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3,82

sur 1050 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je lis ce livre un peu sur le tard et je tenais à en rendre compte. Roman poids plume (120 pages peut-être) mais à la précision et à l'émotion inversement proportionnelle. L'écriture est ciselée, précise, économe mais superbe. Je ne vais pas rentrer dans le détail de l'histoire mais l'auteur réussit à dire la grande histoire à partir de petits détails. Ce n'est pas un roman spectaculaire mais un livre d'écrivain à l'écriture attentive et qui donne beaucoup de plaisir sur chaque phrase. Il suffit parfois d'une ou deux phrases pour donner vie à des situations ou évoquer des émotions complexes. Bravo.
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Comme quoi il n'est pas besoin d'un livre fleuve ni de multitudes de discours pour parler de l'horreur absolue que fut la guerre des tranchées, et que sont toutes les guerres. Tout est dans la façon de traiter le sujet, l'écriture précise, crue, violente, qui va droit au but, et ce style dont Jean Echenoz a le secret.
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Défi ABC 2023-2024
14: tout est dit dans la brièveté du titre. Sans effets oratoires. Les faits. le tocsin. le brut. le vacarme. L'horreur. Brute. La guerre par les mots, par les phrases, par les faits à l'enchaînement implacable. Cent ans après, un livre essentiel, dépourvu du lyrisme qui met à distance l'épouvante: bouleversant.
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14 : petit 1, petit 4 ; petit titre, texte court de Jean Echenoz, un parcours en 15 stations qui s'adresse à nous qui croyons tout connaître de la der des ders.

Jean Échenoz décrit mieux que personne la longue grande guerre dans une partition précise : elle naît au ras du sol, descend dans ses tranchées et parfois se fourvoie dans l'enfer des horreurs humaines avant de remonter sa portée jusqu'à un coin de ciel : Jean m'arrache un sourire par quelques mots glissés en toute fin de chapitres, un fil qui suspend la sidération.

Pourtant, je tourne les pages comme il compte les morts… Tout est clair, grave, effrayant.
Les images se tissent dans les correspondances entre le front où se défont les hommes et l'arrière où les femmes s'affairent : un pays tout entier vit là, dans mes mains, dans un temps où il montre à quel point même l'amour a du mal à surgir.
Mais quand il le peut, c'est comme un rond dans l'eau : son onde aussitôt se propage.

Lien : https://pecayral.fr/14-jean-..
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Samedi 7 août 1914. Mobilisation générale. Bien sûr, on s'y attendait un peu mais pour Anthime, qui la veille roulait encore à vélo dans la campagne vendéenne, ce fut quand même soudain de se retrouver avec ses 4 camarades dans un train qui montait vers le nord. Et même si au départ, ils s'attendaient à ce que ça ne dure pas longtemps, il apparaît vite que la guerre va s'embourber, au propre comme au figuré.

Très petit par sa taille, 14 compense par la précision balistique de son vocabulaire. Saviez-vous que la cheviotte est la laine faite à partir de la tonte des moutons cheviot? Ou que la cervelière n'a été utilisée que quelques mois tant elle était impraticable? Moi non plus. Cette description si précise des petits détails de la grande guerre - avec nombres inventaires à la Prévert - permet de mettre une certaine distance entre les lecteur·rices et les atrocités vécues, aidée en cela par une légère touche d'humour et de fatalisme. Cela peut déplaire, ce manque de pathos mais pour moi, c'est ce qui fait la force de ce récit implacable. Une très belle trouvaille dans la boîte à livres!
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La 4eme de couverture est sobre, 5 hommes( Anthime, Charles son frère, sur de lui et de son avenir industriel, Padioleau, Bossis, Arcenel, des camarades de pêche) sont mobilisés au son du tocsin pour faire la guerre 14-18. Une femme enceinte de Charles, Blanche Borne, fille unique de l'industriel de l'usine Borne-Sèze attendra son retour .
La fièvre patriotique anime la Vendée, d'où ils sont originaires, et cette affaire de 15 jours tout au plus (car Dieu était avec les Français, ne l'oublions pas) , va très vite se calmer et faire douter les ardeurs combattantes.
C'est ce que nous montre Jean Echenoz illustrant en quelques mots précis l'impréparation, la logistique défaillante, les commandements dépassés, bref... Ça va se transformer en bourbier.
Et puis, ce sont les tranchées, les obus par milliers de tonnes, les gaz assassins, une tuerie de masse, la peur, la mort, la folie, la fin de l'humanité dans ces trous à rats puant le vomi, la merde, la décomposition des cadavres, envahis de poux parasites, et cette idée de tout abandonner...
En peu de mots, 124 pages, Echenoz réussit admirablement à nous faire partager les destins de ces jeunes gars qui incarnent évidemment le sort des ces poilus et ce qu'on sait de cette infâme guerre (pour les profits d'industriels).
La langue d'Echenoz est belle, posée et directe à la fois, avec ce recul nécessaire sur le cheminement dramatique. Cette qualité d'écriture nous implique, lecteurs : juger la guerre et ses horreurs, démystifier le patriotisme cocardier boosté par le clergé catholique, dénoncer le mépris, la morgue, des officiers qui amenèrent ces jeunes à se faire massacrer pour l'honneur et la patrie pas très reconnaissante.
C'est, pour moi, un livre qui a sa place au panthéon des listes sur la guerre 14-18.
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Échenoz, encore et encore... Les 2 pieds et les 2 mains dans l'humain et la pâte littéraire… Un régal de lecture… On ne se lasse pas de cette jubilation d'écrire et de jouer avec les mots et le lecteur… Jusqu'à satiété et encore meilleur réchauffé à la deuxième lecture...
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Je ne connaissais pas Jean Echenoz, pourtant, je me suis arrêtée sur ce titre, « 14 », qui faisait tristement écho à l'actualité de ce week-end avec les commémorations du 11 novembre 1918. Après la lecture des billets de Martine (enjie77) et Anna (AnnaCan), j'ai eu envie de replonger dans l'histoire de la première guerre mondiale.

