1983. Lyon. Les Futuristes sont les étoiles montantes du rock hexagonal. Enfin rock…, «Soleil sombre », le morceau avec lequel ils sont censés casser la baraque a bien l'air de sonner un peu new wave sur les bords. Et puis, futures stars, il faudrait tout de même qu'ils se donnent les moyens de leurs ambitions. Car, s'il est une chose dont ils ne manquent pas, c'est bien de l'ambition, pour le reste, ce serait plutôt les rois de la lose. Sur scène, le trio est mauvais, s'acharne à faire des reprises ratées de titres inconnus du Velvet, et en studio, c'est pire. Julien le gratteux est malade rien qu'en respirant de l'herbe, Guillaume son frangin chanteur n'arrive à choper aucune minette. Leur tournée espagnole se révèle n'être qu'une seule date payée en bières et quand Libé cite enfin leur nom dans un article, ils deviennent les Futirustes…
Milan Dargent s'amuse, et nous avec, à faire souffrir ses anti-héros. Comme les 80's qu'ils incarnent, ils sont prétentieux, superficiels, avides de succès facile, donneurs de leçons. En décembre 83, les Futuristes font leur ultime répèt et sont passés très loin de la gloire qu'ils étaient sûrs d'atteindre. Ils s'écrasent la gueule aussi vite qu'on a su que les 80's ne tiendraient pas leurs promesses. Sans en dresser un catalogue indigeste, et surtout sans nostalgie, l'auteur fait une peinture plutôt subtile et très drôle d'une époque que beaucoup ont préféré vite oublier : « Rien n'avait vieilli aussi vite que les années quatre-vingt, les bacs des soldeurs pullulaient de « Let's Dance » et « Avalon », sans parler des disques de Tears for Fears, Yazoo et autres Eurythmics, que vous pouviez acheter pour un ou deux francs, mais que vous n'achetiez quand même pas ».
Quand Mitterrand, en mars de cette même année, a déclaré qu'il fallait prendre «
le tournant de la rigueur » et annonçait une politique d'austérité, ses mots ont sonné comme la mort de l'espoir du changement tant espéré. Rien n'allait durer, décidément. Pas même le rock, selon Guillaume qui constate son décès, en 1985, alors qu'il regarde la retransmission du concert du Live Aid où « chaque célébrité devait être clairement identifiée du public et était tenue, pour ce faire, d'interpréter ce pourquoi le public l'avait rendue célèbre (…) et produisait sans le vouloir une espèce de condensé de sa musique, un résumé, un jus, un jus de musique ». Décès confirmé à l'écoute du dégoulinant « We are The World », où « il ne s'agissait plus d'un quart d'heure mais de dix secondes octroyées à chaque intervenant, et que peut faire
Bruce Springsteen en dix secondes sinon limiter sa propre interprétation à dix secondes de
Bruce Springsteen, réduite ainsi à un beuglement ridicule ».
Ceux qui ont survécu, vengés, ne pourront que ricaner à l'évocation perfide de ces fichues années quatre-vingt, où « le rock portait des baskets argentées et un slim léopard, un bandana fluo masquait son début de calvitie et quand il avait encore des cheveux, ceux-ci passaient leur temps chez le coiffeur à se teindre en jaune citron et à essayer toutes les formes de brushing ; il jouait d'un saxo rutilant tandis que deux choristes noires en short sautillaient sur place, comme des joggeuses bloquées au feu rouge. »
Haha !
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