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EAN : 9782081517301
380 pages
Flammarion (08/09/2021)
3.75/5   6 notes
Résumé :
Dans les vignobles français, on raconte une jolie fable : les grands terroirs (Bordeaux, Bourgogne, Champagne, Cognac) auraient été pillés par l'Allemagne nazie. La réalité est tout autre. Tout au long de l'Occupation, le cynisme commercial et la cupidité ont souvent côtoyé l'opportunisme politique le plus obscène.Après une enquête de près de deux ans dans les régions viticoles, Antoine Dreyfus raconte l'affairisme débridé, l'adhésion idéologique au maréchal Pétain,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un livre qui met au grand jour les pratiques du monde viticole sous l'Occupation.

Nous sommes nombreux à penser que l'occupant nazi a copieusement pillé notre production viticole.
Que nenni. Les Allemands n'ont pillé les vignobles qu'au tout début de l'Occupation, durant l'été 1940. Ils ont ensuite créé des centrales d'achat...et un juteux business a commencé au profit du monde viticole français.

Antoine Dreyfus commence son enquête de onze mois, en février 2020, au Salon Vinexpo, porte de Versailles à Paris.
L'accueil qu'il reçut ne fut pas des plus chaleureux...Il eut droit à deux types de commentaires : " Je ne sais pas du tout de quoi vous voulez parler !" ou, sur un ton agacé : Mais, Monsieur, pourquoi venir nous chercher des poux sur des évènements vieux de quatre-vingt ans !"

La mise en place des centrales d'achat par les autorités allemandes est un effet d'aubaine pour le monde viticole. Dans les années 1930, il y a eu surproduction et la France ne parvenait pas à vendre ses surplus. Donc, quand les Allemands arrivent et qu'ils achètent en grande quantité à des prix élevés, c'est presque inespéré.

Un grand nombre de viticulteurs, de courtiers et de marchands de vin se sont éhontément enrichis dans le commerce des alcools avec les occupants. Un système particulièrement infâme : les Allemands achetaient avec les sommes colossales versées par la France à l'Allemagne dans le cadre du tribut d'occupation sans cesse réévalué. L'enrichissement de certains par l'appauvrissement de la France et de ses habitants....
Ce passage définit clairement les faits : "Dans ce moment tourmenté de notre Histoire, les vignobles français ont donc vécu le Chagrin et la Pitié, un monde où le cynisme commercial et la cupidité ont côtoyé l'opportunisme le plus obscène."

Toutes les régions viticoles sont concernées : notamment la Champagne avec René Bousquet, préfet de la Marne jusqu'en avril 1942...le René Bousquet, organisateur de la Rafle du Vel d'Hiv. Il a supervisé les travaux de la création du CIVC, le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne, organisme à la botte de l'occupant et du gouvernement de Vichy.
Des fortunes se sont créées ou développées en Bourgogne et dans le Bordelais

Rares sont les entreprises qui furent plus riches à la Libération qu'avant-guerre. C'est pourtant le cas des entreprises de la viticulture française...ce monde où un nombre non négligeable de ses acteurs partagea les pensées totalitaires et antisémites de l'occupant et du gouvernement pétainiste.

A la Libération, il n'y eut quasiment pas de sanctions...

Un livre d'une grande utilité concernant un certain aspect de l'Histoire de notre pays...
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Antoine Dreyfus livre une enquête non exhaustive et très récente des relations entre les grandes maisons de vin et le régime nazi ou à travers lui, la France de Vichy.
Ses investigations concernent les vignobles de Bourgogne, du Bordelais, de Cognac et de Champagne. Ces vignobles auraient été pillés par l'Allemagne nazie. Fable ou réalité ? de nos jours, le sujet est encore tabou particulièrement en Champagne.
L'auteur réalise un travail journaliste à la suite d'un historien Christophe Lucand sur lequel il appuie une partie de ses éléments factuels. Parfois, les réponses furent trouvées dans les archives allemandes.
Ce livre raconte comment, dès 1940, la création dans chaque région viticole française d'un Weinführer désigné pour superviser tout achat de vin (ils étaient tous francophones et négociants en vins avant la guerre) a transformé le vignoble français en monopsone, l'inverse du monopole, il n'y a plus qu'un seul acheteur possible : l'Allemagne. Alors forcément il a bien fallu au mieux s'arranger, au pire, collaborer. Au travers de portraits comme celui de Bernard de Nonancourt, d'histoires comme celle du clos du Maréchal - une parcelle donnée au Maréchal par des Hospices de Beaune, Antoine Dreyfus livre une enquête qui dérange encore aujourd'hui.
Peu de « collaborateurs » furent réellement punis mais ce qui est sûr, beaucoup ce sont vraiment beaucoup enrichis !

