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sur 310 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
On est d'emblée saisi par la violence du monde carcéral intimement décrie dans ce roman mais aussi par la solitude que notre héros va retrouver dans une nature aussi belle qu'inquiétante.
Sophie Divry a ce talent de se renouveler et nous surprendre à chaque parution.
Une expérience littéraire unique entre « la route » et « Robinson Crusoé ».
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De l'enfer au paradis ?
Le dernier opus de Sophie Divry commence comme un roman noir : le narrateur, Joseph Kamal, est condamné à être emprisonné pour sa complicité dans un braquage, braquage au cours duquel son frère a trouvé la mort. Il va subir l'enfer carcéral : la promiscuité, la saleté, la violence, les humiliations, le sadisme des matons, la protection ambiguë des caïds…
Le style adopté par l'auteure correspond tout à fait au statut du narrateur, un jeune homme sans éducation qui s'exprime par des phrases courtes et des notations crues pour décrire l'abjection.
Et puis intervient l'impensable : une catastrophe nucléaire irradie la moitié de la France ((Joseph ignorant les détails concernant l'explosion, le lecteur n'en apprendra pas plus), la prison est évacuée et Joseph en profite pour s'évader. Il décide de vivre seul, en pleine nature, à l'écart d'un genre humain qui a révélé toute sa bassesse et pour ne pas être repris par les autorités.
La suite du roman, écrite à la troisième ou à la première personne, décrit une renaissance, la renaissance d'un homme qui redécouvre ce dont il a été privé par son incarcération, les mille merveilles de la nature : c'est un véritable chant du monde, pour reprendre le titre d'un roman de Giono, que l'auteure exprime en nous faisant partager les sensations et les sentiments de son personnage.
Mais, pour ce Robinson misanthrope, la solitude se fait parfois très pesante, la vie n'est pas toujours facile, notamment en hiver, il faut aller toujours plus loin pour trouver de quoi se nourrir : les nuages s'accumulent sur le paradis que s'est construit Joseph...
Une belle réussite romanesque et poétique.
Merci à Babelio et aux Editions Noir sur Blanc pour cette découverte.
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L'homme est-il un loup pour l'homme ? La réponse après la fin du monde.

Alors que la littérature SF se cantonne à UNE fin du monde, la littérature blanche anticipe TROIS fois la fin du monde. A la ramasse la SF ?

Une première fin du monde personnelle : suite à un braquage qui tourne mal, Joseph va découvrir le deuil de la perte de son frère et l'univers malsain de la prison. Une deuxième fin du monde, celle ci due à une catastrophe, va le délivrer de sa descente aux enfers. La troisième fin du monde, je vous la laisse découvrir.

Passez de l'univers carcéral à la nature reprenant ses droits aurait pu relever du grand écart impossible, l'auteur parvient ce tour de force sans encombres. Nous passons de la prison, la violence et la promiscuité à la solitude,
A travers le récit de Joseph, passant du je au il au fil des pages, nous découvrons sa vie quotidienne et sa tentative de survie dans des mondes hostiles inconnues de lui. L'homme s'adapte laissant toutefois chaque fois une part de son humanité ou la retrouvant. La solitude prend des aspects différents : face à ses codétenus à la prison où il faut s'endurcir pour survivre, la solitude est un havre de paix, une porte vers la liberté. Mais quand le monde est déserté, la solitude devient une épreuve, un enfermement. L'homme est il un animal solitaire ou collectif ?

Un livre à l'écriture poétique, violente ou crue qui nous fait découvrir le chemin d'un homme a la recherche de son humanité perdue. Ça se lit d'une traité et j'ai vite été happé par le récit, les pointes d'humour cynique et le ton goguenard de Joseph permettant des respirations bienvenues.

Quelques bémols cependant. La réalité carcérale décrite me semble assez convenue et ne diffère guère de ce que l'on voit dans les films. N'ayant jamais eu le déplaisir de découvrir la détention, est ce décrit de manière fictive ou sociologique, le doute est permis.
En tant que fan de SF, je ne peux que déplorer que la catastrophe ayant provoqué une fin du monde manque de réalisme, un post apocalyptique version littérature blanche, mais d'une belle et réelle intensité poétique. en deux pages, la messe est dite, mais fort bien.

