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EAN : 978B00IY0ZA6M
286 pages
Bibebook (07/06/2013)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Séjournant à Toulon en 1835, l'auteur croise un forçat dont le visage lui est familier. La véritable identité de cet homme, Gabriel Lambert, lui est inconnue. Et pourtant, lorsque celui-ci se présente sous un autre nom, celui du vicomte Henri de Faverne, ses souvenirs lui reviennent: il fut naguère le témoin d'un duel opposant le dit vicomte à l'un de ses amis ayant mis en cause sa prétendue noblesse. Extrait : Maintenant, monsieur, s'il vous reste quelque pitié pou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Deux hommes viennent de se reconnaître mutuellement. L'un est un grand écrivain de stature nationale ; c'est Alexandre Dumas. L'autre est un bagnard, et son nom demeure, pour un moment, inconnu. Où diable, se demande Dumas, ai-je pu bien croiser cet homme dont le visage, je le sais, habite ma mémoire ? La réponse vient par lettre du bagnard, et son nom, Henry de Faverne, rappelle alors à l'auteur, un épisode de sa vie parisienne. Faverne, alors, avait challengé un sien ami, Olivier d'Hornoy, remarquable duelliste par ailleurs, et l'issue de l'affrontement avait été sans surprise. Blessé, Faverne avait alors été soigné par le docteur Fabien, ami de Dumas et médecin du roi Louis-Philippe, lequel consigna, par la suite, la série d'événements qui devaient conduire le baron de Faverne au bagne de Toulon. Gabriel Lambert est un roman que les éditions du Livre de poche ont bien été inspirées de rééditer. D'abord parce que le roman, publié en feuilleton dans La Chronique à partir de 1844, fut assez largement oublié parmi les oeuvres de Dumas : échec commercial retentissant, Gabriel Lambert avait aussi la malchance d'avoir été publié entre deux géants parmi les romans de Dumas : Les trois mousquetaires et le comte de Monte Cristo. Connu aussi sous le nom du Bagnard de l'opéra, le roman présente aussi, sous une forme originale, le parcours d'un personnage certes audacieux, mais immoral et que ses propres actions accablent et portent bientôt au désespoir. le roman comprend ainsi une dimension morale, qu'Alexandre Dumas étend à la société dans son ensemble : l'homme, même le plus amoral, mérite-t-il la pire des déchéances ?

La forme de Gabriel Lambert est originale. Dumas introduit son roman auprès du lecteur comme un témoignage personnel. Il affirme que lors d'un voyage à Toulon, et ayant dormi, sur l'invite d'un ami, dans un fort faisant face au bagne, il a eu pour son service douze bagnards, parmi lesquels il a reconnu un visage familier. Cette façon de procéder donne gage de vérité à son récit aux yeux du lecteur, lequel reconnaîtra, ultérieurement, parmi les initiales utilisées pour évoquer certains personnages, d'authentiques personnages vivant, tel le policier Vidocq ou le médecin Labal. Un autre procédé vise encore à donner l'illusion du réel à cette fiction ; Dumas insère ainsi des copies de lettres, de journaux ou de mots, qu'en tant que narrateur - mais la frontière est volontairement floue entre l'auteur et le narrateur - il déclare livrer au lecteur tel qu'il les découvrit ; tout juste admet-il avoir corrigé, par exemple, les fautes de la lettre du bagnard Rossignol, ultime témoin de la vie de Gabriel Lambert. L'artifice fonctionne. Parce que Dumas fut un temps à Toulon, parce qu'il révèle des détails authentiques de sa vie propre (son tri tout singulier des lettres qu'il reçoit) ou des arcanes du pouvoir (ainsi l'examen, par Louis-Philippe Ier, des cas de condamnation à mort), par ce souci qu'il a de révéler au lecteur, par une transparence seulement apparente, la structure de son récit, le roman paraît vraiment être une pièce composite dont on peut tirer, puisque c'est vrai, puisque rien n'est caché, une leçon morale. Des apparences, nous apprend cependant Dumas, il faut nous méfier.

