Changement de style pour R.J
Ellory avec
Vendetta. Si "
Seul le silence" baignait dans une atmosphère terrifiante, nostalgique et rurale, nous arpentons ici le bitume et des périodes plus récentes. le vrai personnage du roman est sans doute la Nouvelle Orléans et l'étrange et morbide pouvoir d'attraction qu'elle exerce sur ses enfants. En effet, une espèce de malédiction les tient prisonniers de cette terre lourde, de cette ambiance moite, pesante et fétide qui ne peut déboucher que sur la vengeance et la destruction. le style d'
Ellory s'adapte alors à chacun des retours en Louisiane en devenant lui aussi, dense et touffu comme les bayous, coloré et étourdissant comme le Carnaval. Etrange construction pour ce roman qui nous présente un premier personnage de policier, pour l'abandonner assez vite et s'articuler autour d'un dialogue(plutôt un monologue d'ailleurs) au travers duquel les heures noires de l'Amérique vont défiler. En effet, l'histoire est chevillée au récit que livre un tueur de la Mafia -Ernesto Perez, dont on assiste à l'éclosion monstrueuse- à un obscur fonctionnaire Ray Hartmann, naufragé sentimental. C'est le récit d'une course contre le temps : l'Amérique dont le passé criminel défile (revisites historiques sur lesquelles plane l'ombre de
James Ellroy et de ses personnages fétiches : Giancana, Kennedy, Hoffa...)et qui voit ses vieilles "familles" s'adapter ou disparaître, Ray Hartmann, qui n'aspire qu'à une chose, sauver son foyer et répondre à l'ultimatum que lui a fixé sa femme et enfin, le FBI qui doit retrouver une jeune fille kidnappée. le suspense est admirablement conduit et la qualité d'écriture est peut être encore supérieure par sa sobriété à "
Seul le Silence", tout en réservant encore des passages quasi oniriques, notamment quand le tueur fait corps de manière hallucinée avec la boue de sa terre natale ou celle du Cuba de son père.
Roman formidable pour lequel je ne mets "que" 4 étoiles car il me semble qu'
Ellory traîne encore quelques scories de style emprunté ailleurs (aux plus grands toutefois) et qu'à mon sens, il peut aller encore plus haut. Mais déjà, à cette hauteur, l'air s'est raréfié pour la plupart des écrivains qui encombrent le genre.