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4,08

sur 506 notes
1988 Dakota dans une réserve indienne, une femme est violée .
son mari juge aux affaires indiennes ne peut se saisir de l'affaire car le viol a été perpétré par un blanc.
Son fils Joe, du haut de ces 13 ans, vit cela comme une injustice est va mener l'enquête.
Mais il y à beaucoup de digression chez les différents protagonistes de la réserve et le roman se perd un peu dans les repas casse croute et petits déjeuner ; on passe son temps à manger faire des retours dans le passé de la réserve.
la lecture en devient vite longue et laborieuse
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Un récit très dur à lire tant par son fond que par sa forme.
Les sujets abordés par l'autrice sont multiples et ne donnent pas une très belle image de l'humanité en général et des États-Unis en particulier (viols, meurtres, droits des autochtones bafoués ou inexistants, alcool, violence, racisme, etc.).
Le langage sans langue de bois employé par certains personnages m'a parfois sortie de ma lecture.
Le passé douloureux de la réserve, conté à travers quelques réminiscences, ainsi que le manque de moyens de ses habitants et les tentatives répétées de spoliation lui donne comme une aura de fin du monde.
On vit cette histoire, excepté les récits enchâssés, du point de vue d'un jeune adolescent qu'il n'a pas été forcément facile à suivre parce qu'il est une vraie boule d'énergie, qu'il vit ses premiers émois sexuels, qu'il n'est pas forcément cohérent émotionnellement, qu'il découvre la réalité de sa condition… Tout cela l'éloigne souvent de son désir de vérité et de vengeance et rend le récit parfois confus.
Du coup, j'ai bien failli abandonner ma lecture, mais l'autrice a toujours réussi de manière assez subtile, par une phrase, une ligne de dialogue à me garder motivée pour continuer son récit et en découvrir sa fin douce-amère.
Je sors comme lessivée de cette lecture.
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Magnifique livre, plein de découvertes, de grâce malgré un postulat lourd : le viol d'une mère. Mais tricoter ou détricoter les liens qui unissent quatre adolescents - leurs vies, leurs oeuvres - et qui existent (en ce temps-là) entre les familles indiennes, la pesanteur et la culture de l'alcool, les blancs (pas tous) qui cherchent à tirer profit de ces indiens nigauds... Puis pour ma part j'avais oublié mes jeunes années où j'arpentais la forêt à pied ou en vélo. La lecture de ce livre me les a remémorées avec plaisir.
Et puis la grande découverte de la juridiction spéciale aux réserve, avec juges et polices particulières et comment ses fondements sont injustes, iniques. Quelle érudition dans ce domaine ! Pourtant l'autrice n'est pas juriste elle-même. Quel travail de recherche cela a dû être.
Je sais que ce mot ne nous arrivera pas mais tant pis. Bravo Mme Erdrich !
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Louise Erdrich fait partie des autrices que je m'étais promis de découvrir un jour. Je n'étais pas disponible pour la lecture commune de mes amies HundredDreams, HordeDuContrevent et Nicolak, mais leurs critiques unanimes quant à la note m'ont décidée pour ce livre ci.

Est-ce leurs critiques lues récemment si élogieuses que j'en attendais énormément, est-ce mon contexte personnel qui ne me rendait pas très réceptive à des scènes se passant dans un hôpital, il m'a fallu quelques dizaines de pages pour être conquise, d'où la demi-etoile retirée, mais j'ai ensuite dévoré et apprécié chaque page de ce livre.

Une femme est violée. Cette femme est amérindienne et vit dans une réserve. On ne sait pas exactement où le viol a été commis, et cela a son importance puisque suivant ce lieu, des lois et des juridictions différentes peuvent s'appliquer, ou non. Et le criminel le savait. Et il a soigneusement prémédité l'endroit de son crime pour ainsi échapper à la justice.

Cette femme a un enfant, un fils, adolescent au moment des faits. Un fils qui va devoir soudain grandir, Un fils qui va devoir admettre que la vie ne sera plus jamais comme avant, que ces heures fatales ne pourront jamais s'effacer. Un fils qui va se rebeller devant l'impuissance des juges, un fils qui va mener lui-même l'enquête, prêt à tout pour que sa mère puisse revivre sans craindre à tout instant que son violeur ne l'agresse à nouveau.

