Je voulais depuis longtemps lire ce livre qui bénéficiait d'une sorte d'aura au temps de sa sortie : le mythe de l'écrivain choisissant la solitude d'une retraite sauvage pour se ressourcer auprès de la nature tout en gardant son regard acéré sur le monde, entre Rousseau et
Voltaire version XX siècle en décor celtique.
J'avoue que la déception à été à la hauteur de l'attente.
Certes la langue est belle et
Michel Déon sait magnifiquement la manier pour peindre le décor de marais, chemins et tavernes embrumées d'une Irlande encore préservée.
Le portrait des quelques locaux de l'étape est aussi brossé avec économie et talent.
Pour le reste, le narrateur héros tourne autour de quelques personnages venus d'ailleurs qui ont en commun de claquer leur richesse, boire conséquemment et s'ennuyer ferme : caractères que j'ai trouvé peu consistants et passablement vains. C'est un peu le salon des Verdurins translaté entre roselière et manoir, la densité psychologique en moins. Seul Taubelmann, personnage rabelaisien haut en couleur, excessif, grossier et conteur impénitent, sauve un peu le portrait de groupe.
Deux aspects du roman moins souvent évoqués :
Le polyamour à la sauce années 1970 : le héros -narrateur et les différentes femmes qui l'entourent ( toutes nimbées de « mystère » mais surtout bien capricieuses) s'envisagent dans des relations amoureuses libres, fantasmées comme des « rencontres esthétiques » .
La mise en abîme bien menée qui a sûrement contribué au succès du roman :
Michel Déon s'était lui même retiré en Irlande, pour écrire cette histoire d'un écrivain qui, observant ceux qui l'entourent dans sa retraite irlandaise , finit par écrire l'histoire d'un écrivain qui raconte ceux qui l'entourent etc.