L'amateur intransigeant de SF qui se risque à cette lecture risque une bien belle déconvenue. Ce court roman plaira toutefois aux lecteurs occasionnels de mauvais genres qui aiment les belles plumes, la forme plus que le fond.

Avis réalisé dans le cadre d'une opération spéciale Masse critique Babelio.
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Un seul personnage principal , Joseph Kamal, va connaître Trois fois la fin du monde. La première en étant incarcéré pour la première fois de sa vie en prison où il fera l'expérience d'une communauté imposée et n'aspirera qu'à la solitude. La deuxième, quand à l'issue d'une Catastrophe, indéterminée, il fera partie des survivants et mettra à profit les acquis de la prison. La dernière, quand il se retrouvera seul dans la nature à rechercher la compagnie des animaux pour ressentir à nouveau des émotions et des sentiments.
N'étant guère friande ni de romans carcéraux ni de romans évoquant la fin du monde , je me suis pourtant régalée du début à la fin de ce roman de Sophie Divry, la présentation et la citation mise en exergue me donnant comme boussole" l'histoire revisitée d'un Robinson Crusoé plongé jusqu'à la folie dans son îlot mental". C'est donc avec enthousiasme que j'ai lu ce roman, établissant sans cesse des comparaison avec les textes de Defoe et/ou de Michel Tournier. Quant à la dernière partie, elle a tout de suite fait écho à un texte clairement revendiqué comme source d'inspiration par l'auteure, à savoir le mur invisible de Marlen Haushofer.
Évoquant le thème de la solitude recherchée ou subie, Trois fois la fin du monde montre qu'une fois de plus Sophie Divry a su se renouveler avec bonheur.
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Lorsque Joseph se retrouve en prison pour un braquage qui a mal tourné, son monde s'écroule : lui, le gentil gars de banlieue découvre la violence, l'humiliation, la manipulation, la haine, la survie dans ce milieu où seuls les plus forts tirent leur épingle du jeu. Après trois ans dans cet enfer, il parvient à s'échapper à la faveur d'une explosion nucléaire qui décime la population. Seul, errant, il se réfugie dans la zone contaminée désertée et jouit enfin d'une solitude qu'il appelait de ses voeux. Sorte de Robinson Crusoé post-apocalyptique, il redécouvre une vie simple, tranquille, au rythme de la nature et des animaux. Sophie Divry continue de nous surprendre avec ce roman percutant, dont l'écriture forte et pleine de poésie creuse l'âme humaine pour en exposer les rouages, entre ombre et lumière, violence et tendresse, recherche de la solitude et folie d'être seul.
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Ce que j'ai ressenti:

*Onde de choc fois trois/Onde de choc trois fois…*

Perdre son frère, sa liberté, sa dignité pour une seule journée d'erreur de jeunesse, c'est le lourd fardeau que Joseph Kamal va payer, maintenant, entre les murs de cette prison. Condamné à subir la haine, démuni face à cette violence insensée. Sophie Divry nous emmène au coeur de ces cellules où les comportements sont désaxés, les relations déstructurées, l'air nauséabond, l'atmosphère irrespirable, et même, toi, lecteur, tu te prends en pleine face, la violence démesurée de ces établissements de l'ombre…C'est le premier uppercut qu'elle va t'infliger, et si, jamais tu te relèves encore, malgré la douleur, les blessures ouvertes, les failles béantes dans l'inconscient, elle ne s'arrêtera pas en si bon chemin…Elle te contera les enfers: trois fois. Trois fois trop bouleversant, trois fois trop bien, trois fois trop intense. A coups de plume percutante, à coups de caresse poétique, à coups de maux déchirants. Les mots justes, pour le dire…Que la fin du monde, peut prendre tellement de formes…

« Mais comment est-il fait celui qui laisserait perdre son frère sans prendre le risque de se perdre avec lui? »

