Max est un roman de
Sarah Cohen-Scali, publié le 31 Mai 2012 qui a remporté le Prix Sorcières en 2013. Ce roman de 480 pages, publié chez
Gallimard Jeunesse dans la collection Scripto, n'est pas destiné aux plus jeunes de par son sujet difficile ; il est en effet destiné aux adolescents à partir de 15 ans. On peut le considérer comme un roman historique, contextualisé à la première personne, ce qui est assez déroutant de prime abord.
Nous pouvons résumer l'histoire de la façon suivante : En 1936, à Steinhöring en Bavière une voix nous parvient de l'intérieur du ventre d'une mère, d'une « frau ». C'est
Max, ou Konrad von Kebnersel, qui nous parle et c'est lui qui nous racontera toute son histoire. Sa mère est dans une « pouponnière » des plus immondes. Cette pouponnière en est une parmi d'autres, toutes issues du programme « Lebensborn » initié en Décembre 1935 par
Heinrich Himmler, le tristement célèbre proche et collaborateur d'
Adolf Hitler. La mère fait partie de ces nombreuses jeunes filles répondant aux exigences sélectives qui « travaillent » pour le compte du Reich en portant l'enfant d'un SS qu'elles ne verront qu'une seule fois pour la conception de cet enfant. Les enfants, si ils répondent aux exigences de la pureté aryenne mises en place par le régime, sont enlevés de leurs mères pour intégrer des écoles ou des Napolas afin de parfaire leur éducation nationaliste et fanatique.
Max désire du plus profond de son être naître le 20 Avril 1936 à minuit et une minute afin d'être le premier enfant issu de ce programme mais aussi afin de naître le même jour que son idole, son maître à penser qu'il admire tant dés le stade embryonnaire,
Adolf Hitler. Il « réussit » à naître comme il le décide et devient l'être parfait et exemplaire de la race aryenne : cet être fabriqué a de beaux cheveux blonds, des yeux bleus profonds et comme il le dit lui-même « un visage d'ange ». Il va passer le début de son enfance dans ce centre Lebensborn en rejetant toute affection, tendresse ou tout autre sentiment synonyme pour lui de faiblesse. Il ne veut pas décevoir son idole et se doit d'être dur comme l'acier et coriace comme le cuir. Il va même jusqu'à être baptisé par le Furher en personne ce qui l'emplira d'une extrême fierté.
Il va ensuite servir dans différentes missions : aider à enlever d'autres enfants polonais qui pourraient répondre aux exigences de la pureté de la race, devenir un exemple pour un centre de « germanisation » des enfants kidnappés... Tout ce qu'il fait, il le fait avec passion, zèle et un tempérament qui lui vaut les éloges de ses supérieurs. Il va bientôt rencontrer un enfant plus âgé que lui : Lukas. Lukas correspond à toutes les exigences de la race pure à un détail prés : il est juif. Mais il n'est pas circoncis, il passe donc les tests sans aucun problème ou presque. Lukas passe donc pour un non-juif afin de sauver sa vie. Malgré cela, Max va devenir son petit frère et se sentir perdu sans lui, malgré sa haine programmée des juifs. Lukas va tout faire pour se venger des horreurs qu'il a subit. Lui et Max vont ainsi assister à la chute du régime nazi, à la chute de ses idées préconçues mais jusqu'à quel point ? Max ne comprend pas la tristesse, pour lui ce n'est qu'une sensation désagréable dans le ventre. Ils vont tous les deux s'enfuir de la Napola quand les alliés attaqueront l'Allemagne. Ils se réfugieront dans des ruines de maisons et feront la connaissance d'allemands qui sont désormais persécutés. Les gentils deviennent les mauvais, les mauvais ne sont plus forcément ceux que nous pensons. Un quiproquo mettra un terme à la vie de Lukas : le dernier coup de feu de la guerre sera pour lui. Il laisse Max seul derrière lui. Celui-ci atterrira dans un centre pour orphelins, et il pourra raconter son histoire comme il l'a promis à Lukas. Max doit raconter ce qu'il a subit, Lukas aussi et c'est Max qui le fera pour lui.
Dés la couverture le ton est donné : un embryon anonyme car sans visage, un brassard nazi sur le bras droit. le tout est déposé sur un fond rouge sang. Ce foetus est entouré d'indications métriques concernant la forme de son crâne, sa taille, l'angle entre son nez et sa tête, la mesure de ses mains ou de ses pieds. A cela s'ajoute, écrit en blanc, le titre de l'ouvrage qui est aussi le nom du personnage principale par lequel nous aurons connaissance de l'Histoire et de l'histoire :
Max. Ce prénom est écrit en caractère gothique, plus précisément en antiqua qui était la police de caractère dite aryenne. L'horreur est présente dés la couverture. Elle choque, elle frappe mais elle représente vraiment les centres Lebensborn, de l'eugénisme du nazisme mis en pratique.
L'écriture est crue, dure et sans détour. La narration est à la fois simple et lourde de sens, sans pour autant omettre des détails historiques. En effet,
Sarah Cohen-Scali, diplômé de philosophie et d'art dramatique, nous offre à la fin de son ouvrage ses pistes de réflexions et ouvrages de références qu'elle a utilisé pour se documenter. Les péripéties sont inventées mais sont représentatives du destin de milliers d'enfants nés dans ces laboratoires.
Max est un enfant parmi d'autre, il est l'emblème de tous ces enfants nés dans l'horreur et par l'horreur : tués (pour ceux qui ne correspondent pas aux exigences) ou utilisés pour le compte du régime de l'infâme.
Les personnages secondaires ne sont pas caricaturaux : ils sont simples et clairement identifiables avec une psychologie qui leur est propre. On comprend ce que l'on nous narre sans un effort particulier d'immersion active. le lecteur est absorbé, il est intégré dés le début de l'ouvrage. Même si les mots de l'auteur n'ont été couchés que récemment, la noirceur de l'Histoire qu'ils décrivent est réelle et pas si éloignée.
Ce roman est hybride : on se plaît à lire l'horreur car elle nous fait réfléchir. Ces personnages nous interpellent, nous assomment presque dans l'abject qu'ils font subir ou qu'ils subissent. Ce plaisir de lire un auteur talentueux est donc mêlé à la réflexion et l'incompréhension de la réalité qu'elle décrit. Ce livre n'est pas destiné aux plus jeunes. L'éditeur nous mentionne dés 15 ans, mais j'opterais pour une lecture accompagnée par un adulte ayant pleinement compris les enjeux de l'ouvrage, même pour les adolescents. le thème est en effet très difficile, l'horreur est indescriptible mais la connaissance de celle-ci est absolument nécessaire. le vertige et le malaise que cette lecture suscite prouvent que l'ouvrage est réussi, très bien documenté et d'une utilité publique certaine.