Joe est un jeune garçon indien de treize ans.
Treize ans, l’âge où l’on sort de l’enfance mais où on n’est pas encore dans celui des adolescents. En un été, Joe va basculer définitivement dans un autre monde.
Les faits se déroulent au cœur d’une réserve indienne. Joe est fils unique et vit tranquillement entre son père juge des affaires indiennes et sa mère qu’il adore. Mais sa mère est victime d’un crime impardonnable : un viol monstrueux.
Dans la première partie du livre, le garçon révolté va se livrer à sa propre enquête pour découvrir l’identité du monstre qui a brisé la vie de sa mère, désormais prostrée à la maison. Avec son meilleur ami Cappy, mais aussi Zark et Angus, ils forment une bande de quatre copains qui feront tout pour connaître la vérité.
En chemin, ils découvriront l’alcool et l’ivresse, le premier émoi amoureux et surtout le sentiment de colère.
Peut-on parler de justice ? Ou de vengeance ?
Louise Erdrich connaît parfaitement la question indienne. Elle fait du père du Joe un juge démuni face aux contradictions d’un maillage de lois inextricable. Le viol a-t-il été commis en terre indienne ? à l’intérieur ou à l’extérieur de la réserve ? Cela change tout, selon les règles imposées, mais la mère de Joe ne peut pas répondre.
L’auteure mène son histoire sur fond de thriller. Tout y est : la tante Sonja qui est une ex-streap-teaseuse, une mystérieuse poupée qui recèle un bien curieux trésor, un truculent curé – rien que pour découvrir ce personnage, je vous recommande la lecture de cet ouvrage - qui a des méthodes expéditives avec Cappy pour l’obliger à se confesser… Elle se coule dans la peau d’un adolescent avec beaucoup de talent : elle n’a pas son pareil pour décrire les fringales qui happent Joe et ses copains. Ses personnages secondaires sont captivants.
Mais surtout, elle entremêle de vieilles légendes indiennes et la réalité d’une enquête pour viol. Le vieux Mooshum, le vénérable de la famille, les raconte très distinctement dans son sommeil, la nuit, tandis que Joe est couché à côté de lui.
L’action de ce livre se déroule en 1988, mais l’enchevêtrement de lois qui dans les affaires de viol fait obstacle aux poursuite judiciaires sur de nombreuses réserves existe toujours, explique Louise Erdrich dans sa Postface. Le Labyrinthe de l’injustice, un rapport publié en 2009 par Amnesty International, présentait les statistiques suivantes : une femme amérindienne sur trois sera violée au cours de sa vie (…) 86 pour cent des viols et des violences sexuelles dont sont victimes les femmes amérindiennes sont commis par des hommes non-amérindiens ; peu d’entre eux sont poursuivis en justice.
C’est donc un récit superbement mené, basé sur des faits réels mais relaté sous forme de fiction, qui fait penser au meilleur de Jim Harrison ou à Tony Hillerman pour la connaissance des cultures indiennes. Avec un dénouement à la hauteur de la soif de justice qu’éprouve Joe et que Louise Erdrich réussit très bien à nous communiquer
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