AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782924157084
174 pages
Tarma (09/09/2013)
2.9/5   5 notes
Résumé :
Comme sur un écran de cinéma, on démarre en noir et blanc, on y voit un jeune photographe sur le compte à rebours d'un suicide annoncé minutieusement, méticuleusement, scientifiquement, préparé. Une famille banale aux yeux des gens ordinaires. On y tombe dedans et on se prend une claque magistrale tant la violence qui y règne est insupportable. Une rencontre, des amants, un choc foudroyant ! L'amour, le vrai, enfin ! Puis vient la dépendance ; le sexe, une sensualit... >Voir plus
Que lire après Elle portait un manteau rougeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« La violence a plusieurs visages »

Par le biais d'un roman ficelé avec brio, Pierre Crevoisier parle de sujets actuels et bouleversants tel que la violence familiale ou l'amour passionnel. Au premier plan, il y relate la vie de famille chaotique d'une petite fille battue par son père, dont la mère subissant le même sort depuis tant d'année, n'a plus la capacité de défendre ses rejetons. En alternance, il nous projette dans la vie d'un homme tombé fou amoureux d'un ange qui se veut plus « déchu » qu'« élu », l'entraînant dans une chute dont il ne se relèvera pas.

Mais en arrière-plan, bien plus parlant et percutant à mon sens, il met en lumière les dommages que la violence peut engendrer dans la vie d'autrui. Elle est sournoise, s'installe sans y être invitée, s'immisce, forçant le chemin jusqu'à gangrener l'âme même de celle qui l'a subi. Elle enfante alors une victime, parfois aussi abjecte que son créateur, soufflant autour d'elle un périmètre où la peur tétanise quiconque aurait l'audace de crier « Aux Armes ! »

Je vous ai choisi ci-dessous deux extraits. Ils vous donneront ainsi une idée du contenu. le style romanesque est fluide, agréable et captivant, ce qui permet une immersion totale et rapide. Néanmoins, la violence telle que décrite dans certain passage ; authentique et parfois crue, pourrait ne pas plaire à tout le monde. Pour ma part, même si ce n'est pas mon répertoire habituel, c'est précisément la mise en évidence qui m'a touchée. Osez les mots pour décrire l'indicible !


1er extrait – Premier coup au cadet

« La porte s'ouvre avec fracas et, en dépit du soleil, là-bas, de l'autre côté, malgré les fenêtres largement ouvertes sur un été de chaleur pesante, le soir prend des airs de nuit. Son père est entré…

…Quelques secondes s'écoulent avant que son frère débouche de la droite, marionnette vivace dont les ressorts sont encore intacts. Il crie le nom de son père et se précipite vers lui. Micha est le seul être encore épargné de la famille. Cette grâce va s'interrompre…

…Elle (Agatha) voit le pied gauche du paternel former un appui, pivoter insensiblement au moment où le droit se soulève de terre, imprime un léger recul, comme une arme chargée, balaie l'air en arc de cercle pour heurter l'enfant à la hauteur de la hanche, le projetant brusquement contre le meuble du vestibule tel un clown désarticulé.

…Aussi loin qu'elle s'en souviendra plus tard, son petit frère s'est éteint ce jour-là … »


Cet extrait m'a frappée de plein fouet !
Quand la gratuité d'un geste, engendre le basculement d'une vie.


2ème extrait - Jacques raconte dans son journal

« Samedi 1er août

Je suis fasciné par sa manière de souffler le chaud et le froid sur nos vies. Je recherche le moment et la raison de la bascule, l'instant où nous avons touché l'iceberg qui nous déchire le flanc, la rencontre du malheur par inadvertance. Je ne trouve pas. L'épisode des bijoux me hante encore. J'ai plusieurs fois tenté d'y revenir pour y déceler l'incohérence. Anna a refusé tout dialogue à ce sujet, sauf à m'entendre enfin avouer un délit que je n'ai pourtant pas commis. le soupçon du mensonge renforce encore le larcin. Je dois être fourbe pour cumuler l'acte et son déni. A moins d'un coup de folie, égaré dans ma vie, ai-je été jusqu'à commettre un acte dont je ne me souviens pas ? J'ai beau être certain, un doute s'est infiltré et lézarde mon assurance. Il suffit qu'elle le croit pour que cela soit. »


La crédulité d'un cœur ensorcelé par la force persuasive d'une manipulation amoureuse. Déconcertant !
Commenter  J’apprécie          90
le roman s'ouvre sur une scène de suicide, un suicide programmé, minuté , préparé avec une précision horlogère toute suisse. Une ouverture qui nous plonge d'entrée dans l'ambiance générale du roman, un drame par moments étouffant.


