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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mihail Sebastian, né Iosif Hechter, est mort le 29 mai 1945, à 38 ans. Andrei apprend la triste nouvelle à Jana (Eugenia), sa soeur, qui a tant aimé cet écrivain célèbre pour ses pièces de théâtre.

Lionel Duroy lance ainsi un roman qui m'a absorbé du début à la fin, tant il regorge de sensibilité, d'émotion et de vérité puisque, si son héroïne est fictive, tous les événements qu'elle affronte sont authentiques. C'est elle qui raconte avec passion, tendresse et précision.
Eugenia est une plongée dans les années noires, des années trente à la seconde guerre mondiale en Roumanie. Au travers de l'amour de cette jeune fille pour un grand écrivain, c'est toute la montée du fascisme en Europe qui ressort, avec pour objectif l'élimination, l'extermination des juifs pendant que l'armée roumaine participe au siège de Stalingrad.
Dans le pays, les juifs sont « soit immensément riches… soit misérables ». Ceux qui ont réussi le doivent curieusement à une mesure discriminatoire car il leur est interdit de posséder la terre… En 1919, sous la pression de la France, les juifs avaient pu enfin devenir officiellement roumains mais, pour beaucoup, « ils ne seraient jamais de véritables roumains. »
1935 : Madame Costinas, professeure de littérature, recommande à ses élèves dont fait partie Eugenia Rădulescu, de lire Mihail Sebastian, un écrivain juif ! Nous sommes dans la ville de Jassy, à l'est du pays, près de la Bessarabie, la Moldavie aujourd'hui. L'antisémitisme se concrétise par une scandaleuse agression des étudiants chrétiens contre les « youpins ». Ils vont jusqu'à pénétrer de force dans l'université où Mihail Sebastian intervient à la demande de Mme Costinas. L'écrivain est molesté, frappé à coups de bâtons mais reste digne et veut comprendre ceux qui le haïssent.
Eugenia a deux frères. Stefan, le plus âgé s'engage aux côtés des extrémistes alors qu'Andrei, le plus jeune, reste proche de sa soeur qui part à Bucarest rejoindre sa professeure. C'est l'occasion pour l'auteur de détailler la situation politique du pays avec un roi (Carol II) qui nomme à la tête du gouvernement, un homme déclarant : « La Roumanie aux Roumains » et traite les juifs de « sangsues. » Eugenia se souvient du massacre des juifs de Chisinău, en Bessarabie, en 1903, et elle craint que ça recommence.
Hélas, la situation se dégrade rapidement et ce livre m'a plongé dans la vie politique et culturelle d'un pays soi-disant neutre en 1939 mais qui vend son pétrole à l'Allemagne nazie ! En septembre 1941, les juifs doivent porter l'étoile jaune. Eugenia, devenue journaliste, partage son amour pour Mihail avec l'actrice Leny Caler. Lionel Duroy cite des passages du journal de l'écrivain, étayant bien un récit poignant, déchirant grâce à une Eugenia se battant pour plus de justice et d'équité dans une époque qui trouve, hélas, des échos aujourd'hui.
L'armée rouge occupe la Bessarabie et la Hongrie réclame la Transylvanie. le général Antonescu est au pouvoir. Carol II abdique en faveur de son fils de 19 ans, Michel 1er. Antonescu s'entoure des plus extrémistes dont Stefan qui déverse sa haine : « Des juifs partout, des métèques en veux-tu, en voilà, tout ce petit monde occupé à nous manger la laine sur le dos. »
L'inévitable est en route. On a souvent parlé de Shoah par balles en Europe de l'est mais là ce sont les Roumains eux-mêmes qui massacrent les juifs avec la complicité des nazis. Aux côtés d'Eugenia, j'ai ressenti toute l'horreur du pogrom de Jassy qui vit périr 13 266 personnes dont 40 femmes et 180 enfants.
Après avoir ajouté qu'Eugenia nous emmène aussi avec la Résistance roumaine, il faut dire aussi que ce livre fait rencontrer Curzio Malaparte, journaliste et écrivain italien qui a détaillé dans Kaputt beaucoup d'horreurs commises durant la seconde guerre mondiale.