*
Ce court livre d'une petite centaine de pages m'a surprise par le style indirect utilisé. Magnifiquement écrit, il ne s'appuie pas sur le contexte historique, ni sur les douleurs psychologiques. Il se concentre sur le destin de cinq jeunes hommes d'un même village de Vendée qui ensemble, vont quitter leur vie tranquille et découvrir la guerre.
C'est avec beaucoup de pudeur que Jean Echenoz esquisse les différents destins d'Anthime, Charles, Bossis, Padioleau, Arcenel. Ils sont comptable, sous-directeur d'usine, équarrisseur, boucher, bourrelier, et du jour au lendemain, un fusil à la main, ils deviennent des soldats, envoyés en première ligne des zones de combat.

« J'ai faim, geignait donc Padioleau, j'ai froid, j'ai soif et puis je suis fatigué. Eh oui, a dit Arcenel, comme nous tous. Et puis je me sens aussi très oppressé, a poursuivi Padioleau, sans compter que j'ai mal au ventre. Ça va passer, ton mal au ventre, a pronostiqué Anthime, on l'a tous plus ou moins. Oui mais le pire, a insisté Padioleau, c'est que je ne sais pas trop si je me sens oppressé parce que j'ai mal au ventre (Tu commences à nous emmerder, a fait observer Bossis) ou si j'ai mal au ventre parce que je me sens oppressé, vous voyez ce que je veux dire. Fous-nous la paix, a conclu Arcenel. »

L'écriture de Jean Echenoz est très visuelle. En quelques, mots, il transmet beaucoup, sous forme d'images qui s'incrustent dans notre esprit. J'ai vraiment eu l'impression de diriger mes pas, avec eux, vers l'Est de la France, de saisir l'horreur de leur quotidien dans les tranchées.

Pourtant, tout commence par une promenade en vélo, interrompue par le chant du tocsin. Ces premières pages sont magnifiques, avec une image qui perdure, celle de ce livre tombé du vélo, ouvert à une page qui annonce, comme une prophétie, les millions de morts et de blessés à venir.

« Anthime s'en aperçût, le gros livre est tombé du vélo, s'est ouvert dans sa chute pour se retrouver à jamais seul au bord du chemin, reposant à plat ventre sur l'un de ses chapitres intitulé Aures habet, et non audiet. » (« Ils ont des oreilles et n'entendent pas »)

Pourtant, tout débute par des scènes de joie, de rires, d'hymnes et de fanfares. Naïfs, ils partent au front dans les Ardennes, comme s'ils allaient vivre une expérience divertissante de courte durée.

« … c'est l'affaire de quinze jours tout au plus… nous reviendrons tous en Vendée. »

Mais la dure réalité de la guerre va vite les rattraper.
Et le lecteur est là aussi, au milieu des combats, impuissant, perdu, bouleversé. Les mots de l'auteur, simples, justes, sans effet de style, frappent, nous renvoyant l'image de ces combats meurtriers, des explosions d'obus dans les tranchées, des corps sans vie, déchiquetés et au-delà de tout ça, on ne peut que dénoncer encore et toujours l'absurdité de toute guerre.

