Erri de Luca est l'un des auteurs les plus présents dans ma bibliothèque. Autant dire l'un de mes auteurs préférés. Tout comme
Luis Sepulveda, ce n'est pas tant ce qu'il écrit qui me plait mais la façon dont il l'écrit (ce qui, pour moi, est beaucoup plus important).
Erri de Luca est aussi un véritable poète et il suffit de lire son magnifique
Trois Chevaux pour s'en convaincre. Il est par ailleurs le seul, à mon sens, à savoir parler d'amour : jamais cliché, ni dépassé, ni trop suave, toujours tout en délicatesse, avec émotion, avec pudeur.
Le tort du soldat est un tout petit livre de moins de cent pages (il y en a 87, pour être exacte), un recueil de pensées et de sensations mêlées plutôt qu'un roman. Parfois, il est vrai qu'on s'y perd un peu, se demandant où l'auteur souhaite nous mener, pourquoi tel thème émerge soudain des lignes pour disparaître tout aussi brusquement, sans raison apparente ; il n'y a pas de construction précise à en attendre, il suffit seulement de se laisser porter. Quelques répétitions cassent le rythme, mais ce n'est pas grave.
On retrouve ici plusieurs des thèmes favoris de l'auteur, de ceux qu'il explore régulièrement dans ses écrits : l'enfance, le yiddish, l'escalade… Car ce livre parle bien de lui, d'un moment de vie (réel ou non, je l'ignore) qu'il décide de transmettre. Pour la première partie de l'histoire, en tout cas.
La seconde, clairement plus romancée, emprunte la voix d'une femme qu'il croise brièvement dans une auberge de montagne. Celle-ci, fille d'un criminel de guerre, est prétexte à exprimer deux points de vue sur le sujet, le sien et celui de son père. Ici, l'auteur/narrateur est plus discret, il s'efface derrière ses mots pour laisser parler ses personnages à sa place.
Le vieil homme et lui ont plus en commun qu'on pourrait le croire. Ils partagent une semblable obsession du détail, la manie de traquer les signes et les symboles, et, bien sûr, leur étude appliquée de l'hébreu, même si celle-ci n'est pas motivée par les mêmes causes ni les mêmes buts.
C'est donc la femme qui doit s'opposer à eux, par son caractère, par ses idées et sa façon de décider sa vie. Se présentant comme l'inverse même de son père (et donc, en partie, de l'auteur) elle reste toutefois capable, si elle ne le comprend pas, de l'accepter.
Ce qui m'a le plus gêné, que j'ai le moins apprécié lors de ma lecture, reste le manichéisme dans lequel plonge le récit. Concernant le père, aigri et paranoïaque, je n'ai rien à redire. Son attitude d'ancien nazi considérant que son image de monstre n'est dû qu'au fait d'avoir perdu la guerre est aussi dure qu'elle est finement suggérée. Mais, lorsqu'il parle de façon plus globale de l'Allemagne, qu'il la met par exemple en comparaison avec l'Italie, son pays d'origine,
De Luca tombe dans le cliché malheureux : les Italiens sont ouverts et généreux tandis que les Allemands (et on ne parle pas là de nazisme) sont secs et silencieux. Bullshit.
Pour moi, tous les enseignements de ce livre ne sont donc pas bon à prendre. Passés ces petits agacements, la plume de l'auteur est toujours aussi prenante par sa sincérité et c'est surtout pour cela que
le tort du soldat vaut la peine d'être lu. Peut-être pas pour une première lecture (sauf si le sujet vous parle particulièrement) mais, si vous avez déjà apprécié l'auteur, n'hésitez pas.