Eugenia : un livre à lire absolument !
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Voilà un petit moment que, malgré quelques coups de coeur, je n'avais pas eu sous les yeux un tel roman. Un de ceux qui dépassent justement les qualificatifs banalisés (c'est vrai, un coup de coeur qu'est-ce que ça veut dire en fait ? On le ressent sur le coup et puis... qu'en reste-t-il quelques semaines plus tard à part un bon souvenir ?), un de ceux qui donnent à réfléchir mais pas seulement. Qui interpellent, qui rappellent, qui dérangent aussi. Je n'avais encore jamais lu Lionel Duroy. C'est le sujet du livre - la Roumanie dans les années 1935 à 1945 - et un article très efficace de Josyane Savigneau dans le magazine Lire du mois de mars qui m'ont conduite en librairie. Reste maintenant à vous donner envie de faire de même...

L'auteur se glisse donc dans la peau d'Eugenia, jeune femme qui, lorsque nous faisons sa connaissance en 1945 tente de retracer par écrit les dix années qu'elle a traversées aux côtés de l'homme qu'elle aimait, le grand écrivain Mihaïl Sebastian qui vient de décéder, victime d'un banal accident de la circulation. Cruelle ironie du sort, lui qui vient d'échapper à la guerre et aux persécutions particulièrement terribles envers les juifs dans cette Roumanie où l'antisémitisme est pratiquement inscrit dans les gènes. Eugenia a d'ailleurs grandi dans une famille où les thèses nationalistes accaparaient les discussions, et pour elle, c'était normal. Jusqu'à ce qu'en 1935, alors lycéenne, elle ne commence à se poser des questions. D'abord sous l'influence de sa professeure de littérature, qui va jusqu'à inviter Sebastian à rencontrer ses élèves alors que les mesures contre les juifs vont déjà à l'encontre de ce type d'initiative. Ensuite en prenant spontanément la défense de l'écrivain face aux étudiants nationalistes venus pour l'agresser et le jeter dehors. Entre 1935 et 1945, nous assistons à l'éveil de la conscience d'Eugenia, amoureuse de Mihaïl mais surtout témoin des atrocités qui agitent le pays sous l'influence des nationalistes, gonflés à bloc par la montée des mêmes courants en Europe et précipités au pouvoir par des généraux opportunistes et admirateurs d'Hitler. Eugenia quitte sa ville de Jassy, devient journaliste à Bucarest, témoin bien impuissant avant de trouver le moyen de se lancer elle aussi dans la lutte armée.

Voilà pour la toile de fond. A partir de là, ce que l'auteur construit est remarquable. Il part du Journal de Mihaïl Sebastian dont les extraits jalonnent le roman et parvient à ressusciter la vie sociale et intellectuelle du Bucarest des années d'avant-guerre tout en montrant la compromission de la plupart des intellectuels roumains, adeptes ou sympathisants des thèses nationalistes et surtout antisémites, n'hésitant pas à les afficher sans vergogne devant leur "ami" Sebastian. Il revient sur l'incroyable terreau renfermé par ce pays dont il retrace également les principaux événements historiques parmi lesquels il tente de trouver des explications - "De tous les peuples d'Europe, les Roumains, si fiers de leur sang, sont ceux qui haïssent le plus les juifs. Pourquoi ? Que viennent toucher les juifs de si douloureux dans le coeur des Roumains ? Je ne sais pas." Des idées si bien ancrées qu'il ne se trouvera personne pour s'opposer à l'horrible pogrom de Jassy auquel nous assistons avec le regard d'Eugenia, effondrée de constater le comportement de ses voisins, amis et bien sûr de sa famille. Et puis, Lionel Duroy pose la question du rôle de l'écrivain au milieu de tout ça, en le comparant également à celui du journaliste. de Sebastian qui lutte pou continuer à créer à Malaparte qui parcourt l'Europe sous la couverture d'un journaliste pour recueillir la matière de son futur roman, quelle expression adopter pour témoigner ?

