nous sommes aussi lecteurs du roman qui nous expose sa « vie très privée ».

Max, qui reste toujours attaché à son ex-femme Caroline, entre en rapport avec elle sur un forum Internet en utilisant un pseudo féminin, Liz Hammond. Et Caroline, qui pendant quatorze ans n'a jamais pu vraiment communiquer avec son mari, développe alors avec Liz une relation épistolaire chargée d'émotion et d'amitié, ce qui le bouleverse : « (…) vous n'en reviendriez pas de la chaleur, de l'amitiés, de l'affection, oui, qu'elle mettait dans ces mots adressés à une étrangère, une parfaite inconnue qui n'existait même pas, bon Dieu de bon Dieu ! ».

Leur relation se développe tant que Caroline envoie à Liz/Max une nouvelle qu'elle vient d'écrire, dans laquelle elle met en scène un événement de sa vie de couple où Max tient un rôle central. Ainsi, Max devient, à travers la lecture de cette nouvelle, le lecteur de sa propre vie, décortiquée par Caroline qui joue alors le rôle de l'écrivain (elle ambitionne de le devenir). Et nous, lecteurs du roman de Jonathan Coe, devenons des lecteurs de la vie de Max écrite par un des personnages de Coe.

Au cours de son périple, notre personnage va être amené à lire un nouveau récit d'un épisode de sa vie , lorsqu'il rencontre Alison, la soeur de son ami d'enfance Chris. Les révélations apportées par ce récit, qui concernent aussi bien son père que lui-même, vont à nouveau le bouleverser, le transformer.

Un autre des multiples thèmes du roman porte sur la recherche de l'identité réelle d'un père avec qui Max n'a jamais pu communiquer et qu'il ne comprend pas. Et Jonathan Coe, qui s'amuse à créer un suspense à travers cette double recherche d'identité, nous montre combien il est difficile d'interpréter des faits pour les rendre signifiants. Car là encore, dans le récit d'Alison, Max ne saisira pas l'essentiel. Il lui faudra poursuivre sa quête pour y parvenir. En attendant, écrasé par les révélations sur son passé, Max se surprend lui aussi, comme les autres, à inventer, à imaginer ce qu'aurait pu devenir sa vie si l'auteur l'avait voulu, et il nous raconte des scènes imaginaires qui auraient pu se dérouler entre Alison et lui. A cet instant du roman, le personnage de Max commence à sortir de sa médiocrité initiale : « Non, rien n'est vrai, mais vous savez quoi ? Je crois que je commence enfin à me débrouiller, comme écrivain (…) Et je dois avouer que j'y ai pris vraiment du plaisir. Je n'aurais jamais imaginé qu'inventer soit aussi gratifiant. »

Peu à peu, Max se rapprochera de son père et finira par le connaître mieux, en même temps qu'il découvrira les raisons profondes de son mal-être. Il poursuit d'ailleurs sa quête de sa propre identité à travers les carnets de son père, poète et admirateur de T.S. Eliot, que celui-ci lui a demandé de ramener en Australie. Lorsqu'il trouve ces carnets, leur lecture est une nouvelle révélation. La perception qu'il a de la réalité de son enfance, de ses relations avec son père et avec les femmes se trouve modifiée par sa lecture. Dans le même temps, notre perception de lecteur happé par l'histoire de Max s'en trouve aussi bouleversée.

Dans le courant de l'histoire, Mr Sim va nous révéler sa conception de la création artistique, directement induite de ce qu'il vient d'apprendre :

« Si nous vivions tous dans un parfait bonheur, sans conflits, sans tensions, sans névroses, sans angoisses, sans problèmes irrésolus, sans injustices monstrueuses tant sur le plan personnel que politique, sans rien de toutes ces saletés, alors les gens qui courent chercher des consolations dans des histoires n'auraient plus besoin de le faire, n'est-ce pas ? Ils n'auraient plus du tout besoin d'art. C'est pourquoi je n'en ai pas besoin, moi, et vous non plus, désormais ».

Est-ce la conception de Jonathan Coe lui-même qui est ainsi dévoilée ? Bien sûr, nous n'en saurons rien. Mais Coe joue avec le lecteur avec son humour habituel : si vous avez commencé ce roman, nous dit-il en substance, c'est que vous étiez névrosés et malheureux. Max découvre et comprend en même temps que le lecteur les ressorts de sa sexualité et les raisons profondes de son mal-être : il est guéri peu de temps avant sa disparition, désormais il n'aura plus besoin de lire des histoires.