Curieux personnage que ce Gabriel Lambert, dont on serait bien en peine de dresser le portrait physique. Sa figure est commune, son âge entre deux eaux. Ce côté "entre-deux" de son personnage, Dumas le cultive jusqu'à l'excès. Baron dont le nom rappelle, par son étymologie, le simple artisanat, personnage dont le prénom et le nom, en deux pôles opposés, rappellent le divin et le vulgaire, Gabriel Lambert est un paysan qui s'est élevé très largement au-dessus de sa condition, mais les moyens de cette élévation sont illégaux et immoraux. En effet, encouragé par la révélation d'un talent dès son enfance, porté par une intelligence et une ambition que rien ne freinait, Gabriel Lambert est devenu faux-monnayeur. Ce faux, qui a l'apparence du vrai, est la marque de fabrique de Gabriel Lambert. Faussaire financier, il l'est aussi du point de vue de la société, puisqu'il n'est pas celui qu'il prétend être. Lambert est aussi un faux du point de vue de la morale, puisque toutes ses actions sont entachées de cette incapacité à se tenir comme il faut, à adopter les comportements que la société juge les plus dignes. Sa relation avec une fille de son village normand, Marie Granger, débouche en effet sur une grossesse que la pauvre fille affronte seule, ne trouvant du réconfort qu'auprès du curé et du père de Gabriel. Plus tard, arrêté et condamné pour faux-monnayage, Gabriel Lambert donnera une autre preuve - selon les standards du dix-neuvième siècle - de sa couardise, en faisant jouer ses relations - le docteur Fabien, en l'occurrence - pour commuer la mort en peine de prison à vie. Sa mort par pendaison, cependant, semble à nouveau relier le personnage à son origine sociale, puisque Lambert choisit la mort donnée autrefois aux gens de basse extraction. A bien des points de vue, Gabriel Lambert semble, aux yeux du lecteur, être un anti-héros, sans qualités morales, et dont la conduite suscite le rejet, n'ayant rien pour la sauver ou la justifier, ce que confirment tous les autres personnages du roman, du père de Gabriel au docteur Fabien, lesquels, sans réserve, condamnent le faux baron de Faverne. A peine, même, Dumas lui reconnaît-il le courage de se battre en duel contre Olivier d'Hornoy, la sérénité et le talent de duelliste de ce dernier étant mis en opposition avec l'agitation et les piètres capacités d'escrimeur de Gabriel.

En dépit de ce personnage, vil, on l'aura compris, en bien des points, Alexandre Dumas, par la fin et la double indignité qu'il lui réserve - celle de bagnard, celle de suicidé -, use de Gabriel Lambert comme d'un révélateur sur la société. Parce que le personnage est immoral - il trompe la société avec sa fausse monnaie et son nom d'emprunt, il trompe ses proches par sa conduite -, il suscite l'opprobre, mais les événements qui le touchent sont-ils, pour autant, mérités ? Gabriel Lambert offre matière à réflexion, à défaut d'être, comme le dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, un réquisitoire contre la peine de mort. Que le roi prenne la peine d'examiner les cas des malheureux montre bien que la question traverse la société française au milieu du dix-neuvième siècle. le roman de Dumas en est une caisse de résonance. Lorsque le crime et la loi s'accordent, dit le roi, alors il faut appliquer la loi ; cependant la commutation accordée prouve bien, dès lors, que la loi est par trop sévère pour ce type de crime. Considérations légales, donc politiques et sociétales, considérations morales aussi lorsque est abordé le sujet du suicide, que commet Gabriel Lambert. L'acte, à cette époque, peut être vu comme la dernière lâcheté, en plus de constituer un crime contre le divin. L'indulgence, à tout le moins, doit cependant être accordée, car les conditions de vie au bagne - travail forcé et privation d'intimité conduisent à un harassement physique et psychologique -, si elles déshumanisent les hommes, déshumanisent aussi la société qui les permettent. Que ces actes les plus tragiques soient retranscrits dans un roman n'enlève rien à leur vérité ; c'est en certifiant celle-ci qu'Alexandre Dumas clôt son roman.
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5:35 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Jean Cocteau : https://filmforum.org/film/jean-cocteaus-orphic-trilogy-testament-of-orpheus Armand Salacrou : https://lotincorp.biz/creation-affiches-publicitaires-etats-des-lieux-ville-douala-1/ Pierre Reverdy : https://lamediathequepatrimoine.files.wordpress.com/2022/09/p5-pr-jeune.jpg Maurice Chapelan : https://www.cambridgescholars.com/news/item/book-in-focus-the-poems-and-aphorisms-of-maurice-chapelan Félicité de Lamennais : https://en.muzeo.com/art-print/felicite-robert-de-lamennais-ecrivain/ary-scheffer Jules Noriac : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Noriac#/media/Fichier:Jules_Noriac_Nadar.jpg Jean de la Bruyère : https://www.ecured.cu/Jean_de_La_Bruyére#/media/File:Bruyere.jpg Henri Duvernois : https://www.delcampe.net/en_GB/collectables/programs/theatre-des-nouveautes-paris-la-guitare-et-le-jazz-de-henri-duvernois-et-robert-dieudonne-1928-1929-1034826850.html Frédéric II : https://www.calendarz.com/fr/on-this-day/november/18/frederick-ii-of-prussia Saint-Évremond : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Saint-Évremond#/media/Fichier:Charles_de_Marquetel_de_Saint-Evremond_by_Jacques_Parmentier.jpg Louis-Désiré Véron : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Désiré_Véron#/media/Fichier:Louis_Véron_-_engraving_-_Mirecourt_1855-_Google_Books.jpg Romain Coolus : https://picclick.fr/Portrait-Romain-Coolus-René-Max-Weill-Scénariste-Cinéma-225296515824.html#&gid=1&pid=1 Comte de Voisenon : https://www.abebooks.fr/art-affiches/Claude-Henry-Fusée-Voisenon
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