"Le journalisme est impuissant à rendre compte de notre incroyable complexité car ce qu'on devine d'une personne n'est pas considéré comme une information". Constat amer fait par Eugenia qui fera elle-même l'expérience de la difficulté d'écrire et de livrer avec justesse ses impressions parfois fugaces. Questionnement également sur l'impuissance à éclairer les consciences malgré les écrits, les témoignages en tous genres... Découragement de s'apercevoir que l'on n'apprend malheureusement pas de l'Histoire.

"Qu'étions-nous en train de vivre ? Etait-ce cela qu'on appelait un pogrom ? J'avais beaucoup lu sur celui de Chisinau, en 1903, sans imaginer qu'un tel déchainement puisse se renouveler un jour. Puisque la chose avait eu lieu, qu'elle avait horrifié le monde entier, elle ne se reproduirait plus. Ainsi pensons-nous, nous figurant que l'expérience d'une atrocité nous prémunit contre sa répétition".

Soixante-dix ans après, la question reste d'actualité. Mais le point peut-être le plus important que soulève l'auteur c'est celui de l'angle choisi pour témoigner et rendre compte. Un élément primordial dans le cheminement d'Eugenia d'abord sceptique et réticente face à la théorie soutenue par Mihaïl qui souligne l'importance d'écouter les bourreaux parce que "les victimes émeuvent mais elles ne nous donnent pas les clés de la haine (...). Aujourd'hui (...) c'est le discours des bourreaux qu'il faut faire entendre, celui-là seul peut prévenir le reste du monde de ce qui se prépare ici et peut-être éviter une nouvelle catastrophe".

Avec ce roman, on entre de plein fouet dans la mécanique qui conduit à la haine, une mécanique qui n'est pas l'apanage de quelques monstres mais d'êtres humains qui nous ressemblent. Lionel Duroy n'est pas le premier à le dire mais sa démonstration est d'autant plus forte qu'elle nous fait sentir à quel point la démocratie et la paix sont fragiles. Si on en apprend beaucoup sur l'histoire tumultueuse de la Roumanie, c'est avant tout de l'humanité dont il s'agit. Et pour une lumineuse Eugenia, combien de moutons retranchés derrière la peur de l'autre ou attirés par les sirènes mensongères des promesses nationalistes ?

Heureusement, on croise aussi des personnages enthousiasmants comme le fantasque Prince Bibesco - représentant du cosmopolitisme qui régnait alors à Bucarest - qui nous offre une superbe déclaration d'amour aux juifs "J'aime passionnément les juifs et j'ose espérer qu'ils ne quitteront pas la Roumanie. Je les aime passionnément parce qu'ils éloignent l'horizon. Songez à ce que serait le monde sans eux : une mosaïque de petits peuples à l'esprit étriqué, retranchés derrière leurs frontières et s'adonnant cycliquement à la guerre pour quelques hectares supplémentaires. (...) Je les aime passionnément parce qu'ils incarnent à mes yeux la diversité culturelle et l'immensité du monde quand partout nous nous heurtons à de petits patriotes à béret basque et chemise verte, brune ou noire, dont le grand rêve semble se résumer à nous faire marcher au pas au son de leurs sinistres fanfares."

