Ce qu'il y a de bien avec Fabcaro, c'est qu'on sait à quoi s'attendre.
Le discours,
Broadway, samouraï : ça fait trois fois que j'ai l'impression de lire le même bouquin. Y'en a sans doute que ça dérange ... moi pas !
Bien au contraire !
À chaque nouveau roman, c'est avec un plaisir intact que je retrouve cette même plume délirante et pleine de fraîcheur, ce même ton gentiment désabusé, ces mêmes braves loosers confrontés aux mêmes mésaventures délicieusement absurdes, ces mêmes situations complètement improbables qui illustrent de manière décalée mais souvent pertinente les malaises et les névroses de l'époque (la solitude affective, les horizons bouchés, la peur de l'avenir et des apéritifs dînatoires par exemple) ... avec pour enrober tout ça cet humour ravageur qui fonctionne toujours aussi bien sur moi !
C'est pourtant pas évident de me faire sourire avec un roman, mais il me suffit d'ouvrir un Fabcaro et déjà mes zygomatiques frétillent.
C'est qu'il est fort, le bougre !
Cette fois, le rôle du narrateur un peu paumé est incarné par Alan, un futur grand écrivain en mal de reconnaissance, ou plutôt l'archétype du trentenaire à côté de ses pompes.
Son premier roman est passé complètement inaperçu, sa petite amie l'a quitté pour un autre et (cerise sur la gâteau !) ses voisins lui ont confié la mission ô combien délicate de surveiller leur piscine pendant les vacances.
Ça fait beaucoup pour un seul homme, mais entre deux lamentations Alan cherche à reprendre pied.
Et s'il profitait de ces quelques semaines de gardiennage estival pour écrire enfin sa grande oeuvre, le "roman sérieux" qui le ferait passer la postérité, celui qui lui vaudrait enfin dans les colonnes de Télérama la critique dithyrambique qu'il mérite, et qui rendrait Lisa malade n'avoir pas su voir en lui le nouveau génie de la littérature française ?
Evidemment, tout ne se passera pas exactement comme prévu.
De procrastination en speed-datings foireux (arrangés par un couple d'amis pour l'aider à tourner la page), de divagations saugrenues en associations d'idées plus ou moins fumeuses, Alan fait du sur place. Pas si facile d'écrire un chef-d'oeuvre quand on ressasse un échec amoureux et que les notonectes* se multiplient dans la piscine (dont l'eau d'ailleurs verdit à vue d'oeil et plonge notre pauvre romancier dans un abîme de perplexité) !
Ainsi s'éparpille notre brave narrateur, et Fabcaro en profite comme toujours pour nous offrir un florilège de sketches loufoques à souhait, transformant les péripéties les plus anodines en tragédies désopilantes !
Si cette succession de gags ne lui vaudra sans doute jamais les honneurs de la Pléiade ni d'être invité, comme dans les rêves d'Alan, sur le plateau d'une
Claire Chazal complètement conquise, elle a au moins le mérite de m'avoir fait passer un très bon moment !
Un roman léger, un bol de bonne humeur, ça fait du bien parfois, non ?
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* notonecte : insecte aquatique hétéroptère nepomorphe affectionnant les eaux dormantes.
Oui, on apprend aussi des trucs en lisant Fabcaro !