*Solitude et Mal-être…*

Lecture en trois temps, mais juste le temps de retenir ma respiration, entre ses pages, je me suis perdue, avec plaisir, dans ces fins du monde, dans le monde des hommes, dans un monde sans hommes, dans le monde de Sophie Divry qui y sublime la Nature, et raconte la vie d'un homme égaré, ses états d'esprits, ses coups du sort. Dans le bruit ou dans le silence, c'est la solitude qui asphyxie Joseph : seul face aux autres, seul face à la catastrophe, seul face à l'environnement. Jamais bien tout seul, jamais bien seul, jamais bien…Une souffrance intime, un vide à combler, une vie aux multiples fractures. C'est une robinsonnade moderne qui touche de près, nos plus profondes angoisses…

« La peur s'efface, une ivresse la remplace. »

*Retour aux sources…*

J'ai beaucoup aimé la sensibilité et la plume de Sophie Divry. Elle peut décrire aussi bien la violence que les instants suspendus, la beauté d'un paysage que la virulence d'une échauffourée. Elle tend toujours vers un espoir, comme s'il était à portée de main, peu importe le lieu, le temps, la personne…Magnifique et époustouflant dans sa singularité, j'ai adoré cette lecture. A l'aube d'une des fins du monde, une si belle histoire contée avec délicatesse, ça promet encore quelques jolis instants à vivre, sur Terre….



« Oui c'est cela. Que les étoiles le prennent, que les étoiles l'aspirent, qu'il sombre dans le ciel. »



Ma note Plaisir de Lecture 9/10
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Un jeune gars de banlieue, Joseph Kamal, se retrouve à la fois sans famille et emprisonné. Son frère a été abattu lors du braquage où lui même a été arrêté. Joseph n'a rien d'un récidiviste, il découvre l'univers carcéral, et le lecteur avec lui. J'avoue que je ne m'attendais pas à un tel début, avec une sensation d'enfermement, d'étouffement, puissamment rendue par les mots. Puis un événement, d'origine nucléaire, rapidement évoqué, précipite Joseph dans un monde radicalement différent. Il se retrouve en effet seul dans une zone contaminée, la majorité de la population étant morte des suites des radiations, sauf une faible minorité dont il fait partie. Il pourrait choisir de rejoindre la zone protégée, mais préfère s'installer dans un hameau vidé de ses habitants. La sensation de solitude qui suit la promiscuité carcérale est d'autant plus forte, une solitude qui n'est pas choisie, mais qui arrange bien Joseph après l'inhumanité de la prison, et la peur que lui inspiraient ses codétenus.