J'ai du mal à arrêter là tant ce roman est formidable, tant je l'ai parsemé de post-it destinés à me rappeler des passages percutants et propices à réflexion. Voilà certainement le livre qui m'a le plus marquée depuis la rentrée de janvier et restera dans doute un de mes livres de l'année. C'est intelligent, captivant, interpellant, bouillonnant. Un grand roman.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Eugenia, jeune et brillante étudiante en littérature dans la Roumanie d'avant-guerre découvre l'horreur et la violence de l'antisémitisme.
Elle est née à Jassy, ville roumaine proche de la frontière soviétique, ses parents sont commerçants, elle a deux frères, Stefan l'ainé est un activiste nationaliste. Elle revient dans sa ville natale pour couvrir en tant que journaliste le pogrom de juin 1941 ou 13 226 juifs, soit près de la moitié de la population ont été exterminés.
Un roman historique s'appuyant sur des extraits du journal de Milhail Sebastian, écrivain et dramaturge roumain et aussi des extraits de Kaputt de Curzio Malaparte.
Un roman qui interroge sur les haines, la montée des extrêmes, de la violence raciale et comment résister, lutter et en témoigner.
Une belle réussite littéraire mêlant fiction et réalité historique, je veux souligner le travail de recherches de l'auteur, pour moi, une lecture difficile par son contenu mais l'envie de découvrir les oeuvres de Mihail Sebastian entre autre "Depuis deux mille ans".
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Coup de coeur pour ce roman conseillé par Diablotino! Lionel Duroy allie fiction et réalité historique pour construire un roman puissant qui, non seulement rappelle les événements tragiques de la seconde guerre mondiale par le prisme de l'antisémitisme en Roumanie, mais surtout interpelle sur la notion d'engagement,de capacité d'indignation et d'acceptation , sur ce qui peut pousser un peuple à commettre l'horreur.Transversalement L.Duroy sollicite également le lecteur à s'interroger sur de nombreux sujets: le rôle du journaliste, sa posture; sur la relation amoureuse ; sur le rapport à l'écriture; sur le lien filial et ce qui le met à l'épreuve;sur la nécessité de se délester du poid familial pour exister en tant que sujet libre et ce qui en est alors de l'ambivalence entre l'amour persistant malgrès les profonds désaccords...
J'ai été touchée par Eugénia, personnage qui prête à l'identification parce que l'auteur nous permet d'investir son histoire tant par le biais de ses émotions que de sa réfléxion. J'ai suivi la métamorphose d'une jeune fille timide, naïve et qui ne s'etait jamais autorisé un autre regard sur le monde que celui posé par ses parents puis à l'éclosion de sa prise de conscience brutale d'un monde injuste et même barbare qui ébranle ses fondations.J'ai vécu avec elle l'indignation et la révolte mais aussi l'admiration pour des êtres, des rencontres qui vont la révéler à elle même et l'amener progressivement à dénoncer, prendre parti puis passer à l'action "si la guerre finit un jour ,nous traînerons cette indignité durant des décennies...Je me suis enfin décidée à admettre que nous ne sommes pas là pour vivre à tout prix, je veux dire , à n'importe quel prix."La 4ème de couverture souligne le besoin d'Eugenia de comprendre l'origine du mal et elle est , en effet, animée de cette volonté de creuser l'information, de passer de l'événement collectif à l'acte individuel,elle ne peut tolérer que le journalisme s'interdise l'introspection ou,pire encore, travestisse la réalité.Elle veut comprendre, fouiller, parvenir au coeur même de ce qui motive le passage à l'acte. Pourtant, je me demande si au delà de cette quête de l'origine du mal, il n'y a pas avant tout, le besoin vital de redonner visage humain au monstre qu'on a croisé...Le besoin de croire,pour accepter de faire encore partie des Hommes,que l'être ne se résume pas à l'acte et que derrière ce qui est abjecte se cache une histoire , des valeurs qui sans l'en excuser expliquent l'acte irréparable.Elle déploie son énergie à tenter d'accéder au paradigme "du bourreau" afin de donner du sens à ce qui l'a fait déraper.Elle veut parvenir à maîtriser sa répulsion pour se donner une chance de dépouiller le sujet sensible de sa carapace de tortionaire.Il me semble, en effet, qu'elle se dirrige de plus en plus vers cette nécessité ,qu'elle ne peut se résigner à accepter qu'il n'y ait rien d'autre que la cruauté pour expliquer les faits .Sa démarche ultime est d'ailleurs de tenter d'entendre des regrets."Ce qui m'interresse,c'est de savoir si à un moment vous avez éprouvé des regrets,si les scénes dont vous avez été témoin vous ont empêché de dormir certaines nuits..."Comment croire en l'humanité si cet espoir n'est plus permis? Merci beaucoup Diablotin pour ce prêt et merci L.Duroy pour ce magnifique roman!
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Tout a été dit dans les chroniques précédentes, je n'en ajoute pas une supplémentaire.
En revanche, je veux dire à quel point ce livre m'a bouleversée.
Je ne connaissais pas cette page d'Histoire de la Roumanie.
J'ai lu jusqu'à l'écoeurement ce dont l'être humain est capable.