Vincent à l'annonce de la mort de son frère dans un accident de voiture se rend chez celui-ci, très vite il comprend que l'accident n'en n'est pas un. Dans le nid d'aigle de son frère, une maison au bord d'un gouffre (le symbolisme n'est pas fortuit) il découvre des dessins, les esquisses d'une femme en rouge, et un carnet. le carnet raconte la rencontre de son frère, photographe avec une mystérieuse femme en rouge qui va l'obséder, il va tout faire pour retrouver cette femme croisée sur un quai de gare. Entre ses deux êtres, va naître une relation tout en passion, en sensualité, en violence, une relation marquée par la destruction. La rencontre de deux êtres blessés, pleins de failles, qui vont réouvrir d'anciennes blessures. Vincent à travers le récit de son frère, à travers les mots qu'il a écrits, va découvrir un homme qu'il ne connaissait pas, un homme fragile, marqué, blessé.


"Anna est revenue. Elle m'a lancé un appel joyeux. Toujours cette capacité à feindre d'oublier les déchirures. Mais elle n'oublie pas. A la moindre averse, les détails imperceptibles reprennent vie, ma culotte à l'envers, le ton de ma voix, le regard d'une autre femme, cinq minutes de retard, mon air de dromadaire, une seconde d'hésitation, une sale tronche, l'électricité de l'air, un vin éventé, une idée saumâtre, l'atmosphère du soir , un parfum empoisonné, un nuage devant les yeux, l'humeur d'un chien, le souvenir d'autres tempêtes, le feu sous la braise, l'acrimonie naît de toutes les étincelles. Parfois je me demande si Anna ne règle pas ses comptes avec son histoire à elle, une histoire qui ne me concerne pas sinon que je réveille chez elle des réflexes pavloviens en touchant des cicatrices encore vives. Elle refuse d'en parler."


