Prudence, Haka pas leur montrer tes bas à ces messieurs !
Au pays du rugby, je ne pouvais pas manquer cette entrée en matière en faisant référence à
l'épouvantail « All-blacks ». Dites-moi que vous n'avez vu un jour des types musclés en noir danser et chanter en maori le « Haka » avant de débuter une partie pour impressioner ses adversaires !
Mais je rassure tout de suite les allergiques au ballon ovale, le récit du neo-zelandais Ronald Hugh Morrieson, adapté par les dessinateurs
Jules Stromboni et Olivier Cotte, traite d'un tout autre sujet dans leur « Epouvantail » illustré.
Direction Klynham, petit bled de Nouvelle-Zélande dans les années 30. Dans un train s'arrêtant à la station Klynham, nous faisons la connaissance d'un étrange personnage nommé Salter en train de lire un article du journal « Daily News» sur Daphné Moran, violée et égorgée, dont l'assassin court toujours dans la nature.
Regard intense, noeud papillon chic et silhouette immense, Salter surnommé «
l'épouvantail » impressionne dès son arrivée les habitants de la bourgade avec ses numéros de magie et va trouver refuge chez le croque-mort alcoolique du coin, Charlie Dabney.
Dans un autre quartier de Klynham, Neddy et Leslie sont présentés comme deux adolescents qui s'amusent à voler des poules et à se bagarrer avec la bande de Lynch, le petit caid du coin.
La magnifique soeur ainée de Ned, Prudence Poindexter, enfilant ses premiers bas sous l'oeil médusé du gendarme sensé prendre sa déposition pour le vol des poules, suscite toutes les convoitises de Klynham. Prudence se fait remarquer partout où elle passe avec sa copine Angela ou son frère Ned, notamment le jour où le magicien Salter fait son numéro de sabre.
Jusqu'au jour où Angela disparait sans donner signe de vie après une rixe avec la bande à Lynch…
Cette bande-dessinée aux couleurs jaunâtre et rougeâtre vous plonge immédiatement dans un univers intrigant. Coté personnages, les adultes paraissent se complaire dans l'alcoolisme et les jeunes se livrent à une guerre des boutons à la sauce kiwi. Au milieu de cette agitation,
l'épouvantail apparait comme un personnage fantastique suscitant la curiosité et l'angoisse en même temps.
Autant les adaptations de
Lehane «
Shutter Island » et «
Coronado » aux éditions Rivages/Casterman noir m'avaient laissé sur ma faim, autant «
L'épouvantail» de Stromboni et Cotte m'a procuré un véritable plaisir spécifique à la bande-dessinée. L'intrigue étant moins le fil conducteur que les deux autres albums, j'ai apprécié les scènes de vie dans la maison familiale Poindexter, les expressions de visages marquantes et les impressions de mouvement particulièrement réussies.
D'un autre côté, je pourrais comprendre la plainte de certains lecteurs, dénonçant le manque de détail des visages des jeunes adolescents notamment que l'on a parfois du mal à reconnaitre ou encore la qualité de l'intrigue assez quelconque menant jusqu'au dénouement final de l'histoire.
Pour conclure, cet album de plus de cent vingt pages est une belle réussite d'adaptation d'un roman noir dont l'illustration prend toute sa part pour une fois et dégage une atmosphère à la fois oppressante, maléfique et surnaturelle.
Vous savez désormais ce qu'il vous reste à faire : Haka lire l'album en pliant bien les genoux et en hurlant " Ka mate ! Ka mate ! " (1)
(1) le «Ka mate»est le haka qui est le plus souvent utilisé par l'Équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à XV surnommée All Blacks ainsi que l'Équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à XIII surnommée Kiwis.