AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,81

sur 1051 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
«Le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation.
Comme tout un chacun mais sans trop y croire, Anthime s'y attendait un peu mais n'aurait pas imaginé que celle-ci tombât un samedi.»

Maîtrise et précision, un roman sobre, épuré à l'extrême et d'une grande pudeur qui concentre toutes les réalités de la Grande Guerre. Avec peu de mots, Jean Echenoz retranscrit ce qui passait à ce moment-là, donne des détails sur les déplacements des troupes, leurs équipements, et la vie quotidienne des soldats et de ceux, en retrait, non mobilisés, restées dans ce village vendéen, il raconte la vraie vie. Il resserre L Histoire, et se concentre davantage sur l'espace et les objets, en en délivrant une description précise, retranscrit très peu les horreurs de cette monstrueuse énormité, ne convie pas l'ennemi et s'attarde peu sur la psychologie des personnages.

«Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas l'opéra, même si, comme lui, c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui ça fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux.»

La violence de cette guerre, sa monstruosité sont présents dans le récit, mais ne le composent pas; ils passent furtivement tels des obus fusants.

«Canon tonnant en basse continue, obus fusants et percutants de tous calibres, balles qui sifflent, claquent, soupirent ou miaulent selon leur trajectoire, mitrailleuses, grenades et lance-flammes, la menace est partout.»

La concision opérée par Jean Echenoz produit son effet. Il tourne en dérision cette guerre de part son minimalisme et son écriture fluide et précise. Il nous donne à voir les absurdités de la guerre, sa vision personnelle de cette époque, fait défiler devant nos yeux des petites scènes de guerre isolées, décrit les lieux et les espaces, embarque aisément le lecteur dans cette aventure ...et c'est d'une beauté que je n'aurais pu soupçonner autour d'un si lourd sujet.

«Il règne une drôle d'ambiance disharmonieuse dans cette chambre pourtant si calme et bien rangée. Sur son papier peint fleuri et légèrement décentré, des cadres enserrent des scènes locales – barges sur la Loire, vie des pêcheurs à Noirmoutier- et les meubles témoignent d'un effort de diversité forestière tel un arboretum: bonnetière à miroir en noyer, bureau en chêne, commode en acajou et placages de bois fruitier, le lit est en merisier et l'armoire en pitchpin. Drôle d'atmosphère, donc, dont on ne sait si elle tient à la disjonction -inattendue dans une maison bourgeoise en principe soigneusement tapissée- des lais de ce papier peint passé dont les bouquets fanent en mesure, ou à cette surprenante variété mobilière de bois; on se demande comment des essences si diverses peuvent s'entendre entre elles. Et puis, on le sent très vite, elles ne s'entendent pas bien du tout, elles ne peuvent même pas s'encaisser.»

Le chapitre 12 est surprenant; il se compose d'une liste de tous les animaux qui entourent les soldats, ceux réhabilités dans l'assiette, ceux promus aux tâches guerrières, et puis ceux, qui ne représentent que des parasites destructibles, en tête de liste les rats et les poux. À savourer sans modération !

Si le coeur vous en dit, n'hésitez pas à ouvrir ce petit livre, les destins de Blanche, la seule femme du récit, d'Anthime, doux rêveur et de Charles, son frère, de Padioleau, Bossis et d'Arcenel, des camarades d'Anthime vous attendent.
J'ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir, je vous en souhaite tout autant.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
Commenter  J’apprécie          132
Encore un livre sur la guerre de14 me suis-je dit… Je dois avouer que, malgré tout le talent de l'auteur, ses tout derniers romans m'avaient laissée assez indifférente. Néanmoins influencée par les critiques babeliesques, je viens de finir la lecture de « 14 » et j'ai retrouvé le grand Echenoz. Oui, je suis partie avec ces cinq jeunes gens pour une guerre qui devait être brève et j'ai vécu avec eux l'enfer. Grâce à une écriture sans faille, une retenue qui rend les rares scènes de violence encore plus terrifiantes, un humour discret mais bien présent qui permet de prendre un peu de recul, il nous offre un livre inoubliable sur un sujet tant de fois ressassé dans la littérature.