C'est un roman magnifique, dans lequel Louise Erdrich peint avec beaucoup de nuances les sentiments qui agitent les personnages et nous transmet grâce à son écriture à la fois puissante et intimiste les émotions qui les traversent. Ce gamin de treize ans m'a profondément émue, lui et tous les personnages qui interviennent dans le roman. Sa famille bien sur, la mère touchée dans son intégrité, son père juge, victime des absurdités de la loi, mais aussi ses amis, avec pages inoubliables sur l'amitié entre adolescents, et tous les autres....
J'ai aimé découvrir un peu plus ce peuple et ces traditions, mais il serait réducteur de penser que ce livre ne vaut que parce qu'il est écrit dans ce cadre. il est beaucoup plus universel que cela.
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Je ne sais pas si je mets 4 étoiles car je pense qu'il les vaut ou car je suis influencée par la note qu'il a.
Je vais plutôt mettre les points positifs et négatifs.
Négatifs :
- je trouve que le sujet de fond nous échappe à nous européens: le viol d'une amérindienne par un homme "blanc". Pour moi, en tout cas, un viol avec tentative de meurtre en plus, c'est juste monstrueusement grave quelle que soit la couleur de peau et c'est a priori jamais suffisamment puni y compris en France
- j'ai du mal à imaginer leur couleur de peau alors que cela semble si important et je dois me rappeler régulièrement que le héros, sa famille et ses amis sont plus ou moins "colorés" et sans doute typés
- le lieu ne me semble pas assez décrit, j'aime les romans qui habitent un endroit et là je n'arrive absolument pas à imaginer la "réserve"
- certains passages ne sont pas très clairs, je me suis demandée si la traduction était conforme

Positifs :
Les personnages sont très attachants, le héros en particulier et la très forte relation fraternelle qu'il vit avec ses 3 amis
Même si l'environnement n'est pas assez bien décrit (selon moi), les rites indiens le sont, le pow wow en particulier. J'ai pu me rendre compte que j'étais très ignorante au sujet des Amérindiens et cela m'a donné envie d'en savoir davantage.
Le roman s'arrête un peu brutalement, je me suis demandée si c'était pour une forme de morale ou car l'histoire racontée était juste terminée ( L'histoire commence avec l'agression de Géraldine la mère du héros).
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C'était mon premier rendez-vous avec Louise Erdrich. Elle fait partie de ces auteurs que je m'étais promise de lire un jour. C'est aujourd'hui chose faite et je ne regrette qu'une chose, c'est de ne pas avoir lu ses livres avant.
J'ai été très sensible à son univers, à son écriture, à son récit intimiste, aux émotions qu'elle transmet simplement à ses lecteurs. Elle donne vie à des personnages justes, réalistes et très touchants.

*
En choisissant comme point de départ de ce roman le viol particulièrement brutal d'une Amérindienne, Louise Erdrich pose un regard sur le problème des crimes sexuels dans les réserves indiennes des États-Unis. On apprend beaucoup sur la juridiction des zones, les lois qui permettent à des hommes de commettre des atrocités sans jamais être inquiétés ni punis.

« Nous voulons le droit de poursuivre les criminels de toutes races sur toutes les terres comprises dans nos limites originelles. »

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En lisant l'incipit, j'y ai vu une sorte de miroir, un reflet du récit à venir.

« Des petits arbres avaient attaqué les fondations de notre maison. Ce n'étaient que de jeunes plants piqués d'une ou deux feuilles raides et saines. Les tiges avaient tout de même réussi à s'insinuer dans de menues fissures parcourant les bardeaux bruns qui recouvraient les parpaings. Elles avaient poussé dans le mur invisible et il était difficile de les extirper. »

Lorsqu'un roman commence ainsi, un père et son fils arrachant les racines d'arbres poussant dans les soubassements de leur maison, cette image forte et très visuelle ne peut que nous faire espérer tenir entre les mains, un magnifique roman, riche en émotions. Cet espoir s'est vu confirmer au fil de ma lecture : le récit est certes poignant, dur, mais il y a des éclats de beauté inattendus, une force poétique dans le récit, dans les mots qui frappent et les émotions qui étreignent.