« C'est peu après avoir fait connaissance avec cet écho de la fusillade qu'on est brusquement entrés en pleine ligne de feu, dans un vallonnement un peu au-delà de Maissin. Dès lors il a bien fallu y aller : c'est là qu'on a vraiment compris qu'on devait se battre, monter en opération pour la première fois mais, jusqu'au premier impact de projectile près de lui, Anthime n'y a pas réellement cru… Puis on leur a crié d'avancer et, plus ou moins poussé par les autres, il s'est retrouvé sans trop savoir que faire au milieu d'un champ de bataille on ne peut plus réel. D'abord avec Bossis ils se sont regardés, Arcenel derrière eux rajustait une courroie et Padioleau se mouchait dans un tissu moins blanc que lui. Ensuite il a bien fallu s'élancer au pas de charge cependant que paraissait à l'arrière-plan, dans leur dos, un groupe d'une vingtaine d'hommes qui, le plus paisiblement du monde, se sont disposés en rond sans apparent souci des projectiles. C'étaient les musiciens du régiment dont le chef, sa baguette blanche dressée, a fait s'élever en l'abattant l'air de la Marseillaise, l'orchestre envisageant d'illustrer vaillamment l'assaut. »

L'auteur reste discret sur l'horreur des scènes de guerre, il ne s'attarde pas non plus sur les corps mutilés. le lecteur n'a pas besoin de cela pour réaliser que ces hommes n'étaient pas des héros, mais de simples hommes, comme vous et moi, des hommes souvent très jeunes non préparés à vivre l'enfer.
De la chair à canon, voilà ce qu'ils étaient.

« On s'accroche à son fusil, à son couteau dont le métal oxydé, terni, bruni par les gaz ne luit plus qu'à peine sous l'éclat gelé des fusées éclairantes, dans l'air empesté par les chevaux décomposés, la putréfaction des hommes tombés puis, du côté de ceux qui tiennent encore à peu près droit dans la boue, l'odeur de leur pisse et de leur merde et de leur sueur, de leur crasse et de leur vomi, sans parler de cet effluve envahissant de rance, de moisi, de vieux, alors qu'on est en principe à l'air libre sur le front. »

*
Jean Echenoz s'est sûrement beaucoup documenté pour nous décrire le quotidien de ces hommes, de l'insouciance du recrutement jusqu'au dénouement, pour certains tragiques. Il aborde avec retenue mais précision de nombreux thèmes : le désespoir et la solitude de ces hommes, la faim qui les tenaillaient, les conditions d'hygiène déplorables, leur équipement sommaire, les exécutions pour désertion.

"Fusillé par les siens plutôt qu'asphyxié, carbonisé, déchiqueté par les gaz, les lance-flammes ou les obus des autres, ce pouvait être un choix. Mais on a aussi pu se fusiller soi-même, orteil sur la détente et canon dans la bouche, une façon de s'en aller comme une autre, ce pouvait être un deuxième choix."

Jean Echenoz parle aussi de ceux qui sont restés à la maison attendant le retour de leur mari, de leur père, de leur frère, de leur ami, à l'image de Blanche.

*
J'ai trouvé l'écriture de l'auteur puissante dans sa simplicité. Sobre et dépouillée, elle parvient à nous émouvoir tout en transmettant le sentiment que pour survivre, il fallait avancer et laisser ses émotions de côté.

*
Pour conclure, Jean Echenoz réussit à montrer la futilité et le traumatisme d'une des plus grandes guerres de l'histoire, tout en s'attachant à quelques histoires individuelles. En cela, il nous interroge également sur le sens de la vie, la destinée de chacun et la part de hasard.
Son écriture, belle, simple, élégante, dense, parvient, avec une distance feinte, à dire beaucoup en peu de mots.
Une véritable prouesse d'écriture.

*
Merci Martine, Anna pour cette très belle lecture.
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Sur les conseils d'Anna, après l'Acacia, je me suis lancée à la découverte de Jean Echenoz et quelle découverte ! Un choc ! Une stupéfaction devant un tel talent littéraire ! Deux récits à l'écriture diamétralement opposée mais qui sont complémentaires, deux talents, deux lectures exigeantes comme je les apprécie mais deux lectures qui se répondent.

