Jamais roman graphique n'aura mieux porté son nom. Une mise en scène par l'image époustouflante du cultissime
Des souris et des hommes de Steinbeck sans perdre un seul mot, une seule virgule du texte original, tel est le tour de force réussi haut la main par
Rebecca Dautremer aux Editions Tishina.
« Ce livre est bref mais son pouvoir est long », disait
Joseph Kessel dans la préface du roman.
Ce pouvoir se trouve ici décuplé par la puissance et la beauté des quelques 420 pages - excusez du peu – illustrées par l'artiste au sommet de son art.
« Les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pas plus seul au monde.»
Des souris et des hommes c'est l'histoire magnifique et tragique d'une amitié entre deux ouvriers agricoles George, petit, futé et Lennie colosse simple d'esprit doté d'une force redoutable qui adore caresser ce qui est doux. Leur rêve ? Acquérir et s'installer dans une ferme où ils élèveraient des lapins. Oui mais voilà, nous sommes en Californie pendant la Grande dépression. Alors
Des souris et des hommes, c'est aussi l'histoire de la dureté de la vie, de la cruauté et la violence
des hommes, de la lutte pour la survie et pour finir d'un rêve brisé. Les deux amis sont embauchés dans un ranch où ils vont côtoyer et affronter d'autres solitudes : le vieux Candy à la main estropiée, Crooks le palefrenier noir au dos cassé, Curley le fils du patron querelleur, et sa femme, pauvre Minnie petite souris, starlette de pacotille qui n'existe que sous le nom de Curley's wife perdue dans cette ferme in the middle of nowhere…
La tragédie à venir se trouve déjà dans le titre du roman tiré d'un vers d'un poème de
Robert Burns (poète écossais du XVIIIe siècle) : «Les plans les mieux conçus
des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas». Ce sera non seulement l'échec de leur rêve que Lennie ne se lasse pas d'entendre raconté par George - seuls moments poétiques du récit - mais également l'échec du rêve américain pour tous les laissés-pour-compte de la société. On n'échappe pas à son destin.
On ne compte plus les adaptations de ce chef d'oeuvre de la littérature américaine. le roman a connu de nombreuses adaptations théâtrales, la première l'année même de sa sortie en 1937, deux adaptations cinématographiques, l'une dès 1939 par Lewis Milestone, l'autre en 2003 par Gary Sinise avec John Malkovich dans le rôle de Lennie et même un opéra de Carlisle Floyd en 1969.
Il a également été brillamment adapté en bande dessinée par
Pierre-Alain Bertola aux éditions Delcourt en 2009.
Nulle question d'adaptation ici. le texte est conservé dans son intégralité comme l'avaient déjà fait, pour ne citer qu'eux,
Tardi dans Voyage au bout de la nuit et
Sfar dans
La promesse de l'aube. Mais peut-on vraiment parler de romans graphiques dans ce cas ? Il s'agit plutôt de romans illustrés avec talent certes, mais dans le sens le plus classique du terme. Ici, on a affaire à une toute autre approche qu'on pourrait qualifier de graphisme narratif. Telle le chef d'orchestre qui par sa direction va sublimer une symphonie ou le metteur en scène un texte théâtral,
Rebecca Dautremer va par son propre langage graphique mêlant procédés théâtraux, cinéma, publicité et texte littéraire intégral nous proposer une expérience de lecture tout à fait nouvelle.
« De l'image partout ! » [...]
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