"Ce furent les journées les plus bestiales de l'histoire de l'humanité"

Constantin Balmus
Un regret : que ce roman n'ait pas été écrit par une Roumaine.
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Un superbe roman. A lire pour plusieurs raison, l'écriture romanesque est très belle, du moins la traduction est excellente.Les personnages sont fort subtils et attachants. Ils ont suffisamment de complexité sans complications inutiles. Et surtout ils se situent dans une Roumanie des années 30 qui va basculer dans un fascisme glaçant, et qui à le lire maintenant donne plus qu'envie de se réveiller et se méfier a minima des mouvements populistes et racistes. C'est de plus une mine de renseignements sur l'Histoire de la Roumanie et sur cette plaie de l'humanité qu'est l'anti sémitisme.
L'héroîne prinicipale Eugénia, et d'autant plus intéressante qu'elle a grandi dans une famille banale de commerçants roumains anti sémites comme on respire... Et qu'elle va évoluer , changer son point de vue mais aussi connaître l'amour et devenir une jeune femme très courageuse.
Un roman très bien mené et passionnant.
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Eugénia étudiante, puis journaliste, puis résistante, amoureuse d'un écrivain juif, nous fait découvrir à travers son histoire de vie, l'Histoire mouvementée et tragique de la Roumanie durant la deuxième guerre mondiale et au-delà.
La Roumanie était encore un Royaume avec Carol II pour roi, les juifs ont obtenu la nationalité roumaine, la Grande Roumanie est amie de la France et de l'Angleterre, a agrandi son territoire avec de nouvelles provinces. Puis apparait le nazisme en Allemagne, le mouvement légionnaire en Roumanie, et la xénophobie. La dictature Carliste est mise en place, la Roumanie perd des provinces, s'allie à l'Allemagne, des pogroms ont lieu, entre autre celui de Jassy le 27 juin 1941. Celui-ci est décrit dans le livre par l'auteur, sous différentes approches, historique, mémoire, traumatisme, blessures, enquêtes, relations familiales, regards de la population, des politiques, des résistants, des communautés juives, fausses informations ; le thème de la guerre est aussi traité sous ces diverses approches, ce qui fait la richesse de ce livre.
Son récit est fortement ancré dans la réalité historique. Son ami Mihail Sebastian, est un écrivain juif roumain décédé en mai 1945 d'un accident de voiture, ce qui était semble-t-il courant à cette époque et dans ce pays pour éliminer les agitateurs.
De plus il nous fait réfléchir à l'avenir de notre planète en ces périodes de grandes violences, réfugiés, élus politiques très conservateurs, dérèglements climatiques, disparition des espèces…
Eugénia veut enquêter sur le pogrom de Jassy, mais elle souhaite aborder l'enquête sous un angle nouveau, et interroger les bourreaux, elle aimerait sentir du regret, du remord et de la honte, de la culpabilité, comprendre pourquoi ils ont fait cet acte, comment ils ont été capable d'une telle sauvagerie, mais rien de cela ne va arriver.
Merci encore au blog « Cousines de lectures » pour ce partage nécessaire.
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Moi, qui déteste le livres qui parlent de la guerre, je me suis prise au jeu par ce magnifique roman, qui raconte la Roumanie fasciste, mais ainsi l'histoire d'amour d'Eugenia. C'est un roman qui fascine et dont on sort avec la conviction que on a lu une grande oeuvre.
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« Mihail est mort hier, le 29 mai 1945, renversé par un camion. » (p. 9) Lorsque Eugenia apprend la mort de Mihail Sebastian, un écrivain d'origine juive, ayant réellement existé, elle décide de raconter son histoire et celle de son pays : la Roumanie. Elle a aimé cet homme d'un amour éperdu, acceptant ses silences, ses absences et les sentiments indéfectibles qu'il éprouvait pour Leny Caler, une actrice. Elle l'a connu lorsqu'il a été invité, en 1936, par sa professeure de littérature ; il était venu présenter son roman : Depuis deux mille ans. Eugenia avait dix-huit ans.