Joseph n'est pas vraiment un manuel, ni quelqu'un de proche de la nature, il doit apprendre tous les gestes, se documenter pour connaître ce qui l'entoure, s'adapter à la région où il est réfugié. Les évocations de la nature et des saisons ne sont peut-être pas le point fort de l'auteure, mais elle sait parfaitement se mettre à la place du personnage et dans ses pensées, faire ressentir ce qu'il ressent, pousser à imaginer ce qu'on ferait à sa place, comment on appréhenderait l'environnement, les plantes, les animaux…
Sophie Divry montre en écrivant ce roman, comme avec ses précédents, qu'il est possible de raconter une histoire en s'attachant aussi à la forme même du roman. En trois parties, correspondant, si on veut, aux trois fins du monde du titre, elle nous emmène dans un univers radicalement différent de celui de ses autres romans, dans un style bien distinct aussi, avec des passages du « il » au « je » qui rythment le texte.
Elle dit dans une interview avoir lu et été inspirée par le mur invisible de Marlène Haushofer ou La petite lumière d'Antonio Moresco plus que par Robinson Crusoé. Comme dans ces romans, c'est de solitude qu'il s'agit, et de se créer un univers qui soit vivable lorsqu'on est seul. Mais tout d'abord, l'être humain est-il adapté à la solitude ? Dans l'atmosphère d'inquiétude concernant le futur qui est celle de notre époque, les romans traitant de survie solitaire sont nombreux, et celui-ci y a toute sa place, et se révèle passionnant jusqu'à la dernière ligne.
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Trois chapitres, trois épreuves abominables pour subir trois fois la fin du monde : le prisonnier, la catastrophe, le solitaire. Dès les toutes premières pages, l'enfer s'affale sur Joseph Kamal lorsqu'il est jeté en prison après un braquage raté. Son frère est mort, les matons le tabassent et les détenus le manipulent et l'humilient. Ces pages sont d'une noirceur sordide, immonde, poisseuse. Mais l'écriture de Sophie Divry hurle et s'impose immédiatement dans sa justesse et son élégance terreuse.
J'avoue, au début je trouvais que ça sonnait un peu bancal: malgré la plume splendide, j'avais du mal à me plonger dans l'histoire car je sentais que c'était l'horreur d'un jeune homme écrit par une femme. Et puis au fil des pages, au fur et à mesure que la prison arrache lentement, sournoisement, violemment, le reste d'innocence qui pulsait en Joseph, là j'ai commencé à y croire vraiment. C'est devenu impitoyablement beau. C'est devenu fort, puissant et caverneux.
On mâche les sons, on sent la haine et la terreur qui remuent dans le ventre, on est tout près des coups infligés et des insultes crachées. Et puis la Catastrophe sème la mort et la désintégration. Une explosion. L'atmosphère irradiée. Une scène d'apocalypse. Joseph parvient à s'échapper lors de l'évacuation de la prison : il abandonne ici sa vie d'avant pour une nouvelle existence en mode survie au milieu de cette France dépeuplée.
Évidemment, il y a un avant et un après la taule. A l'image de l'homme qui s'est endurci, se faisant aussi résistant que du béton, le langage de Joseph est beaucoup plus âpre et grossier. On en vient presque à se demander s'il aurait survécu à la Catastrophe sans être passé par la dureté de la prison.
Convaincu d'avoir été sauvé parce qu'il est immunisé, replié dans une cabane perdue dans un bois, Joseph cogite, organise ses journées, dérobe sa nourriture dans les maisons et supermarchés désertés, et se bat pour défendre son bout d'existence. L'une de ses obsessions les plus têtues : se cacher des flics à la recherche de "pillards" pour les mener en zone sécurisée. Joseph ne veut jamais plus avoir affaire aux flics. Alors il se fait minuscule et imperceptible, sans pour autant se délester de son esprit de guerrier, même si parfois une immense mélancolie l'étreint…
La solitude alors. L'écrasante et infinie solitude. N'être entouré par aucune voix, dialoguer avec soi pour ne pas devenir fou. Joseph s'organise tels les naufragés de Jules Verne sur leur île mystérieuse, repousse de plus en plus le monde des hommes qu'il trouve barbare, cruel, se demandant tout de même à quoi ressemble la zone des réfugiés, là-bas, à coups de "que font-ils les Autres ? Comment vivent-ils là-bas ? Où ils sont, aujourd'hui ? Ils sont tous morts ou bien ?"
Et puis un jour un son nouveau, particulier : un mouton devant lui comme une apparition miraculeuse, qui va fêler son isolement, un mouton auquel il va profondément s'attacher et qu'il nomme Chocolat…
"Trois fois la fin de monde" est une expérience sociologique et philosophique, presque mystique, qui nous conduit aux limites du tolérable, jusqu'où l'homme n'est plus qu'un corps à apaiser, jusqu'où le coeur déborde à force de ne pas pouvoir s'épancher et où l'âme menace de briser à tout instant. Un roman qui nous confirme que malgré le désir parfois viscéral de s'éloigner des gens et de la société, l'être humain n'est pas fait – pas né – pour vivre seul et qu'il est prêt à tout pour se créer un semblable à qui s'accrocher.
Même si j'ai été moins sensible à cette longue partie dans laquelle les mots de Joseph basculent presque dans une vulgarité inutile, l'ensemble du roman me laisse une impression fascinante de poésie absolue, très noire et très puissante. Certains paragraphes sont sublimes et le final est magnifique. En conclusion, c'est le tout premier roman de Sophie Divry que je découvre mais assurément pas le dernier.
Merci à Babelio et aux éditions Notabilia qui ont fait le choix d'une couverture épurée mais surtout d'une police de caractère extrêmement agréable à lire – et c'est suffisamment rare pour devoir être mentionné.
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Robinson Crusoé à la française

En jetant un repris de justice dans une zone contaminée par un accident nucléaire, Sophie Divry nous livre une version trash de Robinson Crusoé et sans doute l'un de ses romans les plus aboutis.

