Sorti peu de temps après l'affaire
Rushdie, ce petit essai fait le point sur les lois réprimant le blasphème en Europe. Certaines parties sont un peu datées (comparaison des lois entre la RFA et la RDA notamment), mais la situation n'a pas beaucoup évolué depuis la parution du livre, à part une loi réintroduisant le délit de blasphème en Irlande en 2010. D'autres chapitres sont plus généralistes, et donnent la parole à un historien, un théologien et un philosophe.
Définir le blasphème est une tâche complexe en soi, tant son champ d'application a évolué selon les époques : il pouvait s'agir d'une offense volontaire, ou involontaire (jurons, ignorance du dogme), contre Dieu, contre les dogmes officiels, contre les membres du clergé ou même contre le peuple chrétien dans son ensemble. Sa répression peut être féroce quand le blasphème attire des calamités sur le pays, ou quand le souverain tire son pouvoir de Dieu, ou bien anecdotique quand l'Enfer attend le blasphémateur et que toute punition terrestre paraît mesquine en comparaison. Les auteurs le reconnaissent, le blasphème nécessiterait de nombreuses études approfondies pour en saisir toutes les nuances possibles.
Depuis les droits de l'Homme, le délit de blasphème a disparu progressivement des tribunaux (même si les lois subsistent dans le code). Un des intervenants le souligne, il ne s'agit pas d'un « arbitrage » entre les religions, mais de la lutte d'un absolu sur d'autres. Placer ces droits tout en haut de la hiérarchie morale n'est pas plus évident que d'y mettre des lois divines. Et les religions sont obligées de s'adapter, de renoncer à des parties de leur identité, pour subsister. Si « droits-de-l'hommiste » est devenu une insulte dans certains milieux, c'est précisément dû à la domination de cette idée sur les autres.
Le livre est constitué de parties assez inégales. Avec le temps, les commentaires sur des actualités de l'époque ont perdu beaucoup de leur intérêt. Les textes plus généralistes constituent tout de même une bonne introduction au sujet, même si on ne parle que du blasphème dans le cadre du christianisme.