Les rêves de liberté des « un » au mépris de l'égalité pour tou-te-s
« Dans cet essai, nous discutons des différents enjeux en effectuant un va-et-vient fréquent entre les réalités contemporaines et l'histoire. A partir des multiples débats et propositions de nombreux acteurs à la gauche qu'à la droite du spectre politique, nous explorons ces enjeux en mettant en relief les contradictions, les bifurcations et les différents "possibles" ».
L'auteur nous rappelle les mythes fondateurs des étasunien-ne-s : « Leurs mythes fondateurs sont radicaux, républicains, résolument critiques de l'autorité. Ils sont en même temps imprégnés d'une vision prophétique, ce qui fait que la religion joue un rôle important, même si la séparation de l'État et de l'Église fait partie de l'acte constituant ». Il ajoute « La doctrine fondamentale est celle du libéralisme économique. Elle renvoie à une idée bien ancrée selon laquelle l'économie de libre marché privilégie l'individu et sa liberté ainsi que le libre jeu des actions individuelles qui servent l'intérêt général ».
Ces éléments, cette construction idéologique et institutionnelle qui contourne les rapports sociaux, les rapports de pouvoirs, invente des individu-e-s hors du social, dédaigne l'égalité et l'organisation démocratique du souverain, expliquent à la fois un certain dynamisme, une volonté de conquête, le nombrilisme de l'exception « américaine ». Ils éclairent aussi les politiques concrètes, les « espoirs et clivages d'une société en crise ».
Donald Cuccioletta nous propose des analyses, écrites simplement, sans simplisme ( j'aimerai que les universitaires français-e-s usent d'une langue aussi quotidienne !), des contradictions en oeuvre dans cet « empire déclinant »
Je ne souligne que certains éléments. Et, pour commencer, le grand virage des années 1980 « où les élites se sont faites les chantres du néolibéralisme avant d'embrasser le néoconservatisme », la rupture avec le keynésianisme pour une idéologie, le néolibéralisme, plus à même de « gérer les luttes de classe dans le nouveau contexte américain et mondial ». L'auteur souligne la posture hégémonique des conservateurs pour changer les mentalités et les valeurs de la société. Il illustre son propos de données statistiques sur les impacts des nouvelles politiques ( pauvreté, chômage, partage des revenus, part de l'économie financière ). En faisant des aller et retour entre les mythes, comme celui du self-made-man, les politiques concrètes, les thèmes à connotation religieuse, l'histoire, « l'homme libre est l'homme d'une frontière qui n'en finit pas de se déplacer, d'est en ouest et du nord au sud », les idéologies libératrice et prédatrice, l'expropriation et la destruction des nations autochtones, le capitalisme sauvage, l'auteur analyse les politiques prônées et menées par ces libertariens, en alliance avec les évangélistes contre l'état fédéral perçu comme « une institution organisant une vaste conspiration visant à détruire les valeurs américaines dont l'esprit individualiste et la crainte de Dieu ». Il insiste particulièrement sur la montée du Tea party et de l'extrême-droite, les restrictions du droit syndical, des droits des femmes, etc…
Donald Cuccioletta consacre un chapitre aux luttes de classes, à la gauche active, qui a toujours été « présente tout au long des phases importantes de l'histoire du pays » ( guerre civile, new deal, CIO, PC, SWP, luttes des afro-américain-ne-s, SDS, « Teamsters and Turtles, together at last ! », Occupy Wall Street, etc).
Dans le cinquième chapitre, l'auteur examine « L'empire, l'hégémonie et la guerre sans fin », de la seconde guerre mondiale, à la guerre froide, de la guerre du Viet-Nam à l'Afghanistan ou l'Irak, le poids des dépenses militaires, les positions des néoconservateurs, la « bifurcation » après le 11 septembre 2001, les « mécanismes alternatifs d'intégration régionales » en Amérique latine, les relations avec la Chine et la transformation de la guerre sans fin « La question est alors : comment restructurer cette suprématie et lui donner un nouvel élan d'une manière qui correspond aux besoins des États-Unis et qui leur permettent de faire face aux réalités des nouveaux rapports de force dans le monde ? ». Il souligne les politiques de fragmentation des pays adversaires (Irak, Libye et peut-être demain Iran, Syrie, Pakistan, etc.) Dans ces nouvelles orientations passent à la trappe la rhétorique « des droits de l'homme », de la « démocratisation ».
L'auteur poursuit en analysant la situation après la réélection de Barak
Obama, les coupes budgétaires, le déficit démocratique, la place de « l'interprétation rigoriste et dogmatique du christianisme », les pensées magique des protestants évangéliques, etc.
Il termine son ouvrage sur le cousin américain, le Canada, son intégration régionale, son impérialisme, cette « superpuissance énergétique », ses dépenses militaires et les luttes récentes (voir sur le sujet André Frappier,
Richard Poulin et
Bernard Rioux :
le printemps des carrés rouges. Lutte étudiante, crise sociale, loi liberticide et démocratie de la rue, M éditeur 2012)
Un livre qui permet aussi de contextualiser les politiques néolibérales en Europe et les batailles menées par la droite et l'extrême droite.
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