La renommée de Jane Austen, qui demeure à ce jour l’un des auteurs classiques les plus lus du monde anglophone, n’est pas sans présenter quelques paradoxes. Elle repose sur l’attrait, pour le grand public, des costumes, des rituels et des belles demeures d’une époque (celle de la Régence, au début du XIXeme siècle) où se concentrerait une certaine anglicité intemporelle ; mais elle tient aussi à l’affection que voue ce même public à des héroïnes parfois frondeuses, voire proto-féministes, qui – telle Elizabeth Bennet dans Orgueil et préjugés, la plus célèbre d’entre elles – n’hésitent pas à affirmer leur indépendance contre les conventions de leur temps.
Or Jane Austen, née en 1775, mourut en 1817, soit exactement vingt ans avant l'accession de Victoria au trône d'Angleterre. Victoria, d'ailleurs, n'était pas encore née à cette date-là et ce qu'on entend par victorianisme ne fut constitué qu'autour du milieu du XIXe siècle. A de nombreux égards, Austen appartient plus au XVIIIe siècle qu'au siècle suivant.