Paul Auster avait lui aussi exploré les rapports ambigus entre le romancier et ses créatures/personnages, dans « Seul dans le noir », « Invisible » ou « le livre des illusions ». Jonathan Coe ne se contente pas de ce seul élément pour faire exploser son roman au visage du lecteur, il va plus loin en développant le triptyque auteur/lecteur/personnage. Il le fait d'une façon plus décontractée qu'Auster, avec son humour discret, si corrosif, en nous donnant le sentiment qu'un personnage de roman n'est qu'une création littéraire et un jeu de l'esprit que ni le romancier, ni son lecteur, ne doivent prendre trop au sérieux.

Le roman avait commencé par la vision, dans un restaurant de Sydney, d'une jeune femme asiatique et de sa fille qui jouaient aux cartes au restaurant. La complicité entre la mère et la fille, leurs liens étaient si évidemment forts que le solitaire Max, qui n'avait jamais pu communiquer ni avec sa fille ni avec son père en avait été bouleversé. Il avait conservé ces images là dans sa mémoire et son rêve était de les retrouver un jour. Magie du roman, l'auteur exauce son rêve et Mr Sim peut enfin discuter avec la jeune femme, quelques pages avant la fin. Quelques phrases lui suffisent pour deviner qu'elle a perçu le point essentiel de sa personnalité, celui qu'il cachait à lui-même : ce n'est pas avec elle qu'il pourra être heureux, mais plutôt avec Clive, l'homme qu'il a rencontré au cours de son périple.

Lorsque le livre s'achève, nous avons fait le tour de la vie de Mr Sim, nous savons comment Coe a créé son personnage. Comment finir l'histoire ? par une note d'espoir ? Une fin heureuse ? désespérée ? Ouverte ? Chacun de ces choix serait mal venu : Coe veut nous montrer que le personnage n'est qu'un accessoire, un moyen d'atteindre son but qui est de parler de notre époque, de la création littéraire, des rapports entre les êtres. L'histoire terminée, le héros peut alors disparaitre d'un claquement de doigt. C'est ce que fait l'auteur dans une scène finale que certains commentateurs jugent étonnante, mais qui est, somme toute, d'une logique imparable.

Cette critique se trouve aussi sur le blog collectif Un Polar :
Lien : http://unpolar.hautetfort.co..
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Ce livre m'a beaucoup plu !

On suit un individu "médiocre" en pleine dépression dans un road trip à travers l'Angleterre (et un peu plus). On savoure son grain de folie qui donne son humour si particulier à ce livre. Avertissement : si vous n'aimez pas l'humour noir et les ambiances un peu glauques, fuyez.

La naïveté sans niaiserie et le gout de la banalité du héros sont ici exposés de manière très réussie. On ne s'y ennuie pas une minute, ou peut-être si un tout petit peu quand le dénouement traîne (très légèrement) en longueur.
Il est le narrateur de l'histoire et le ton est très réussi.

Il y a quelques histoires dans l'histoire, des sortes de nouvelles intégrées au roman. C'est un peu étrange (car un peu long pour des digressions) mais agréable. Ca permet de varier le ton sans nuir à l'ambiance (au contraire).
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Maxwell Sim is this nearly fifty-year-old man lost in his life. His wife and daughter have left him, he is depressed and on medical leave from work. His relationship with his father is catastrophic, and he doesn't have any friends. He accepts a job that requires going up north to Scotland with ecological toothbrushes. Doing so, he meets old acquaintances and family, revisiting at the same time his life. This introspection will end with Max being found half-naked in his car, drunk, and suffering from hypothermia. From then on, he will retrace his steps and make amends with his past, ending in Australia, where this whole story started. Fantastic novel, an absolute pleasure, and an astonishing last four pages.
Lien : https://redheadwithabrain.ch..
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Jusqu'à maintenant, il y avait pour moi le Jonathan Coe d'avant " les nains de la mort " et celui d'après.... Avec qq chose d'inconciliable entre les deux, des romans certes sympathiques mais aussi un peu plat ....
Et bien avec Mr Sim, je retrouve avec plaisir Jonathan Coe.
Mr Sim est vraiment au bord du gouffre et bien tant mieux, il y va, sans courage, sans conviction et la vie va lui faire un merveilleux cadeau.
La pirouette de la fin ne m'a rien apporté de plus, juste une mise en abîme amusante, renforçant l'idée que finalement ds la vie, rien n'est vraiment grave sauf la mort.
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J'ai suivi les aventures et mésaventures de Mr Sim avec beaucoup de plaisir. J'ai trouvé Mr Sim très attachant, sympathique et le reflet de notre société. Son équipée de commis-voyageur, représentant en brosses à dent révolutionnaires, est à la fois drôle et pathétique (dialogues avec son GPS). le roman est bien construit notamment par le biais des lectures de lettres, manuscrits et journaux. Encore une fois Jonathan Coe dépeint avec justesse et lucidité les travers de notre société.
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L'un des 2 meilleurs livres que j'ai lus depuis le début de l'année !

