Moi, Turpin, je fus assuré ainsi que l'âme du prince mon maître avait été enlevée au ciel par les mains des anges bienheureux, par le poids de ses bonnes oeuvres, et par la protection des saints qu'il a révérés et servis durant sa vie. Aussitôt je fis venir mes clercs, j'ordonnai de faire sonner toutes les cloches de la ville; je fis dire des messes; je distribuai des aumônes aux pauvres; enfin, je fis prier pour l'âme de Charles, dans l'espérance fondée d'alléger son purgatoire. En même temps, je témoignai à tous ceux que je voyais que j'étais assuré de la mort de l'Empereur. Dix jours après, je reçus un courrier qui m'en apporta tous les détails, et m'apprit que le saint monarque avait été enseveli dans l'église que lui même avait fondée à Aix-la-Chapelle.
Charles le Chauve, petit-fils dégénéré de Charlemagne, pendant trente-sept ans roi des Français, qui l'estimaient peu, empereur d'Occident pendant les deux dernières années de sa vie, était un prince qui mêlait à un grand respect pour la religion et l'Église bien des défauts et même des vices. Nous n'avons pas à le juger ici. Nous ne le citons que pour son voyage aux lieux inférieurs, aventure dont il a lui même écrit et publié la relation.
On défiait la mort : L'effet produit par l'acte de l'âme qui se retire du corps ; Recessus animoe a corpore.
Dieu n'a pas fait la mort. Elle est, comme l'a dit Milton, fille de Satan et du péché. Nous savons tous cette terrible et lamentable histoire. Dieu avait créé l'homme immortel, comme les anges (inexeterminabilem Sap., II, 23); l'odieuse vanité, suggérée par Satan à nos premiers parents, de s'égaler à Dieu même, qui venait de leur donner l'être, fut misérablement accueillie; et la mort, avec tout ce qu'elle entraîne, est le châtiment de cette rébellion.