Pour un cinéphile, la lecture de
Hitchcock/Truffaut est absolument passionnante. Les deux réalisateurs sont à des moments de leur carrière où ils ont beaucoup réfléchi sur l'art cinématographique, et leurs dialogues reflètent leur maturité sur les questions de mise en scène ou d'approche du public. On sent le respect qu'ils ont l'un envers l'autre et la délicatesse avec laquelle ils s'entretiennent est assez remarquable. En particulier, de la part de
François Truffaut, on se rend compte de l'admiration qu'il porte envers le maître du suspense, mais il a tout de même l'honnêteté de lui dire ce qu'il a ressenti, en bien ou en mal, lors du visionnage de certains de ses films. Par exemple, il n'hésite pas à lui dire qu'un film comme le grand alibi, « n'ajoute rien à [sa] gloire », ou que certaines séquences de Sabotage ne sont pas tout à fait réussies. le plus réservé quant à la qualité de son oeuvre reste toutefois
Alfred Hitchcock himself, et l'on découvre sa modestie, ou en tout cas le perfectionnisme qu'il entretient envers ses films. Ce trait de caractère a d'ailleurs ajouté à sa réputation d'acharné de travail, qui était capable d'être odieux envers ses collaborateurs.
Au travers les entretiens d'
Hitchcock/Truffaut se dessine ainsi la discrète amitié qui unit deux réalisateurs animés par une même passion du cinéma. Et l'on ressent la fascination qu'exerce la filmographie d'
Alfred Hitchcock sur le jeune cinéaste français, déçu par l'accueil reçu par les films du maître dans les années cinquante et soixante. À cette époque, seuls les Cahiers du cinéma défendait le réalisateur, dont les films étaient considérés comme trop commerciaux par la majorité des critiques, qui souvent méprisaient certains genres comme le policier ou l'espionnage. La réception de ses long-métrages par le grand public est d'ailleurs une des préoccupations majeures d'
Alfred Hitchcock, et l'on comprend que le succès de Psychose, qui va asseoir sa célébrité et qui va toucher un jeune public, lui fait énormément plaisir. Il se montre assez suffisant envers la critique, qui le lui a souvent bien rendu, ce qui occasionne certains échanges savoureux lorsqu'il rappelle à
François Truffaut ses débuts dans la profession. Cela dit, Hitch n'est pas non plus tendre envers ses producteurs, et l'on se rend bien vite compte de son caractère bien trempé.
Reste que les analyses des films d'
Alfred Hitchcock opérées dans
Hitchcock/Truffaut sont tout à fait savoureuses. La construction de chacun des échanges autour de thématiques récurrentes permets de donner une cohérence à l'ensemble des discussions, et le lecteur peut piocher s'il le souhaite certains passages où sont évoqués ses films préférés. On se délecte de lire les coulisses de certaines scènes devenues cultes, comme l'attaque de l'avion dans La mort aux trousses, qui débouche sur la théorie d'
Alfred Hitchcock sur le temps et l'espace au cinéma. Tout aussi intéressantes sont les analyses de
François Truffaut, que ce soit sur le caractère sexuel des films de
Hitchcock, ou bien son développement, qui deviendra célèbre, sur les « grands films malades », en citant Marnie comme exemple typique. Tout aussi fameuse est l'expression qu'emploie
Alfred Hitchcock sur ses films qui sont plus des « tranches de gâteau » que des « tranches de vie », ou ses longues tirades autour du caractère cinégénique de l'objet filmique, et combien le parlant a pu faire de mal à la qualité d'un certain cinéma.
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