*
L'autrice, dès les premières lignes, nous plonge dans une atmosphère étouffante, oppressante. Cette impression tenace et douloureuse paraît figer le temps.
La famille Coutts avait toute pour être heureuse jusqu'au jour où, par un doux dimanche de printemps 1988, le drame les frappe durement et leur vie bascule : Géraldine, la mère de Joe, est violemment agressée et violée dans la réserve Ojibwée.

Les cicatrices les plus visibles guérissent avec le temps, mais le viol laisse un profond traumatisme psychologique sur Géraldine qui s'isole des siens et se réfugie dans la solitude rassurante de sa chambre.

*
Avec justesse et sensibilité, Louise Erdrich se glisse dans la peau du jeune adolescent. C'est à travers ses yeux que l'on embrasse le violent bouleversement de son monde. Et l'on voit comment ce crime terrible va bouleverser et transformer sa famille à jamais.
Chacun à leur manière essaie de reprendre pied : Géraldine, autrefois souriante et maternelle, se recroqueville dans la peur et la claustration tandis que le père et le fils tentent d'obtenir réparation et justice en recherchant eux-mêmes le coupable.

Le récit s'approprie différents genres, tout en soignant le fond comme la forme. Ainsi, si l'histoire prend l'allure d'un roman policier ou d'un thriller, Louise Erdrich visite le roman initiatique, tout en nous invitant à pénétrer dans la spiritisme de la culture amérindienne.
Le récit devient très vite prenant, l'autrice disséminant avec subtilité les indices tout au long du récit pour nous faire entrevoir la vérité.

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« de tout mon être, je voulais revenir au temps d'avant tout ce qui était arrivé. Je voulais rentrer dans notre cuisine qui sentait bon, m'asseoir à la table de ma mère avant qu'elle ne m'ait frappé et avant que mon père n'ait oublié mon existence. »

Le monde de Louise Erdrich est tragique, violent, fragile, injuste mais il est également tendre et émouvant. Si la tragédie et la recherche de justice sont au centre de l'intrigue, Louise Erdrich dresse le portrait vibrant d'une famille qui apprend à se reconstruire sur des fondations fragilisées. Les personnages sont superbement bien observés et décrits. Elle les dénude, nous laissant entendre leur peur, leur colère, leur culpabilité, leurs regrets.

« Je me suis allongé par terre, j'ai laissé la peur me recouvrir, et essayé de continuer à respirer pendant qu'elle me secouait comme un chien secoue un rat. »

J'ai aimé la façon dont le père et le fils, si démunis et perdus au départ, vont aider Géraldine à se relever, à reprendre goût à la vie. C'est beau, sincère, émouvant, bouleversant.

« Quand la pluie tiède tombe en juin, a affirmé mon père, et que le lilas s'épanouit. Là, elle descendra. Elle adore le parfum du lilas. Un vieux bosquet d'arbustes planté par le délégué agricole de la réserve fleurissait contre l'extrémité sud du jardin. Ma mère a raté sa splendeur. Les faces frêles de ses pensées ont resplendi et puis les églantiers dans les fossés se sont parés d'un rose naïf. Elle les a ratés aussi. Maman avait semé ses fleurs à massif chaque année, d'aussi loin que je m'en souvienne. Elle disposait ses bacs en briques de lait sur le plan de travail de la cuisine et sur les appuis de toutes les fenêtres orientées au sud, en avril – mais les jeunes plants de pensées étaient les seuls qui avaient survécu pour être repiqués dehors. Après cette semaine, nous avions oublié de nous occuper de tous les autres. Nous avions trouvé les tiges grêles desséchées et craquantes. Papa avait jeté les plants et la terre au fond du jardin et brûlé les fonds de briques de lait avec les ordures, détruisant ainsi les traces de notre négligence. »

Ce que j'ai aussi particulièrement aimé, ce sont les liens familiaux et communautaires très forts, qui vont se resserrer autour de la famille Coutts. C'est toute une dynamique d'entraide, de solidarité, d'amitiés qui va se créer pour les aider, sans voyeurisme ni curiosité malsaine. Ce roman dégage beaucoup d'humanité, de sensibilité et de générosité.