Avec Elle portait un manteau rouge, Pierre Crevoisier nous offre un premier roman tout en tension, en violence, un roman intense aux scènes tour à tour dures, insoutenables, sensuelles, le tout servi par un style tantôt cru tantôt très poétique qui sert à merveille la description de cet amour destructeur. Un roman palpitant qu'on ne peut plus lâcher une fois commencé.
Commenter  J’apprécie          70
Après le décès de son frère, un homme fait une enquête sur les derniers mois de sa vie. Il découvre l'existence d'une femme au manteau rouge avec laquelle il a vécu une relation passionnée et intense mais aussi énormément destructrice. Cette jeune femme est issue d'une famille dont le père, violent, frappait la mère. Cette violence a entrainé le suicide du petit frère. Anna reproduit ce comportement avec les hommes qu'elle rencontre. Un livre a l'ambiance lourde mais dans lequel je n'ai pas éprouvé d'empathie pour les personnages.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (4) Ajouter une citation
J'ai touché sa bouche. La mienne ne sera plus jamais la même après cette empreinte. C'était hier soir en été et la marque me brûle encore comme un fer incandescent. Elle penche la tête, mes lèvres se rapprochent, il y a les lumières au loin, leurs reflets sur le lac, la ville en murmure, tout cela en perspective derrière la courbe du menton, un vent léger, la focale de ma caméra intime, élargie pour tout saisir, pour tout capter, la distance, vertigineuse encore de plus en plus infime, sa lèvre inférieure se détache, éclôt délicatement, elle ferme les paupières, attentive toutefois au moindre déplacement des sens, donne le rythme, c'est elle qui dicte l'approche, sans mot dire, les mots n'ont plus leur place, je perçois son souffle, maintenant, l'haleine et l'odeur, cet instant de la perception où tout pourrait s'arrêter, se briser net si le nez refuse, mais il se tait, le nez, il hume, se fond, s'immerge, puis mes lèvres effleurent, se retirent, se rétractent à l'instant précis de la rencontre avec sa supérieure à elle, attendent une invite à poursuivre, alors le souffle s'interrompt, la ville se tait derrière, jusqu'à ce qu'elle imprime ce mouvement à l'ourlet et vienne placer, emboiter justement, la fine courbe à l'orée de ma bouche. Je ne vais pas plus loin. J'aimerais que cet instant s'arrête, que la vie elle-même s'achève à cette seconde, mes deux lèvres parcourant la surface humide de la sienne, enserrant la chair sensible, suçant, timidement d'abord, avant la morsure, la langue impatiente interdite de séjour sur ce territoire délicat.
Ni l'un ni l'autre n'a interrompu ce premier baiser avant un temps incommensurable ni n'a cherché à franchir d'autres frontières de nos intimités. Ce moment-là révélait tout et nous l'avons su immédiatement. Une fulgurance. Aucune parole n'a d'ailleurs été nécessaire après, longtemps après, lorsque la nuit a englouti toute chose alentour, nous laissant seuls avec la sensation d'avoir touché l'univers.
Commenter  J’apprécie          00
Elle mesure chacun de ses gestes, s'approche du lit, choisit le côté du père, à droite, il est tourné en direction de la fenêtre, elle le distingue malgré le noir, exercée par tant de veilles à attendre et explorer la nuit. Il faudrait qu'il se retourne d’un quart de tour, afin qu'elle puisse atteindre aisément sa cible. Elle attend, se tapit dans la nuit, arrête de respirer un moment, ferme les yeux de toutes ses forces, lui ordonne de bouger, et il le fait, après un ronflement sonore, il le fait lentement, bascule sur le dos, place maintenant sa façade devant, comme elle le souhaitait. Avec une extrême lenteur, Agata soulève le drap, le glisse vers le bas, découvre petit-à-petit l'épaule, le torse, le ventre, la hanche, la cuisse et le sexe. Il est là, morceau de viande flasque, plus sinistre encore que dans son imagination. À quoi s’était-elle attendu ? Un truc dressé dans la nuit, suffisamment présent pour qu'elle puisse en distinguer la forme et les composants, à l'image des schémas des cours d'éducation sexuelle où l'anatomie, à défaut de poésie, a au moins le mérite d'être claire, accessible, distincte, pas comme ce machin flasque et difforme. Elle en lâche presque son couteau, respire un coup, perçoit même l'odeur âcre du pénis en sommeil. Elle se retourne et quitte la chambre. Elle se dit qu'il n'est pas facile de couper des couilles.
Commenter  J’apprécie          00
La porte s'ouvre sur le vide. Je le sais avant de franchir le seuil. C'est la première fois que je mets les pieds chez mon frère en son absence. J'hésite sur le pas de porte, attends indéfiniment qu'une voix me dise, de l'intérieur, d'entrer, de faire comme chez moi, j'en ai pour deux secondes, j'arrive, sers-toi un café, tu connais la maison, le sucre se trouve sur l'étagère ─ il sait pourtant que je ne prends pas de sucre, mais il le répète comme chaque fois ─ c'est vrai tu ne prends pas de sucre, j'ai laissé un article pour toi sur la table de la cuisine, une voix, sa voix profonde, pour me dire n'importe quoi, mais une voix, pas ce silence insupportable. Rien ne se passe. Cette fois, l'absence est définitive. Mon frère Jacques est mort. La nouvelle m'est arrivée hier matin. Il y avait un flic derrière ma porte.
Commenter  J’apprécie          00
De ses amours passées, elle n'entretenait aucune amertume, sinon la certitude que les hommes se classaient en deux catégories, les salauds et les minables, et qu'elle devait savoir jouer finement avec eux.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : roman psychologiqueVoir plus


Lecteurs (11) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
436 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}