A Grand-Rhône

Ce roman est un voyage au coeur des non-dits et des silences qui ressurgissent tragiquement un beau jour. Et celui-ci entraine Vérane, professeur de français nouvellement installée dans le Gard, à déterrer progressivement des drames familiaux dont les conséquences se répercutent de génération en génération. Ainsi, passé et présent se mêlent ici à la manière d'un puzzle, et s'emboitent peu à peu, jusqu'à former un tableau poignant mais libérateur.

Les premières pages du livre, décrivent une scène banale : un moustique menace Vérane de la piquer. Doit-elle ou non l'écraser ? Et si cette question d'une importance somme toute assez minime, était le prélude à toutes celles qui se posent dans ce livre : de quoi, de qui dépend notre existence ? Quelle est la conséquence de nos choix à long terme ? Et d'ailleurs, sont-ils vraiment dépendants de notre propre volonté ?

Il y a donc Vérane et tous ceux qui font, ou qui ont fait partie de sa vie. Mais que sait-elle vraiment de chacun ? La mort subite et pas si accidentelle que cela de son frère Médéric, la réception d'un paquet provenant de Hongrie envoyé par un inconnu, un diptyque mystérieux tenu caché, la font douter. La trame se bâtit peu à peu, dévoilant des vérités douloureuses dans lesquelles les passions humaines jouent de bons et surtout de mauvais rôles. S'agit-il d'une famille tenue par la main du diable, celle qui tue ? Pour le découvrir, il nous faudra remonter dans le temps, suivre l'histoire des uns dans la grande Histoire pour donner enfin un sens aux évènements du présent… Et peut-être même, pour permettre à Vérane de se réconcilier à la vie.

Roman à suspens et à rebondissements nous tenant en haleine du début à la fin, roman psychologique nous menant au coeur des sentiments méandreux des personnages, roman noir nous enveloppant d'une ambiance menaçante, mais roman salvateur et libérateur. « À Grand- Rhône », c'est tout cela à la fois. Ce livre nous immerge dans un bouillon tumultueux qui pourrait bien nous noyer de ses lames tranchantes, et nous offre finalement une bouée de sauvetage…D'ailleurs, ce n'est pas par hasard si l'eau est omniprésente dans ce récit.

Si l'intrigue est captivante, j'ai été particulièrement saisie par la plume de l'auteure. Energique, efficace, sans fioriture inutile, elle percute. le roman est court, mais intense.

En toile de fond, les drames familiaux, les jalousies, les liens de sang... Dans ce beau roman, Elisabeth Groelly nous entraîne du côté d'Arles. Vé­rane Peytral, professeur de français, hérite d'une maison et renoue avec son frère, marchand d'art. Ce frère ne réapparaîtra pas. Son corps est retrouvé quelques jours plus tard. Noyade paraît-il... Tout cela est très mystérieux. On se laisse prendre par cette histoire forte aux allures de tragédie. Une belle plume qui nous porte loin. Stéphan Sanchez