On ne sort jamais indifférent de la lecture d'un livre, de par l'émotion transmise ou l'histoire qui a souvent des résonances sur notre vie personnelle. Chaque lecture est comme un moment d'intimité que l'on partage avec les personnages.
Là vous ne sortirez pas indemne de la lecture de "
Max" de
Sarah COHEN-SCALI. Plus qu'un témoignage hyper documenté, ce récit est comme un coup de poignard.
On découvre l'histoire de
Max depuis les quelques minutes qui précèdent sa naissance jusqu'à ses 9 ans.
Max naît le 20 avril 1936 à minuit une, à Steinhöring, en Bavière, dans un « Lebensborn », autrement dit un foyer où des Frau sélectionnées, répondant aux critères aryens les plus strictes, mettent au monde des enfants (après des accouplements plus ou moins forcés avec des officiers SS) qu'elles offrent au Führer, afin de créer la jeunesse allemande du futur.
La force de ce roman et le coup de génie de
Sarah Cohen-Scali c'est de nous livrer ce récit à la première personne au travers des yeux et des oreilles de Konrad alias
Max (alors qu'il est encore dans le ventre de sa mère) : ce bébé qui se surnommera lui-même BPFP " Baptisé Par le Führer En Personne".
Ce roman est perturbant, dérangeant. On se demande encore comment tant d'horreurs ont été possibles.
Konrad /
Max est une véritable abomination de la nature (malgré ses beaux yeux bleus et sa "gueule d'ange"), un monstre auquel il est difficile de s'attacher et pour lequel on éprouve aucune empathie.
Et pourtant, il reste à certains moments profondément humain, et les rencontres qu'il fera ajouteront à chaque fois un peu d'humanité au personnage. Les femmes, tout d'abord : sa mère, les prisonnières juives dans deux épisodes chocs du roman (sans en dévoiler le contenu). Et puis Lukas, ce juif polonais qui va transformer
Max à mesure des années et de leur relation, parfois ambigüe.
Il faudra du temps à
Max pour comprendre les choses, pour se détacher de la cruauté, de la haine, de l'indifférence et pour laisser couler ses larmes et finir par devenir simplement un enfant comme les autres, avec son histoire, son passé, ses peines, ses angoisses. La prise de conscience sera longue et douloureuse.
La première moitié du roman est sans conteste la plus intéressante mais aussi la plus difficile à aborder. La découverte du programme Lebensborn dans ses moindres détails, les horreurs de la guerre, le nazisme, les séquestrations d'enfants...
Sarah Cohen-Scali nous apporte quelques précisions historiques dans son journal d'écriture à la fin du roman (à ne pas lire avant pour ne pas connaître par anticipation le sort de quelques personnages... !). La partie la plus lassante est pour moi celle du camp d'entrainement, sorte d'école militaire, dans laquelle se retrouvent Lukas et
Max. L'intérêt reprend avec la fin de la guerre, l'invasion de Berlin par les russes puis les américains et le dénouement final dont je ne dirai mot.
Une chose surprenante est que "
Max" fait partie de la littérature jeunesse, à partir de 15 ans certes, mais comme cela est signalé, cette lecture doit être accompagnée et expliquée aux jeunes lecteurs. "
Max" est à lire sans plus attendre. C'est une lecture choc mais ô combien indispensable et instructive.