*
Tout le talent de conteuse de Louise Erdrich s'exprime dans sa façon d'entremêler l'histoire familiale à des thématiques très fortes autour de la famille et de la communauté, de la culture et des traditions indiennes, de la vie dans les réserves.
Le monde évoqué par Louise Erdrich baigne dans une atmosphère de réalisme magique fortement enraciné dans les légendes et les croyances, les rituels et le monde des esprits, le pouvoir des animaux totem, ...

Mais elle réveille nos consciences sur la réalité vécue par les Amérindiens d'aujourd'hui, entre tradition et modernité, coutumes et impact de la culture américaine, spiritualité et catholicisme, identité autochtone et assimilation forcée.
En effet, l'autrice innerve son roman de problématiques liées à la pauvreté, l'alcoolisme, la drogue, l'exclusion et au racisme. Elle soulève des questions graves concernant l'injustice et la privation des droits des groupes minoritaires.

Mais, même si la trame est sombre, on ne tombe jamais dans le sordide ou dans le pathos.
Le ton est toujours juste, sans grandiloquence, sans colère, rendant le récit réaliste et émouvant. Plusieurs scènes sont particulièrement touchantes, l'autrice maîtrisant parfaitement la force émotionnelle, en particulier dans le premier et le dernier chapitre.
Le récit à hauteur d'enfant amène également des moments plus légers, plus doux.

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L'écriture de Louise Erdrich est magnifique de simplicité, de délicatesse, de pudeur et de retenue. C'est de cette manière qu'elle m'a vraiment touchée.
De façon très inattendue mais opportune, l'humour s'invite dans ce récit, permettant au lecteur de reprendre son souffle lorsque les émotions envahissent l'esprit.

Les dernières pages surprennent, si brutales et si obsédantes, comme un coup de poignard dans le dos.

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Pour conclure, « Dans le silence du vent » est un magnifique roman d'une grande richesse psychologique. Il a la beauté et le piquant de la rose. Les souvenirs douloureux et tristes émaillent le texte parfois traversé d'instants de paix, de légèreté et de douceur.

J'ai été séduite par l'univers de Louise Erdrich, par son écriture poétique et acérée, par ses personnages attachants, par leur histoire émouvante. Ce livre m'a donné envie de découvrir les autres romans de l'autrice et en particulier « LaRose » et « La malédiction des colombes » dans lesquels on retrouve plusieurs personnages de ce récit.

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Je remercie Chrystèle (@ HordeDuContrevent) et Nicola (@Nicolak) pour cette magnifique lecture partagée. Nous ne connaissions pas les livres de Louise Erdrich, mais nous avons toutes été captivées par ce récit et sensibles aux messages de l'autrice.
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Dans l'antre du bison…

De quoi serions-nous capables si notre mère était violée ? Si la matrice sacrée, notre matrice sacrée, le berceau premier, était profané ? Et que nous étions adolescents au moment du drame ?

C'est sur la base de ces questions terrifiantes que Louise Erdrich, auteure amérindienne, a construit son roman. Et sur la base de statistiques glaçantes : Une femme amérindienne sur trois sera violée au cours de sa vie ; 86 pour cent des viols et des violences sexuelles dont sont victimes les femmes amérindiennes sont commis par des hommes non-amérindiens. Et, enfin, sur un constat amer : l'enchevêtrement de lois qui dans les affaires de viol fait obstacle aux poursuites judiciaires sur de nombreuses réserves indiennes existe toujours.

A la fin des années 80, après le viol brutal de sa mère, Joe, jeune indien de treize ans qui vit dans une réserve dans le Dakota du Nord, va devoir admettre que leur vie ne sera plus jamais comme avant. Sa mère, très marquée, prostrée, encagée, mettra du temps pour sortir de sa léthargie, pour entrer de nouveau dans le cercle familial et renouer avec la parole. Joe comprend peu à peu que son père, qui s'est emparé de l'enquête étant juges des affaires amérindiennes dans la réserve, ne peut rien. En effet, ils ne savent pas exactement où le viol a été commis, s'il s'est produit au sein de la réserve, sur une terre tribale, sur un terrain privé, sur une propriété blanche. Et le viol a été par ailleurs commis par un blanc. Impossible d'engager des poursuites judicaires sans savoir quelle loi s'applique…Face au regard de bête traquée de sa mère sous sa couverture qui « regarde fixement comme du fond d'une grotte obscure », face à son allure d'araignée repoussante et étrange, le jeune garçon n'aura d'autre choix que de mener sa propre enquête, son voeu le plus cher étant de revenir comme avant. Cette impossibilité de retour en arrière et sa quête marqueront pour lui la fin de l'innocence.