Cette rencontre a changé le regard de l'étudiante. A la fin de la séance, des garçons ont envahi la salle. Ils étaient armés de bâtons. Elle a reconnu des amis de son frère. Ils ont insulté et battu l'écrivain. L'indignation de sa professeure a ouvert les yeux d'Eugenia « sur une vérité, ou plutôt un mensonge appris dès la petite enfance, à savoir que les Juifs étaient des êtres à part dont la vie n'avait pas le même prix que la nôtre. » (p. 39) Élevée dans une famille antisémite, elle comprend qu'elle a été aveuglée.

La réaction de Mihail Sebastian la déstabilise : il prend, avec humour, le déchaînement de violence dont il est la cible. Il cite une phrase de son livre : « Je voudrais être antisémite pendant cinq minutes pour sentir en moi un ennemi à supprimer. » (p. 52) Quand Eugenia deviendra journaliste, cette considération imprégnera son travail. Témoin du pogrom de Jassy (sa ville natale), elle tentera de pénétrer dans l'esprit de ceux qui ont massacré leurs voisins parce qu'ils étaient juifs. Les descriptions des évènements provoquent la douleur et la révolte. J'ai été très émue.

Dans cette foisonnante fresque historique, Lionel Duroy retrace dix ans de l'histoire de la Roumanie. Il décrit la montée de l'antisémitisme, l'attitude du pouvoir et de la population pendant la Seconde Guerre mondiale, la résignation du peuple juif et les exactions dont il était victime en s'attardant sur la tragédie de Jassy. J'ai été horrifiée par les crimes commis au nom de la haine de l'altérité. L'auteur montre aussi le positionnement vacillant des Roumains : l'Allemagne était le bourreau et le sauveur potentiel, une victoire soviétique évoquait l'espoir et la peur. J'ai été admirative de l'angle choisi par l'auteur, à travers le personnage d'Eugenia. Elle condamne, mais elle cherche à comprendre, pour expliquer et avoir des armes pour lutter, afin que l'horreur ne se reproduise plus. Cette manière de relater les faits m'a remuée.

J'ai été bouleversée par ce roman.

Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Ce roman passionnant traite de la Roumanie avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors que le fascisme triomphe en Europe. On apprend beaucoup sur cette période à-travers le regard d'Eugenia, jeune femme issue d'une famille profondément antisémite, comme la plupart des Roumains de cette période. Eugenia l'est également, juste avant son amitié avec un de ses professeurs, femme d'une grande justice. Ce professeur va faire venir au lycée un grand intellectuel roumain, mais qui est Juif. Sa venue va créer des actes de violence au sein du lycée, organisée par des membres de la Légion de la garde de Fer, parti fasciste roumain, et dont un des frères d'Eugenia est un des organisateurs. Cet événement et cette rencontre va profondément bouleverser Eugenia, qui va totalement changer de point de vue.
Un très beau roman, passionnant et instructif à la fois ! On apprend également la situation complexe de la Roumanie durant la Seconde Guerre Mondiale, tiraillée entre deux extrémismes : le communisme de Staline, et l'Allemagne d'Hitler. Vraiment à découvrir !
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