PREMIÈRE PARTIE
LES CONVERSATIONS
II
J'ai toujours parlé au canal;
mais le canal sait
que parler seul
n'est pas pour autant dire la vérité.
Je lui ai souvent dit
que son regard semblait croiser
celui des oiseaux
au moment même
où s'envolaient leurs explications.
p.15
Les hommes ont les mains très sales après les travaux des champs.
Elles sont aussi plus lentes. Elles se sont laissé prendre aux pièges
des résignations.
Elles tremblent en allumant une cigarette. Avec la flamme, on voit
loin dans leur génération.
PREMIÈRE PARTIE
LES CONVERSATIONS
II
Il [le canal] a subi tant d'influences,
traversé tant de domaines.
Il a même traversé un verger
grossier et stupide
dont les pommes vous scandaliseraient
si les pommiers vivaient encore.
Les arbres
m'ont tous posé la même question,
m'ont demandé si un canal avait une source
ou des racines.
Je n'étais pas assez sûr de moi
pour répondre
à cette inquisition.
p.14
Toutes les eaux ont la couleur de noyade.
CIORAN
Syllogisme de l'amertume
PREMIÈRE PARTIE
LES CONVERSATIONS
I
Nous nous regardions droit dans les yeux.
Nous parlions la même langue.
Les jours étaient posés devant nous
dans l'ordre alphabétique.
Je me souviens
qu'ils étaient d'une lenteur complice.
J'avais dix ou douze ans.
Mon compagnon de jeu
était un canal à grand gabarit.
p.11
C'était la plus jeune des huit enfants.
C'était une femme d'octobre mais on ne sait plus de quel jour.
Il est fort possible qu'elle n'ait jamais rien possédé sur cette terre
si ce n'est son certificat d'études qu'elle a eu grâce
aux sous-préfectures du monde entier.
Voilà le véritable voyage. Des villes qu'on appelle par leurs prénoms.
Comme des marraines.
Didier Tronchet et Christian Durieux proposent une adaptation du roman de Jean-Claude Dubois. Dans cette superbe relecture, ils insufflent une dose de folie douce, un dessin élégant, joyeux et mélancolique. En librairie dès le 24 août.