J'ai beaucoup lu sur ladite Grande Guerre (la grande boucherie). Jusqu'à l'âge de huit ans, j'ai eu la chance de pouvoir profiter de mon arrière-grand-père paternel, Victor, morvandiau de son état avec ses bretelles, sa ceinture de flanelle et ses moustaches à la Henri Vincenot. Nonobstant l'amour que je vouais à mes arrières grands-parents, J'ai grandi avec les récits sommaires de cette guerre et j'ai toujours voulu comprendre, lire, m'imprégner au plus près, comme pour mieux me rapprocher de mes arrières grands-parents.
Victor était sur le champ de bataille, Chemin des Dames et Verdun. Pendant tout ce temps, Juliette faisait tourner l'usine du chocolat Menier. Il trône en photo sur mon bureau, fier dans sa tenue de Poilu. Que ce soit un documentaire, un livre, je ne peux le dissocier de ces récits, il ne me quitte jamais avec cette question lancinante « comment ont-ils pu ? » !

Si vous voulez vous sentir propulsé un siècle en arrière en Vendée, si vous voulez entendre sonner le tocsin, lisez Echenoz ! En 124 pages, l'auteur a l'art de vous faire mordre la poussière des tranchées mais aussi de vous faire prendre conscience de ce qu'était le quotidien de monsieur et madame tout-le-monde, pas de héros, pas de faits exceptionnels, simplement des hommes embarqués dans une histoire qui les dépasse et une femme qui attend.

A l'image du titre, l'écriture se veut dépouillée, axée sur le mot juste, parfait, des phrases courtes qui font mouche, qui vous projettent sur le champ de bataille au milieu de l'hécatombe. L'auteur s'attache à mettre en évidence les sentiments, les pensées, les émotions, à hauteur de ces quatre hommes mobilisés et une jeune femme, Blanche, restée en Vendée pour nous immerger dans cette terrible Grande Guerre.

C'est avec enthousiasme qu'ils partent sous les fleurs et les bravo de la foule combattre le boche soit disant pour peu de temps, tout va se régler en deux temps, trois mouvements, une guerre « éclair » en quelque sorte.

J'ai admiré cette écriture élégante, à distance, un peu comme un journal de guerre, écrit au quotidien, à la fois proche, fusionnel mais aussi de loin, comme si je tenais une caméra, et pourtant, les sensations sont là ; la chaleur sous l'uniforme et le casque qui blesse, la vermine, l'odeur de la mort, de l'urine, le (dé) goût du « singe en boite », la lourdeur de l'équipement, son évolution, le perfectionnement des armes au détriment des soldats, et la peur. Tout est précis, concis, jusqu'au retour de l'infirme où le membre amputé continue de faire souffrir.
Echenoz s'est beaucoup attaché au destin de ces quatre amis et de Blanche plus qu'à l'Histoire de la Grande Guerre. de ces 124 pages, derrière un cynisme affiché, une forme de désinvolture, j'entends un questionnement sur le sens, sur la destinée, et un discours à charge contre les officiers, les politiques qui ont sacrifié toute une jeunesse comme le démontre une scène où deux aéroplanes, un Ferman et un Aviatik vont s'opposer : scène exceptionnelle de réalisme avec une économie de mots ! J'en suis arrivée à me demander si Echenoz ne possédait pas « un truc », un petit quelque chose de magique qui puisse donner autant de relief, autant de force, à une écriture aussi minimaliste.

Je vais relire ce livre rien que pour le plaisir d'admirer avec quelle virtuosité Echenoz défie Proust ou Claude Simon ! Quel amour des mots et quelle connaissance pour parvenir à ce qu'un seul mot, à la nuance près, puisse suggérer l'idée tapie dans l'esprit de l'auteur.

Ce qui me fait dire que notre langue française possède un vocabulaire d'une richesse sans fin, qu'elle doit être préservée, respectée et aimée comme seuls de tels auteurs sont à même de nous le démontrer.
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Echenoz je ne l'avais jamais lu.
J'aperçois ce titre "14" en fouillant dans une bouquinerie, l'achète par hasard avec tant d'autres puis après un long repos dans ma bibliothèque, un dimanche, cherchant un roman court pour lézarder au soleil, je me plonge dedans sans conviction.
Et là c'est la claque !
Dans une écriture limpide, à la fois ironique et sensible, Echenoz nous plonge dans le chaos des tranchées à travers les trajectoires tragiques de 5 hommes et une femme.
Un petit bijou d'une centaine de page, digne du Voyage !



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