La vie de Maxwell Sim est une succession réjouissante d'occasions ratées. Depuis ses tentatives désespérantes de communiquer pour communiquer qui n'aboutiront qu'à un échange déprimant avec un GPS, jusqu'à ses échecs professionnels et familiaux, il n'est qu'un velléitaire furieusement moderne incapable de prendre sa vie en main.
Il demeure tout de même sous cette épaisse désespérance, non pas de l'espoir, mais comme une forme d'inconscience face à la vie qui agit à la manière d'une (mince) carapace. Certains trouveront dans le final un début d'explication...
Coe fait aussi preuve d'une certaine virtuosité stylistique en entrecoupant son récit de lettres, messages et divers textes des protagonistes.

En bref l'histoire anti-dépressive d'un déprimé sympathique
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Prenons un homme ordinaire séparé d'une femme avec qui la communication était devenue difficile, père d'une fille adolescente avec qui ce n'est guère mieux, qui n'a plus de contact avec son meilleur ami d'enfance et qui doit aller vanter une marque de brosses à dents écolo au fin fond des îles Shetland. C'est ainsi qu'il va se découvrir (dans tous les sens du terme d'ailleurs).
L'homme s'embarque dans cette aventure avec sa Toyota Prius et son GPS parlant qu'il nomme « Emma » et qui devient vite sa confidente. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, Maxwell Sim, car c'est bien son nom, découvre la face cachée des gens qui l'entourent.
Ainsi découvre-t-il via internet et un forum d'écrivaines amatrices, ce que sa femme écrit et raconte un épisode de leurs vacances en Irlande où, par sa faute le fils de son meilleur ami se blessa. Pour ce faire, Maxwell se fait passer pour une femme en prenant un faux nom. A chaque fois, Maxwell arbore plus ou moins consciemment un masque et à chaque fois, c'est un jalon que pose l'auteur et qui, si l'on est un lecteur attentif et concentré, permet de deviner bien des choses sur ce personnage.
C'est lors du voyage vers les Shetlands qu'il repasse dans l'appartement de son père et découvre un « journal »de jeunesse de celui-ci ; ce père à qui il vient de rendre visite en Australie, avec qui la communication est tout aussi compliquée mais c'est aussi dans ce pays qu'il admire avec envie la formidable osmose d'une dame chinoise et de sa petite fille qui jouent aux cartes dans un restaurant un jour régulier du mois.
C'est bizarre, tout ce qui lui arrive quand même, : ces morts inattendues, cette rencontre avec une jeune femme au métier très étrange, les découvertes d'écrits divers dont le centre semble bien être celui d'Alison, soeur de son meilleur ami, jadis amoureuse de lui, qu'il revoit mais avec qui il ne parvient tout de même pas à « conclure ».
Coe, comme à son habitude, et c'est pour ça que j'apprécie cet auteur, se détache de sa narration principale pour insérer d'autres textes d'autres protagonistes. C'est un peu sa marque de fabrique. de même, il ne manque pas de faire une critique sociale de l'Angleterre mondialisée à travers l'entreprise que représente Max : une de celles qui luttent contre les grands groupes pollueurs chinois (qu'on retrouve à la fin au détour d'une conversation.)
En ce qui me concerne, je pense toujours qu'on bon romancier doit soigner sa fin, la rendre originale tout en perdant délicieusement le lecteur dans les méandres de l'intrigue. Ce roman de Coe agit comme une démonstration quasi-mathématique, une dissertation sur l'identité dans lequel l'auteur rappelle les évènements qui se sont enchaînés, comme une conclusion qui recule pour mieux sauter sur la révélation finale. Et au moment où l'on croit que tout est résolu, on savoure les trois dernières pages avec délice et étonnement.
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Comment naissent les histoires ? Comment un écrivain parvient-il à faire surgir des personnages dans son imaginaire qui vont devenir des êtres palpables pour les lecteurs que nous sommes ? En frottant deux idées l'une contre l'autre. C'est ce que nous explique Jonathan Coe qui, au terme de son roman de quatre cents pages, n'hésite pas à nous livrer ses secrets de fabrication.