Un livre qui apporte un éclairage très intéressant sur cette facette de cette période grise et sombre.
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Même si le livre n'est pas mal écrit du tout, on va s'entretenir ici bien davantage d'histoire que de littérature.
Bien entendu Antoine DREYFUS ne possède pas un patronyme totalement anodin quand on évoque la France de Vichy, ou même, quelques années avant, une affaire militaire qui défraya, pour le moins, la chronique, les deux ayant, pour écoeurante clef de voûte, un antisémitisme de fond dans le pays.
Notre journaliste s'attaque avec vigueur et une belle honnêteté à ce sujet : les grandes maisons de négoce, autres courtiers en vins et même viticulteurs ont-ils résisté à la vague allemande des années 40 ? Vigueur parce que d'une part il attaque de front le problème avec la plus grande région viticole française, le Bordelais, honnêteté parce qu'il avoue son impuissance à pénétrer les arcanes de secrets de famille bien gardés, hélas pour la vérité historique.
Nous sommes actuellement submergés de tant d'infos, sur fond de pandémie ou de campagne électorale, que le devoir dit de mémoire nous échappe un peu. Aussi se trouve-t-il fort à propos qu'un rappel de certains événements autant que de personnages y ayant collaboré, si j'ose dire vu l'époque, nous soit remis en face.
J'avoue que, personnellement, j'avais zappé le fait que le sombre Bousquet avait été préfet de la Marne, c'est-à-dire de la région Champagne, jusqu'en avril 1942. Pour ma part, vivant actuellement dans le sud-ouest, Adrien Marquet m'était davantage connu. La façon dont le journaliste dépeint la bourgeoisie bordelaise se voit criante de vérité. Mauriac avait bien commencé ; là, il s'agit d'autre chose. Quand on lit la manière dont Louis Eschenauer vivait, quatre-vingts ans après, je crois qu'on a du mal à se réimaginer l'époque, époque où neuf français sur dix crevaient la faim. le témoignage de sa nièce, qui a mis le fond de son oncle à disposition du journaliste, apporte un regard tout à fait digne d'intérêt. On peut regretter que d'autres régions aient occulté le plus gros de cette époque de honte.
Par ailleurs, le reporter nous rappelle une foule de pratiques, en passant, vécues dans ces années 40. Finalement, ce récit emprunte presque la forme d'un road-movie.
À côté de ce qu'ont fait ou fait faire les criminels de guerre, atrocités, tortues, délations …, les actes de ces richards, pour qui le mot profit constituait la pensée principale, paraissent globalement moindres. D'autant que les premiers évoqués ont souvent fini leur vie dans leur lit, et parfois repris le cours d'une vie bien ordinaire.
Mais la bassesse d'esprit, la flagornerie, le fayottage ne constituent pas pour autant des attitudes recevables. le problème est qu'elles s'ajoutent au reste d'une partie d'histoire déjà invivable.
Ce serait souhaitable que ce petit ouvrage comporte plusieurs tomes. Des langues pourraient se délier, d'ici là. Sait-on jamais ?
le devoir de mémoire est décidément chose bien difficile.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Comme cette pépite, cette tranche d’histoire inédite : cet épisode étonnant du clos du maréchal, une parcelle de vigne des Hospices de Beaune1, donnée en bonne et due forme au chef de l’État, Philippe Pétain.

Ce fait méconnu symbolise à lui seul la propagande d’État du régime de Vichy. Au printemps 1942, le préfet de Côte-d’Or, Charles Donati, et le maire de Beaune, Roger Duchet, demandent aux Hospices de Beaune d’offrir au maréchal Pétain une parcelle de ce Grand Cru. Ce sont alors les heures sombres du régime de Vichy, cette France du vin égarée et séduite par la politique agrarienne de Pétain.
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Avant même l’occupation du territoire à l’été 1940, le vin et les alcools français constituèrent des objectifs stratégiques et cruciaux pour l’Allemagne nazie, aussi bien pour les libations des dignitaires et des oligarques SS, pour le moral des troupes de la Wehrmacht, que – aussi incroyable que cela puisse paraître, pour servir de carburant aux fusées V2 à la fin de la guerre.
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