L'écriture est tranchante, simple, sans circonvolution, elle touche exactement là où ça fait mal. La plume acérée est flèche, comme tirée d'un arc, elle se fait alors lame. Des phrases directes et limpides, claquantes, comme le feraient les mots d'un adolescent meurtri, fou de douleur. Et nous sommes précisément dans la tête de Joe, à hauteur d'enfant. Ce sont ses entrailles qui parlent, ses tripes, son instinct, son coeur. Les mots de Joe sont souvent tout en retenue, non par politesse ou par pudeur, simplement parce qu'il ne sait pas toujours comment exprimer des sentiments qui le dépassent. Quelques mots seulement, un regard, une position permettent de percevoir l'immense détresse qu'il ressent face à sa mère, déchirée, qui ne cesse de tomber encore et toujours dans le puits de l'horreur. Impossible de ne pas éprouver une profonde empathie pour le jeune Joe, il est intéressant de noter d'ailleurs que nous sommes paradoxalement plus proches de l'enfant, étant dans sa tête, que de la victime qui nous met mal à l'aise.

Il y a les mots également pour raconter le désir physique qu'il éprouve pour la femme de son oncle, Sonja. Les descriptions physiques sont formidables et que dire de cette scène de strip-tease hallucinante, cadeau de la jeune femme qui n'a pas froid aux yeux au doyen de la famille, nonagénaire. Il y a les mots pour décrire la chute du père du piédestal sur lequel tout enfant place son père, les lézardes dans l'admiration confiante et aveugle qui fait de tout père un héros. Désir et prise de conscience qui signent la fin de l'enfance, le passage de l'adolescence à l'âge adulte.

« Elle avait un grand sourire blanc éblouissant et tape-à-l'oeil. Elle a levé les yeux et l'a dirigé vers moi quand je suis entré. Une vraie lampe à bronzer. Ses cheveux moussus comme de la barbe à papa étaient gonflés en une tourbillonnante couronne jaune, une longue et hirsute queue de cheval s'en échappait et tombait dans son dos. Comme toujours, elle était vêtue de façon spectaculaire – ce jour-là un survêtement bleu layette bordé d'un liseré à paillettes, le haut ouvert aux trois-quarts. J'ai retenu mon souffle à la vue de son T-shirt, une étoffe plus claire aussi transparente que des ailes de fée ».

Le récit intègre avec subtilité les rites et coutumes indiennes, les costumes aux empiècements brodés de perles, aux ornements façonnés et aux longues franches en cuir, les danses au son des tambours, mais aussi de vieilles légendes indiennes que raconte l'aïeul dans son sommeil. le roman prend alors la forme du conte et son onirisme vient s'entrelacer subtilement avec le pragmatique coeur du livre constitué de l'enquête. Ces croyances chamaniques qui se superposent alors à la religion catholique dont il est fait un large prosélytisme auprès des indiens, teintent l'histoire d'une ambiance mystique et sacrée dans laquelle le côté thriller puise une belle profondeur. Ce mysticisme, où le Bison est figure centrale, est tel un vent silencieux permettant de ressentir, sous l'aspect très factuel du crime, quelque chose de plus vaste, de plus mystérieux.

« Les chasseurs dans les plaines peuvent survivre à une tempête meurtrière en s'aménageant un abri dans une peau de bison dépouillé aussitôt, mais il est dangereux de pénétrer dans l'animal. Tout le monde le sait. Pourtant dans son délire, aveuglé et attiré par sa chaleur, Nanapush se glissa à l'intérieur de la carcasse. Quand il fut là, le confort subit le fit défaillir. le ventre plein et environné de chaleur, il perdit connaissance. Et pendant qu'il était inconscient il devint un bison ».

