Roman satirique qu'il ne faut surtout pas prendre au 1er degré sous peine de passer à côté et de ne retenir qu'une ultraviolence gratuite et nauséabonde,
American psycho est surtout le théâtre d'une mascarade sociale.
Drôle, oui, mais noir, trash, sordide, cynique, un peu comme, avant lui, Orange mécanique et le Grand guignol. Cathartique. Édifiant.
Structure spiralaire, répétitive, propos sans intérêt mais abondants, il emporte le lecteur dans un rythme lancinant, hypnotique mais vide.
Et dans ce vide règnent des personnages vains, creux, interchangeables, stéréotypes des golden boys des années Reagan qui vantent l'American Dream et la méritocratie mais ne sont que des pantins de bois. Les descriptions fleuves des vêtements, des bijoux, des cosmétiques, des lieux à la mode, les considérations artistiques du protagoniste sont des trompe l'oeil, les signaux d'une pensée unique qui remplace l'être par l'avoir. Car avant tout, AP est un roman sociologique où les codes régissent le monde en donnant l'impression de cohérence mais révèlent un chaos incarné par P. Bateman, devenu personnage mythique de la pop culture. L'enfant gâté, capricieux, narcissique, égocentrique mais sans repère, grandi sur le terreau puant d'un mode dévoyé. Enfant roi mais roi fou qui s'avoue lui-même préfabriqué et non viable.
Au milieu des tableaux mondains, les déchaînements de violence, le déferlement de pulsions sadiques, gratuites, sitôt commis, sitôt oubliés dont on ne sait jamais s'ils sont réels ou le fruit pourri d'un délire refoulé conçu par un cerveau malade et trop poudré.
Des dialogues qui ne servent à rien, une narration stérile, des descriptions abondantes qui cachent des abimes de vanité et de vacuité qui comme chez
Flaubert, dénoncent l'immobilisme, l'ennui et la mort.
Dans ce monde d'apparences et de possession, tout devient objet, consommable, tout est jetable, tout s'achète et rien ne vaut. Pas même la vie.
Symboliste? Surréaliste ? Néoréaliste? Tout à la fois, plus encore.
Clivant, dérangeant, provoquant, réflexif, repoussant, attractif... Il appelle bien des qualificatifs.
Est-on Classique à 30 ans? Peut-être. Culte, sûrement !