Commenter  J’apprécie          130
Echenoz part d'une balade à vélo, une balade bucolique ; le tocsin sonne, nous arrivons sur la place où toute la population est rassemblée « Tout le monde avait l'air très content de la mobilisation : débats fiévreux, rires sans mesure, hymnes et fanfares, exclamations patriotiques striées de hennissements ». La joie, l'impatience sont palpables, on verra ce qu'on verra !
L'attente commence pour les 5 vendéens : Anthime, Padioleau, Bessis, Arcenel se retrouvent à la caserne, ainsi que Charles, sous-directeur de l'usine où Anthime est comptable. Puis vient le moment d'aller au front, d'affronter l'ennemi. Tous ne reviendront pas. Echenoz résume fort bien cette connerie cruelle : « Tout cela ayant été décrit mille fois, peut-être n'est-il pas la peine de s'attarder encore sur cet opéra sordide et puant. Peut-être n'est-il d'ailleurs pas bien utile non plus, ni très pertinent, de comparer la guerre à un opéra, d'autant moins quand on n'aime pas l'opéra, même si, comme lui, c'est grandiose, emphatique, excessif, plein de longueurs pénibles, comme lui ça fait beaucoup de bruit et souvent, à la longue, c'est assez ennuyeux. »

Dans ce livre, pas de grandes envolées lyriques, pas de longues descriptions mais du quotidien, du palpable. Nous suivons la guerre à travers Anthime. « de fait, Anthime s'est adapté. Ne se fût-il pas adapté, d'ailleurs, eût-il montré du mal à supporter les choses et voulu le faire savoir, la censure du courrier n'aidait pas trop à ce qu'on se plaignît. Oui, Anthime s'est plutôt vite fait aux travaux quotidiens de nettoyage, de terrassement, de chargement et de transport de matériaux, aux séjours en tranchée, aux relèves nocturnes et aux jours de repos. » En peu de mot, beaucoup est dit.

Dans le chapitre 7, Jean Echenoz écrit : « Propulsons-nous vers cet insecte : à mesure qu'on l'approche, il grossit peu à peu jusqu'à se transformer en petit avion, biplan biplace de modèle Farman F37 Mené par deux hommes, un pilote et un observateur assis l'un derrière l'autre dans des fauteuils bruts, à peine protégés par deux pare-brises rudimentaires. » Il ne reste plus qu'à lancer la caméra de notre imagination et on voit le ballet mortel s'engager entre cet avion et l'appareil orné de la croix de Malte.

Dans un entretien, Jean Echenoz raconte comment l'idée de ce livre lui est venue en trouvant les carnets d'un combattant dans une malle. Il décrit les choses comme on les note dans son cahier « son havresac, modèle as de carreau 1893 et dont l'infrastructure était un cadre en bois couvert d'une enveloppe de toile épaisse du vert wagon au brun cachou ».

C'est un livre court mais puissant, dense, bouleversant, concret. En peu de mot, il démarre notre caméra mentale pour un voyage dans l'enfer du quotidien de la guerre. Un superbe livre, je ne me lasse pas de la belle écriture de jean Echenoz.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
Commenter  J’apprécie          130
" le tocsin, vu l'état présent du monde, signifiait à coup sûr la mobilisation."
Dans "14", Jean Echenoz nous fait revivre le premier conflit mondial à compter du fameux jour d'août 1914 où le tocsin annonçait la mobilisation générale jusqu'à la dernière bataille en passant par les combats dans les tranchées, les conditions de vie du combattant, ses états d'âme," les fusillés", les blessés, les morts...la vie qui continue.
Anthime et Charles partent ensemble. Charles, malgré son "piston" ne reviendra pas.
En compagnie de Bossis,Padioleau,et Arcenel, Anthime va au devant de son destin de manchot.
Un roman témoignage que j'ai aimé et que je recommande à tous, comme un rappel de mémoire.
Commenter  J’apprécie          130
14 est un livre qui raconte la guerre par le détail ... des détails qui tuent.
Un regard original, de l'émotion jusque dans les virgules et les points, Jean Echenoz est pour moi une des plus belles voix de la littérature contemporaine.
Commenter  J’apprécie          130
Les romans de Jean Echenoz s'amincissent et se densifient d'année en année. Ils n'en acquièrent que plus de puissance et d'intensité. La clé en revient à ces mots, ce rythme, si particulier qui donnent, dès les premières lignes, le ton si reconnaissable de l'ensemble de son oeuvre. La concision produit ici des merveilles d'efficacité, tant les images surgissent, se bousculent, s'entrechoquent, suscitées par une habile parcimonie de moyen, mais épaulées par l'imaginaire collectif de cette Grande Guerre qu'on a tous en tête. Reviennent alors, pêle-mêle, ces cartes postales colorisées, les scènes atroces mille fois reconstituées, les absurdes tenues empoussiérées dans nos musées. Sur tout ceci, Jean Echenoz ne s'appesantit pas ; il l'évoque brièvement mais diablement efficacement pour mieux resserrer son propos sur ses personnages, dont la destinée individuelle émeut, au fond, plus que la collective.
Commenter  J’apprécie          130
Je lis ce livre un peu sur le tard et je tenais à en rendre compte. Roman poids plume (120 pages peut-être) mais à la précision et à l'émotion inversement proportionnelle. L'écriture est ciselée, précise, économe mais superbe. Je ne vais pas rentrer dans le détail de l'histoire mais l'auteur réussit à dire la grande histoire à partir de petits détails. Ce n'est pas un roman spectaculaire mais un livre d'écrivain à l'écriture attentive et qui donne beaucoup de plaisir sur chaque phrase. Il suffit parfois d'une ou deux phrases pour donner vie à des situations ou évoquer des émotions complexes. Bravo.
Commenter  J’apprécie          120
14 : petit 1, petit 4 ; petit titre, texte court de Jean Echenoz, un parcours en 15 stations qui s'adresse à nous qui croyons tout connaître de la der des ders.

