Attention coup de coeur !!!
J'ai découvert
Guy Delisle tout récemment à travers ses
Chroniques de Jérusalem, primées au dernier festival d'Angoulême. Rappelons qu'il s'agit d'un roman graphique assez conséquent, dont j'ai fortement apprécié la lecture (n'ayons pas peur des mots, j'ai même été carrément emballée). Désireuse de poursuivre ce voyage entamé de la plus belle façon qui soit, je me suis alors mise en quête des autres créations de cet auteur, et suis tombée sur ce fameux
Pyongyang, que j'ai tout de suite eu envie d'acheter. Ma fascination actuelle pour les régimes dictatoriaux y est sans doute pour beaucoup. Je lis ainsi tout ce que je peux trouver sur l'Allemagne Nazie, qu'il s'agisse de romans, témoignages ou articles de magazines. Je m'intéresse aux mécanismes et aux outils qui permettent à un dictateur de s'assurer la fidélité et la ferveur de tout un peuple asservi, ainsi qu'aux conditions de survie et d'épanouissement de ce même peuple. C'est justement de cet asservissement qu'il est question dans
Pyongyang.
Depuis
Persepolis de
Marjane Satrapi, oeuvre brillante et passionnante que je ne me lasse pas de relire, je suis à la recherche d'autres pépites du même accabit, mêlant l'histoire et la découverte d'une culture étrangère à la chronique vivante et détaillée de la vie quotidienne dans un pays lointain. Pyongang est à cet égard particulièrement satisfaisant.
La Corée du Nord est le pays le plus fermé au monde, et par conséquent l'un des moins connus. Un OVNI à l'ère de la mondialisation ! Il est particulièrement difficile d'y entrer, encore plus difficile, pour ne pas dire impossible, d'infiltrer la population locale. Les étrangers, occidentaux en tête, bénéficient en effet d'un traitement très particulier. Surveillés, pilotés, ils ne sont jamais totalement libres de leurs mouvements, et ne voient que ce que l'on veut bien leur montrer (en général des bâtiments ou installations à la gloire du régime). C'est l'un des aspects les plus
marquants du témoignage de
Guy Delisle : accompagné en permanence de son "guide" et de son interprète, le dessinateur découvre avec amusement et sidération les us et coutumes de ce pays pas tout à fait comme les autres, sans jamais se mêler aux autochtones. L'absence flagrante de personnages nord-coréens dans le récit (en dehors du guide et de l'interprète sus cités) fait d'ailleurs froid dans le dos.
Entre culte de la personnalité et propagande, nous découvrons quelques caractéristiques de ce régime surréaliste, qui dépense des sommes mirobolantes pour construire le métro de
Pyongyang, véritable oeuvre d'art aux allures de cathédrale moderne, conçu pour servir d'abri anti-atomique en cas de nécessité, mais ne peut pourtant assurer la subsistance de ses ouailles. Les nord-coréens sont contraints d'afficher leur amour et leur fidélité envers la famille Kim, dans un pays en état de famine et de pénurie permanentes. La population est soumise à une discipline de fer, les "dissidents" risquent l'emprisonnement à vie dans des camps pour le moins spartiates. Tout cela est fort sympathique... On retiendra également l'hypocrisie des dirigeants, qui détournent l'aide alimentaire internationale à leur propre profit, maintenant ainsi le peuple dans un état de dépendance.
Cet état des lieux est profondément déprimant. L'objectif de
Guy Delisle n'est cependant pas de nous proposer une analyse politico-économique du contexte nord-coréen. Rien de tout cela dans
Pyongyang, qui est avant tout le témoignage d'un canadien expatrié nous faisant part de son expérience au quotidien, avec un mélange de réalisme et de distance amusée. Les situations décrites sont souvent drôles, tout à la fois cocasses et dramatiques, mais suscitent également la réflexion. Comment un tel régime peut-il tenir ? Comment les nord-coréens, embrigadés depuis leur plus tendre enfance, vivent-ils la situation ? Quel peut-être le devenir économique et politique de ce pays qui, ne l'oublions pas, possède la bombe atomique ? Autant de pistes intéressantes, qui mériteraient d'être approfondies…
Un petit mot du style pour finir : j'aime beaucoup ces dessins en noir et blanc, au graphisme simple et pourtant évocateur, qui traduisent tour à tour l'ennui, l'amusement et la stupéfaction du personnage. L'ambiance fantômatique de
Pyongyang est magnifiquement rendue. Je vais m'empresser de découvrir Shenzen et
Chroniques Birmanes, du même auteur.
Une très belle découverte, que je recommande sans hésiter ! :-)
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