Lettre aux mamans

L'office des mères n'est pas celui des carmélites. Mais il n'en est pas moins rencontre profonde et transformante du visage de Dieu. Il me semble qu'être enceinte est pour cette raison une expérience de prière particulière. Il y a la présence en soi d'un autre : cet enfant. On ne lui parle pas toujours, mais il est là. On le sent envoyer ses petits coups de pieds, ou est-ce son poing, sa tête? Et il se retourne, et nous ressemblons à une mer ondulée par les vagues. Ou bien il secoue la tasse à café que l'on avait posée pour rire sur notre ventre large. Le Saint-Esprit en nous est moins remuant. Mais il est au fond une présence au-dedans de nous, comme le fut l'enfant que nous portions. Et, mar-chant, écrivant, répondant au téléphone, balayant le sol, on peut descendre en soi comme nous le faisions alors, juste attentives à sa présence, à ses mouvements, à son silence.

Nous nous regardons et il s'endort et il s'apaise par extraordinaire. Car, si pour moi il est inconnu et mysté-rieux, pour lui je suis une terre familière. Je ne suis pas encore quelqu'un, je suis un lieu, son endroit de toujours qui l'entourait chaudement de toutes parts et sur lequel maintenant il repose. Je suis un lieu qui a une voix, un mou-vement, un parfum. Un lieu aux mille sons, qu'il percevait rire et s'exclamer autour de lui, dont un qu'il connaissait mieux que tous les autres et qui le berce maintenant après ce grand passage effrayant vers la lumière crue.