Trois fois la fin du monde aurait aussi pu s'intituler trois expériences ultimes, de celles qui laissent des traces indélébiles et pour lesquelles l'auteur de la Condition pavillonnaire et de Quand le diable sortit de la salle de bain retrouve son terrain de prédilection, celui des moments de crise qui obligent à faire des choix, peut-être pas toujours conscients.
Comme il se doit, tout commence très mal. Tonio entraîne son frère Joseph dans un braquage qui vire au drame. Son frère est tué et Joseph arrêté. le jeune va alors très vite être confronté à la condition détentionnaire, aux règles qui régissent la vie dans les centres de détention et qu'il va devoir assimiler très vite. Car cette première «fin du monde» ne laisse guère la place à la fantaisie. En dehors ou avec la complicité des matons, il faut apprendre à survivre sans confort, nourriture, sommeil, calme et affection, mais surtout à une hiérarchie brutale et à une promiscuité répugnante. «Je me demande pourquoi mon frère ne m'a jamais dit un seul mot sur ses années de prison. Ça me serait utile aujourd'hui. Mais il est vrai que je n'étais pas censé m'y retrouver. C'était lui le voyou de la famille, pas moi.»
À la sidération du néo-détenu vient s'ajouter celle du lecteur qui découvre la loi des caïds, la violence aveugle et les châtiments qui n'ont rien à voir avec une quelconque justice. Avec Joseph Kamal, il se rend compte de l'abomination que peut représenter un séjour carcéral en France aujourd'hui. Et sous la plume de Sophie Divry s'éclairent subitement bien des questions. Les statistiques sur les taux de récidive ou sur la dimension criminogène de nos prisons s'incarnent ici. Avec de tels traitements, comment ne pas sombrer… ne pas être habité par la haine. « Ce n'est plus une haine étroite et médiocre, celle des premières humiliations, non, c'est une haine comme une drogue dure. Elle fait jaillir dans le cerveau des consolations fantastiques. Elle caresse l'ego. Elle transforme l'humiliation en désir de cruauté et l'orgueil en mépris des autres. Je ne hais plus seulement les matons, je hais aussi cette engeance de damnés qui croupit là, encline à la soumission, complice des guet-apens. Dans cette cellule étroite, sans matelas, mes pensées-haine se répercutent d'un mur à l'autre. Je m'y adonne avec plaisir, suivant de longues fantaisies mentales où moi seul, brûlant la prison, reçois le pouvoir de vie ou de mort sur les détenus et les gardiens, les faisant tour à tour pendre, brûler vif, empaler. Parfois la rêverie s'arrête brusquement, mon coeur plonge dans une fosse de chagrin à la pensée de mon frère. Je comprends pourquoi Tonio ne m'a jamais dit un mot sur ce qu'il a vécu ici. »
Aux idées noires vient pourtant se substituer une seconde «fin du monde» tout aussi dramatique : une catastrophe nucléaire. On peut imaginer le vent de panique face aux radiations et on comprend que tout le monde cherche à fuir. Une chance que Joseph ne va pas laisser passer, quitte à tuer à son tour. Un meurtre avec un arrière-goût de vengeance.
Vient alors la partie du livre qui m'a le plus intéressé. Joseph choisit de s'installer dans la zone interdite pour échapper à la police.
Quelque part en France, il rejoue Robinson Crusoé sans Vendredi à ses côtés.
« Toute sa vie, il a été éduqué, habillé, noté, discipliné, employé, insulté, encavé, battu – par les autres. Maintenant, les autres, ils sont morts ou ils ont fui. Il est seul sur le causse. » Il est libre mais seul.
Avec un sens de la tension dramatique, qui avait déjà fait merveille dans Quand le diable sortit de la salle de bain, Sophie Divry va alors creuser dans la tête de Joseph Kamal et nous livrer les pensées d'un homme qui, pour l'avoir déjà perdu, va chercher encore un toujours un sens à sa vie. Magistral!