Livre sur l'amitié pure et éternelle comme peuvent le vivre les adolescents, sur la communauté et les liens familiaux, sur la fin de l'enfance, sur le désir, sur la justice, justice des hommes et justice divine, sur le racisme des blancs envers les indiens, ce récit riche et captivant montre que si tout le monde n'a pas de monstre en lui et que la plupart de ceux qui en ont le gardent sous clé, une fois libéré cependant, la question de la captivité et de la mort du monstre est éminemment dramatique. Quelle que soit l'issue. Justice ou pas.

Merci à mes chères amies Sandrine (@Hundreddreams) et Nicola (@Nicolak) pour cette lecture commune qui m'a permis de découvrir cette auteure. Ce fut une découverte pour toutes trois. Nous avons été sensibles au cri de Louise Erdrich face à l'injustice et à la violence dont sont victimes encore aujourd'hui les indiens, émerveillées par son écriture, flèche dont les plumes bigarrées mâtinent le texte de touches oniriques de toute beauté.

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Louise Erdrich, c'est la voix d'une Amérique oubliée, celle qui danse avec les loups sur les territoires désormais saccagés de la mémoire indienne.
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Née en 1954 dans le Minnesota d'un père d'origine allemande et d'une mère Ojibwa, l'auteur conjugue fiction et ethnographie pour ravauder l'identité de ces communautés qui, aux confins des grandes plaines, vivent sur les décombres d'une culture jadis enracinée dans la chair de l'Amérique.
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Dans le silence du vent se situe au coeur d'une réserve indienne du Dakota, en pays Ojibwa. Nous sommes en mai 1988, un dimanche après-midi, en compagnie de Joe, 13 ans, le narrateur.
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Avec son père, juge au tribunal tribal, il bricole autour de leur bungalow en attendant le retour de sa mère, Geraldine, la généalogiste de la communauté -un inextricable enchevêtrement de réseaux familiaux dont elle connaît les moindres secrets.
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Mais Géraldine, retournée chercher un dossier dans son bureau après avoir reçu un appel téléphonique, tarde vraiment à rentrer.
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Son mari embarque Joe dans sa voiture et les voilà partis la "trouver", comme il dit, invoquant moult explications hypothétiques au retard de sa femme.
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Ils croisent son véhicule, elle regarde droit devant elle, sans reconnaître personne, puis se gare devant leur maison.
Géraldine est tétanisée, elle a été violemment agressée et violée.
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Le cocon familial a volé en éclats. Géraldine ne se lève plus, n'ouvre plus les volets, ne parle plus, ne mange plus.
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Alors Joe, du haut de ses 13 ans, va enquêter, aidé par ses trois meilleurs copains.
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Mais on apprend que même si le coupable est découvert, selon l'endroit très précis où le viol s'est passé, il n'est pas certain qu'il soit inculpé à cause des imbroglios juridiques dont sont victimes les Indiens.
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Merci au journal L'Express, qui m'a largement aidée pour le début de ce retour.
C'est un livre si riche, si puissant, si émouvant, que les mots me manquaient.
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Il faudrait pouvoir mettre plusieurs étoiles de plus à un tel chef d'oeuvre.

On s'immerge complètement dans le récit, on s'attache à tous les protagonistes qui sont magnifiquement croqués.
Même les personnages secondaires sont importants. Les amis, la famille, les copains, tous ces gens très soudés au final.
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Et pour le temps d'un livre, ils deviennent notre famille. Une famille de coeur, celle qu'on a choisie.
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Le style est parfait, très fluide tout en restant simple puisqu'un gamin de 13 ans relate les faits.
Il nous arrive aussi de sourire aux anecdotes qui parsèment le récit ; ça fait du bien et nous permet de reprendre notre souffle.
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Je ne sais pas pourquoi je découvre Louise Erdrich aussi tardivement, mais je suis loin d'en avoir fini avec elle.
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J'ai été ravie de faire ce voyage avec mes amies Chrystèle (Hordeducontrevent) et Sandrinette (HundredDreams) que je remercie d'avoir partagé ces moments magiques avec moi.
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Louise Erdrich, auteure amérindienne, continue par ce livre à nous faire découvrir la réalité des familles amérindiennes du Nord de États-Unis. Ici, c'est Joe qui raconte, devenu juge tribal, l'histoire de sa famille alors qu'il n'avait que treize ans.

