AUX PETITS ENFANTS.
Enfants d’un jour, ô nouveau-nés,
Petites bouches, petits nez,
Petites lèvres demi-closes,
Membres tremblants,
Si frais, si blancs,
Si roses !
Enfants d’un jour, ô nouveaux-nés,
Pour le bonheur que vous donnez,
À vous voir dormir dans vos langes,
Espoir des nids
Soyez bénis,
Chers anges !
Pour vos grands yeux effarouchés
Que sous vos draps blancs vous cachez.
Pour vos sourires, vos pleurs même,
Tout ce qu’en vous,
Êtres si doux,
On aime ;
Pour tout ce que vous gazouillez,
Soyez bénis, baisés, choyés,
Gais rossignols, blanches fauvettes ;
Que d’amoureux
Et que d’heureux
Vous faites !
Lorsque sur vos chauds oreillers,
En souriant vous sommeillez,
Près de vous, tout bas, ô merveille !
Une voix dit :
« Dors, beau petit ;
Je veille. »
C’est la voix de l’ange gardien ;
Dormez, dormez, ne craignez rien,
Rêvez, sous ses ailes de neige :
Le beau jaloux
Vous berce et vous
Protège.
Enfants d’un jour, ô nouveau-nés,
Au paradis, d’où vous venez,
Un léger fil d’or vous rattache.
À ce fil d’or
Tient l’âme encor
Sans tache.
Vous êtes à toute maison
Ce que la fleur est au gazon,
Ce qu’au ciel est l’étoile blanche,
Ce qu’un peu d’eau
Est au roseau
Qui penche.
Mais vous avez de plus encor
Ce que n’a pas l’étoile d’or,
Ce qui manque aux fleurs les plus belles :
Malheur à nous !
Vous avez tous
Des ailes.
L'OISEAU BLEU
J’ai dans mon cœur un oiseau bleu,
Une charmante créature,
Si mignonne que sa ceinture
N’a pas l’épaisseur d’un cheveu
Il lui faut du sang pour pâture.
Bien longtemps, je me fis un jeu
De lui donner sa nourriture :
Les petits oiseaux mangent peu.
Mais, sans en rien laisser paraître,
Dans mon cœur il a fait, le traître,
Un trou large comme la main,
Et son bec, fin comme une lame,
En continuant son chemin,
M’est entré jusqu’au fond de l’âme !…
AUTRE AMOUREUSE
Lorsque je vivais loin de vous,
Toujours triste, toujours en larmes,
Pour mon coeur malade et jaloux
Le sommeil seul avait des charmes.
Maintenant que tu m'appartiens
Et que mon coeur a sa pâture,
— Il ne m'est plus qu'une torture,
Le sommeil cher aux jours anciens.
Lorsque je dormais loin de vous,
Dans un rêve toujours le même,
Je vous vovais à mes genoux
Me dire chaque nuit : « Je t'aime ! »
Maintenant que tu m'appartiens,
Dans tes bras chaque nuit je rêve
Que tu pars, qu'un méchant t'enlève
Et que je meurs quand tu reviens.
De tous côtés, d’ici, de là,
Les oiseaux chantaient dans les branches,
En si bémol, en ut, en la,
De tous côtés, d’ici, de là.
Les prés en habit de gala
Étaient pleins de fleurettes blanches.
De tous côtés, d’ici, de là,
Les oiseaux chantaient dans les branches.
(les Prunes)
LA REVEUSE
Elle rêve, la jeune femme !
L'œil alangui, les bras pendants.
Elle rêve, elle entend son âme,
Son âme qui chante au dedans
Tout l'orchestre de ses vingt ans,
Clavier d'or aux notes de flamme.
Lui dit une joyeuse gamme
Sur la clef d'amour du printemps.
La rêveuse leva la tête,
Puis, la penchant sur son poète,
S'en fut, lui murmurant tout bas
« Ami, je rêve ; ami, je pleure ;
Ami, je songe que c'est l'heure,
Et que mon coiffeur ne vient pas. »
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Quel livre possède à la fois le parfum de l'enfance et tient lieu d'elixir de jouvence ? Un moulin… des lettres… et surtout le mistral et le chant des cigales…
« Lettres de mon moulin » d'Alphonse Daudet, c'est à lire au Livre de poche.