Prenez un type moyen. Anglais, habitant « Watford » (magnifique ode à habiter Radford), travaillant dans un service après-vente d'un magasin de Londres, et délaissé par sa femme Caroline et sa fille Lucy depuis six mois. En apparence, Maxwell – dit Max – Sim « comme la carte du même nom » a tout pour être heureux. Soixante-dix amis sur Facebook. Un job de contacts. Et un voyage en Australie offert par sa femme en guise de cadeau d'adieu pour aller rendre visite à son père.

Oui mais voilà : Sim est en dépression. de son voyage en Australie il ne rapportera que deux choses : le souvenir, alors qu'il est au restaurant attablé avec son père, de deux Chinoises - la mère et la fille - attablées à côté de lui, et totalement absorbées l'une par l'autre : le symbole d'une intimité depuis longtemps méconnue de notre anti-héros. Et puis une seconde : la clef d'un appartement en Angleterre, acheté par son père mais laissé vacant, dans lequel doit croupir un dossier appelé « Deux duos » et qui pourrait donner à Max le secret des circonstances de sa naissance.

Avouez que c'est peu. Et pourtant c'est suffisant pour que le lecteur empoigne cette « vie très privée » - mais privée de quoi au juste ? – et ne la lâche pas d'une semelle. Il faut dire que Max attire les histoires comme un aimant. A son voisin de bord dans l'appareil qui le ramène d'Australie il s'adresse dans une logorrhée pour raconter sa vie – et voilà que l'homme d'affaires a une crise cardiaque et qu'il ne peut plus l'écouter. A la jeune femme qui le remplace dans le vol suivant – il vient d'apprendre qu'elle est « facilitatrice d'adultère » : un job qui paie bien quand on est diplômée d'histoire et qu'on ne trouve aucun job dans l'Angleterre d'aujourd'hui – il confie quelques bribes mais c'est elle surtout qui va lui confier un autre secret – et voilà comment le personnage de l'oncle Clive va entrer en scène et devenir l'un des protagonistes de l'histoire qui se tisse.


Donc Sim déprime. Faut-il qu'il reprenne son travail au service après-vente ? Il y a mieux à faire, comme le lui suggère la belle Lyndsay : il va pouvoir décrocher un job de rêve : devenir l'ambassadeur de brosses à dents ultra révolutionnaires et partir ainsi tout en haut de l'Ecosse porter haut et fort les couleurs de sa nouvelle société. En chemin, il ira de surprise en surprise : il découvrira les conditions de sa naissance, mais aussi le secret tu par son père pendant tant d'années ; il rendra visite à Caroline et sa fille – mais que dit-on aujourd'hui à une adolescente gavée de réseaux sociaux et devenue de plus en plus lointaine ; et beaucoup d'autres choses encore.




Jonathan Coe est très fort. Il observe nos sociétés consuméristes et peuplées de réseaux – mais qui laissent l'individu dans un grand état de solitude. Coe met le doigt là où ça fait mal, comme lorsque Sim espionne sa femme sur Facebook en se cachant sous une fausse identité : la vie d'aujourd'hui prévoit-elle qu'on communique plus facilement à un inconnu – voire à un avatar – qu'avec son propre mari ?

L'auteur utilise un procédé qu'il avait déjà utilisé auparavant, comme dans « La pluie, avant qu'elle tombe » par exemple : enchâsser des textes dans l'histoire qui se déroule : courrier écrit par l'oncle Clive à sa nièce Poppy, nouvelle écrite par sa femme en atelier d'écriture, récit d'Allison (une amie d'enfance) sur un événement survenu pendant leur adolescence, longue confession du père sous forme de lettre enfouie dans un vieil appartement …

Toute une galerie de personnages secondaires apparaît alors : Alison, l'amie d'enfance avec qui il aurait pu se passer quelque chose, Caroline et Lucy, la femme et la fille qui vivent très bien sans Max, ou même Miss Erith et le Professeur Mumtaz, à travers qui la voix de J. Coe se fait peut-être entendre pour dire la nostalgie de l'Angleterre d'avant le libéralisme.


Mais, pour échapper au spleen, le mieux, c'est de se tourner vers Emma.
Affable, Emma ne s'irrite jamais, elle ne répond pas aux propos décousus de Max. D'une constance à toute épreuve, Emma indique toujours le Nord. Max est en train d'en tomber amoureux.
Emma est la voix calme du GPS de la voiture de Max.

Humour, ironie, tendresse : tous les ingrédients sont réunis chez Jonathan Coe pour donner naissance à un grand roman contemporain.
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