Hier, des amis m'ont demandé si je pouvais m'occuper de leur piscine pendant leur absence.
Conscients du tourment et de la consternation que leur sollicitation avaient provoqués, ils prirent parti de me rassurer en m'assurant que c'était à la portée du premier venu.
Juste un galet à mettre dans une trappe afin que l'eau ne vire pas au vert.
Impossible de refuser un service d'une telle simplicité même si cela reste pour moi une source d'angoisse.
Aujourd'hui, j'ai pris mon courage à deux mains et cédé à cette même angoisse qui tenait absolument à m'accompagner pour aller entretenir cette fameuse piscine.
Sur place, mon angoisse m'a interpellé sur trois insectes qui surfaient au beau milieu du bassin.
Je lui ai répondu d'un ton doctoral qu'il devait s'agir de notonectes ou abeilles d'eau.
Mon angoisse m'a regardé, interloquée devant un tel savoir.
Il fallait lire "samouraï" lui rétorquai-je. Tu aurais su ce qu'était une punaise d'eau.
A l'évocation de cette dernière appellation elle se souvint du roman et me demanda si comme le personnage principal je n'avais pas l'intention de profiter du cadre idyllique autour de cette piscine pour enfin écrire ce roman dont je parle tant.
Avec la discipline d'un samouraï tu devrais y parvenir aisément renchérissa-t-elle.
Cette fois, c'est moi qui la regardait avec une stupéfaction non dissimulée.
Mais tu ne te souviens donc pas de la tournure des événements ? Même
Ionesco n'aurait pas renié l'absurdité du calvaire qu'a subie ce pauvre narrateur.
Je m'empressai alors de jeter mon galet au doux parfum chloré dans la trappe et quittai les lieux sans même me demander si mon angoisse m'avait suivi.
J'espérai juste que les notonectes ne soient pas plus nombreux demain...