Il voit arriver un jour sa mère, en totale panique, agressée sauvagement, frappée, menacée d'être brûlée, violée. la jeune femme va s'enfermer et rester muette des mois durant. le jeune garçon et ses copains sont bien décidés à trouver l'agresseur, un Blanc, c'est probable ( l'auteure précise en postface que 86% des femmes amérindiennes sont agressées sexuellement par des non-amérindiens). Et surtout, il voudra punir. Car, là encore, selon les sources de l'auteure, les agresseurs blancs ne sont que très rarement poursuivis.
Complaisance ? Insuffisance de la loi ? Pas forcément (quoique très plausible) : en fait, la notion de l'exercice du droit dépend intimement de la juridiction en exercice sur le lieu du crime : réserve indienne, territoire nord-américain, concession d'occupation pour les Blancs mais sur terre amérindienne etc. La loi ne peut s'exercer tant est confuse son application au vu des limites des territoires.
Donc, la question essentielle sera : où a eu lieu le viol ? La victime, traumatisée ne peut l'affirmer. Joe va donc mener l'enquête, et...rendre la justice par lui-même puisque la loi ne peut s'exercer !

Ce qui fait l'intérêt du roman n'est pas seulement la place que prend un ado dan cette quête de la vérité et dans la sanction du coupable, c'est aussi et surtout cette découverte d'un monde qui résiste encore, celui des tribus, de leurs langues, des coutumes, des danses sacrées, du pow-wow, des survivances de pratiques ésotériques. Une plongée dans un univers secret, menacé par l'expansion toujours plus gourmande des faiseurs d'affaires américains.

On apprécie la narration, riche, enroulée dans des choix temporels parfois compliqués, nourrie de personnages multiples, dont pour ma part je ne m'attache pas trop à faire une liste tant ils sont nombreux. Il vaut mieux se laisser entraîner dans un monde ignoré, bercer par la voix du narrateur, comme si on écoutait une de ces histoires du temps passé, merveilleuses et terrifiantes à la fois, comme celles que raconte Mooshum, l'Ancien.
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C'est à l'âge de 13 ans que la vie de Joe, d'origine amérindienne, bascule. L'année où sa mère subit un viol. La justice tribale ayant ses limites et le procureur fédéral refusant d'amener l'affaire devant les tribunaux, le violeur reste impuni. Impensable, inconcevable, invivable pour Joe d'accepter une telle injustice ou plutôt une telle non-justice. Lui et ses trois amis Cappy, Zack et Angus mènent leur propre enquête et face à sa colère et sa douleur, ils agiront sans en mesurer les conséquences.

C'est avec la voix de cet adolescent que Louise Erdrich énonce les injustices que subit, encore aujourd'hui, le peuple indien. Pour les mettre en perspective, elle campe son roman dans une réserve indienne du Dakota du Nord où Joe y vit avec sa famille. Les professions de son père en tant que juge du tribunal tribal et de sa mère comme avocate au Bureau des Affaires indiennes amènent une dimension sévère dans l'inégalité des juridictions.
Il est aussi question de ce passage brutal du bonheur au malheur lorsqu'un drame arrive. le mutisme de la mère, l'énergie déployée par le père, les recherches incessantes de Joe et leur douleur nous électrisent. C'est très réussi, impossible de ne pas le ressentir. Un autre passage pour Joe est très bien traité, tout aussi perturbant, celui de l'adolescence à l'âge adulte.
L'histoire est dramatique et pourtant l'auteur, avec les thèmes de l'amour et de la fraternité apporte du réconfort et de la lumière. L'amitié est très présente, elle parcourt tout le roman. Joe peut compter sur Cappy, Zack et Angus, c'est une amitié indéfectible.

Louise Erdrich est d'origine amérindienne par sa mère, c'est dire si elle maîtrise son sujet. Elle propose aussi une postface très intéressante. Les commentaires tels que les statistiques de viols des femmes amérindiennes sont effrayantes.
C'est une vraie déclaration d'amour pour son peuple et une réelle envie de crier la malveillance et la cruauté de l'homme blanc. C'est déchirant et sans appel.
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