Un champ de cendres et de détritus !
Philip K. Dick (1928-1982), un jumeau qui a perdu sa jumelle et ce faisant une partie de lui-même dans les semaines qui suivirent leur naissance, grand angoissé devant l'éternel (il a aussi perdu son père à l'âge de 4 ans -après divorce, celui-ci est parti et n'a jamais plus donné signe de vie-), lecteur, enfant, d'
Edgar Allan Poe comme de
Howard Phillips Lovecraft, est devenu écrivain de métier en 1952 et après avoir signé un certain nombre de nouvelles, il fit paraître son tout premier roman ‘
Loterie solaire' en 1955. Paranoïaque, drogué, dépressif, divorcé de sa première épouse en 1958, puis de la seconde en 1964 (la troisième l'abandonnera dans les années 70), K. Dick, qui ne connaîtra le succès qu'à partir de 1962, après la publication du ‘Maître du Haut-Château', tentera de se faire interner en hôpital psychiatrique et également de se suicider, tout en continuant d'écrire. Passionné d'ésotérisme, il s'intéressa à la scientologie, prétendit avoir eu des révélations divines et aussi être en contact avec des extraterrestres. Persuadé que notre monde n'était qu'une apparence derrière laquelle il y avait d'autres réalités, il fut littéralement obsédé par le Mal (qu'il vit notamment en la personne de
Richard Nixon ; ce qui n'était pas si mal vu somme toute) et mourut quelques jours avant la sortie du film ‘Blade Runner' qui allait le rendre véritablement célèbre, mais de manière posthume. Depuis, ses nouvelles et romans ne cessent d'inspirer -souvent plutôt heureusement- les cinéastes.
‘
Loterie solaire', qui ne fut traduit et publié en France qu'en 1968 seulement, nous emmène sur la Terre et la Lune et dans l'espace en 2.203 au temps de la Fédération des 9 planètes. le Meneur de jeu, qui dirige la Fédération, est tiré au sort -ce peut être un citoyen lambda aussi bien qu'une personnalité éminente-, mais ne peut se maintenir au pouvoir que s'il réussit à échapper aux tueurs lancés à ses trousses dès sa prise de fonction et dont le protègent des gardes du corps télépathes. Mais cette fois-ci, c'est une créature de synthèse, mue par différents esprits et à la solde de l'ancien Meneur de jeu, qui est chargée d'éliminer le nouveau Meneur de jeu. Tout le système solaire est en haleine ; le tueur est encouragé ; on l'applaudit ; on espère qu'il sera le champion du sport national par excellence dans cette société fondée sur le jeu et l'assassinat…
Placé sous le signe de la suspicion, ‘
Loterie solaire' est le type même de roman paranoïaque dont K. Dick se fit ensuite une spécialité : dans ce récit, chacun est traqué, a peur, ne peut faire confiance à personne, et surtout pas aux femmes. Les apparences sont trompeuses, la réalité est autre, tout ne cesse d'être remis en cause d'un instant à l'autre. Si vous avez du goût pour les ambiances kafkaïennes, vous trouverez probablement un certain intérêt à ce vieux livre de psychose-fiction qui n'a pas fini de faire parler de lui !