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Je viens de refermer la dernière page de Trois fois la fin du monde et la prison est à présent dans mon dos. J'ai presque oublié mon passage parmi les taulards, les exclus et les loosers. J'ai presque oublié les brimades et les coups dans la gueule. Quelques images au milieu des odeurs de merde se sont incrustées dans la corné. Avec la peur. La peur que ça recommence. Cette putain de peur qui me prend et qui me susurre à l'oreille ; – Tu vas replonger. Tu vas replonger. Mais tout ce truc-là, nauséeux jusqu'à faire du mal aux anges est derrière moi. Il y a une eu une catastrophe. Il y a eu un recommencement. A présent, j'ai de quoi tenir. J'ai de la beauté en rab'. J'ai le Causse pour réserve. J'suis un hors sol, j'suis un citadin, un petit urbain et j'ai tout à apprendre dans ce monde sans maitre. J'suis ma nouvelle geôle. Et là, partout, de l'herbe qui encense l'air, de la pierre qui pousse entre le lierre, de la caillasse qui se consume en plein cagnard. J'ai les paysages du causse en cinémascope. J'ai le coeur solitaire, aussi, le coeur sauvage et solitaire. J'suis enfermé dans ma bergerie, dans mille hectares de terre sauvage. Et j'ai Fine, ma chatte sur les genoux, et Chocolat, le mouton, la brebis, j'sais pas, j'y connais rien en ovin, qui broute le foin que j'me suis coltiné à récupérer. Je me sens seul au monde, j'suis si seul. Quand la dernière page de trois fois la fin du monde est tournée, je sens ce poids qui pèse, là encore et encore. le poids de la solitude. Je sens le causse derrière moi, autour, au-dessus, sur ma droite, sur ma gauche. Et encore la solitude, pesante, oppressante, vivante, qui m'accompagne, me cajole, me dorlote, m'assassine. Et je respire la terre, je regarde le ballet des oiseaux, des animaux de la forêt. Je regarde la danse des étoiles, la course des nuages et je rêve…
Je songe à ces amis qui parfois me propose un roman, en me disant ; « – lis le, tu verras ».
Le livre qu'on n'aurait pas ouvert autrement, parce que l'histoire semble connue d'avance, parce qu'un titre n'emporte pas l'adhésion, parce qu'un autre livre appel et dis, moi d'abord, moi d'abord, s'ouvre sur une première page. Et on entend dans un recoin de sa tête le copain qui répète ; « – Lis le, tu verras ».
Ce copain pour le roman de Sophie Divry, c'est toi Babelio, c'est vous les édition Notabilia, c'est masse critique. Une proposition de lecture. le livre s'ouvre. On ne sait pas ce qu'on va découvrir. Parfois c'est bof. Parfois c'est ah tiens. Parfois c'est merde alors…Et parfois le silence et la bouche ouverte sont la seule chose qu'on est capable d'exprimer. L'émotion a pris le dessus… Sophie Divry sait à tour de rôle se jouer de nous. Elle nous prend par la main pour un rodéo de senteur, de couleur, de sensation. Elle nous prend la main pour nous faire éprouver la violence, la violence jusqu'à l'écoeurement, et soudain, sous les excréments de la cour, derrière les murs de la taule, le causse. La beauté de la nature décrite avec les mots justes. Des mots qui raisonnent. L'alternance de l'utilisation de la première personne et de la troisième, avec parcimonie, cette alternance procure une sensation de va et vient. A tour de rôle on est Joseph Kamal et le spectateur. “On” et “je” s'épousent. Mais surtout, c'est la qualité des descriptions, le détail dans l'émotion qui emporte l'adhésion. On est littéralement dans le lot, perdu, en compagnie de Joseph. Merci à l'opération masse critique pour cette belle découverte.

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