Jean Échenoz décrit mieux que personne la longue grande guerre dans une partition précise : elle naît au ras du sol, descend dans ses tranchées et parfois se fourvoie dans l'enfer des horreurs humaines avant de remonter sa portée jusqu'à un coin de ciel : Jean m'arrache un sourire par quelques mots glissés en toute fin de chapitres, un fil qui suspend la sidération.

Pourtant, je tourne les pages comme il compte les morts… Tout est clair, grave, effrayant.
Les images se tissent dans les correspondances entre le front où se défont les hommes et l'arrière où les femmes s'affairent : un pays tout entier vit là, dans mes mains, dans un temps où il montre à quel point même l'amour a du mal à surgir.
Mais quand il le peut, c'est comme un rond dans l'eau : son onde aussitôt se propage.

Lien : https://pecayral.fr/14-jean-..
Commenter  J’apprécie          120
On citera sans mal cent livres sur la guerre de 14, dont beaucoup sont des chefs d'oeuvre, et certains encore mieux que cela, tenez Voyage au bout de la nuit : tout de même, LE Voyage. Céline, forcément.

D'où nous vient alors, l'ayant lu et relu, le sentiment que 14 s'en approche et qu'écrivant cela on se sente en pleine possession de ses facultés, prêt partout à le clamer, à le défendre ?

De ceci : qu'Echenoz, à la manière d'un Vermeer, réduisant le volume des canons et le nombre de tranchées, a ramené les lumières déchirantes de ce chaos total à une poignée de pages comme le maître flamand la vie à des toiles de petit format, 24.5x21, relatant la vie de cinq hommes et quatre ans (3+1) en 124 pages, toutes miraculeuses, où tout est dit avec une délicatesse infinie et décalée, de l'horreur et du dérisoire, du près et du loin, de l'enfer du front et de l'envers de l'arrière.

Du majuscule à la miniature : avec 14, Jean Échenoz fait oeuvre de magicien. Ce roman, qui en est à peine un, devrait être enseigné en cours d'histoire dans les collèges. Avec Échenoz, less is more. And Small is (so) beautiful.
Commenter  J’apprécie          121
J'ai trouvé ce livre court incroyablement riche et évocateur. En très peu de pages Echenoz parvient à nous faire sentir bien plus de choses sur une période sur laquelle on arrive tous chargé d'images que tant de livres plus bavards !
L'un des plus beaux livres que j'ai lu sur cette période.
Commenter  J’apprécie          120




Lecteurs (2432) Voir plus



Quiz Voir plus

Douze romans de Jean Échenoz: le bon titre

« C’est un scandale », dit Caine, « c’est la preuve que l’on n’est jamais arrivé à concilier le temps et l’espace.»

L'Américain de Greenwich
L'Amérindien de Greenwich
Le Maire indien de Greenwich
Le Méridien de Greenwich

12 questions
48 lecteurs ont répondu
Thème : Jean EchenozCréer un quiz sur ce livre

{* *}