Quand la révolte intérieure d'une reine se transforme en l'insurrection de tout un peuple…
Une reine symbole de liberté
Peu connue en France,
Boudicca (ou Boadicée) est un vrai symbole en Angleterre. C'est la figure de la reine forte qui refuse l'oppression de son peuple et la disparition de sa culture à cause de l'envahisseur romain. Elle est vue comme le « Vercingétorix Breton ».
On n'a d'elle que peu de descriptions, si ce n'est celles qu'en font le romain Tacite dans Agricola, et l'historien grec
Dion Cassius. Mais ce sont souvent des informations orientées, les romains ayant cette tendance à décrire
L Histoire à leur avantage.
Dans ce roman,
Jean-Laurent del Socorro réalise sa biographie, en se basant sur des recherches historiques et en essayant de montrer les raisons qui l'ont poussées à se battre, avec quelques libertés créatives.
Le roman se présente en trois parties évoquant chaque moment d'évolution de la vie de
Boudicca.
La première partie, « Fille d'Antedios » parle de son enfance : Enfant blessée par l'indifférence de son père, car elle a causé la mort de sa mère à sa naissance, elle apprend la rhétorique auprès de son druide pour exprimer ses émotions et se libérer intérieurement. Souffrant de son statut de princesse, elle souhaite être elle-même. Son goût pour le maniement des armes, plutôt dédié à la caste des guerriers lui permet de trouver un équilibre.
La deuxième partie intitulée « Femme de Pratsutagos » évoque son rôle d'épouse et de reine. Libérée de son père, elle existe à présent aux côtés de son mari par un mariage arrangé. Elle devient mère de deux filles et décide de rester soumise aux décisions que son mari prend pour son peuple, malgré leurs désaccords. Mais face aux romains qui voient les femmes comme des êtres inférieurs, elle se bat pour ses acquis : être une reine et non la femme d'un roi.
Dans la troisième partie, « Reine des Icènes », elle est consacrée vraiment en tant que reine. Devenue veuve, elle est humiliée publiquement par les romains lors de la récolte d'une taxe. La révolte intérieure est devenue celle de tout un peuple. Elle part au combat pour son honneur mais aussi celui de tout son peuple.
Une incursion dans le monde des celtes
Jean-Laurent del Socorro évoque avec justesse le quotidien des différents peuples celtes dans ce roman.
Par exemple, concernant les mariages entre rois et reines, il explique qu'un roi pouvait avoir une famille qu'il avait choisie, en dehors de son mariage d'alliance et donc avoir deux foyers. C'est le cas de Pratsutagos qui a déjà une famille avant de se marier avec
Boudicca.
La polygamie est aussi possible pour les femmes. Ysbal, la garde du corps de
Boudicca, en est un bon exemple : c'est une femme-guerrière qui a trois maris.
On assiste à plusieurs cérémonies druidiques dans ce roman : mariage, fête païenne, élection d'un nouveau grand druide, consultation des dieux, mais surtout le rêve initiatique où
Boudicca, comme son père avant elle, elle est droguée par Prydhain pour réaliser un rêve qui lui donnera des indications sur son avenir.
Les entraînements au combat de
Boudicca et les guerres des celtes contre les romains nous donnent des renseignements sur leurs méthodes : utilisation de lances et de boucliers, combats rapprochés, tactiques romaines d'attaques ou de défense…
La difficulté d'entente entre les différents clans celtes est aussi évoquée.
Dans la première partie du roman, on assiste à un accord entre les rois et reines celtes pour apporter la paix entre leurs peuples et s'unir via une cérémonie où des épées et un bouclier sont lancés dans la rivière, en offrande aux dieux. Caratacos, fils d'un chef de clan ennemi, alors prisonnier de guerre du père de
Boudicca, est libéré en signe de paix.
Plus tard, quand les celtes seront confrontés aux romains, cette alliance sera fragilisée et chaque roi ou reine prendra une direction différente : Certains rois accepterons des alliances en devenant des clients des romains, d'autres préféreront la guerre. D'autres encore, une alliance obligée mais dans laquelle la révolte gronde, telle celle de
Boudicca.
Un style incisif, digne d'une nouvelle.
Dans ce deuxième livre, comme dans Un Royaume de Vents et de Colères, on retrouve le style bien particulier de Jean-Laurent del Socorro, où chaque mot est à sa place et bien pensé, aucune longueur permise.
L'auteur va droit à l'essentiel tout en restant subtil et historiquement juste.
Ce qui a pour conséquence que, du début à la fin, on reste captivé par l'histoire sans réussir à lâcher le livre. Et en le terminant, on se demande comment un livre aussi peu épais peut être tellement riche.
C'est une lecture rafraîchissante qui change de certains auteurs de fantasy, tels que
Robin Hobb ou
Terry Goodkind, spécialisés en romans fleuves.
En conclusion :
Boudicca n'est pas seulement un roman historique sur une reine celte, il nous apprend aussi à réfléchir sur notre propre comportement face à une situation qui nous révolte, et c'est là toute la subtilité de Jean-Laurent del Socorro : utiliser une thématique historique qui trouve un écho à notre époque contemporaine de manière efficace et juste.