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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si je t'oublie, Jérusalem est une création littéraire de William Faulkner, écrivain riche, s'il en est, en inventivité formelle, dont l'originalité consiste en l'entrecroisement de deux récits ne semblant pas avoir de rapport entre eux, si ce n'est pour créer un habile contrepoint, propice à relancer l'intérêt d'une histoire lorsqu'elle parait sur le point de s'essouffler. Ainsi le corpus principal du livre, intitulé les Palmiers sauvages, est la narration, située en 1938, de la fuite en avant, assez chaotique et vouée dès le départ à l'échec, d'un couple adultère dans leur rejet des valeurs bourgeoises et mercantiles. A ce texte, vient s'intercaler un récit d'une ampleur plus modeste, intitulé Vieux père, traduction moins savoureuse du "Old man river" teinté de révérence, que donnaient les noirs américains à l'impétueux Mississippi; titre qui fut d'ailleurs celui d'une chanson immortalisant la crue mémorable de 1927. Et c'est dans le contexte de cette inondation terrible que se place cette histoire, narration des péripéties d'un bagnard réquisitionné, comme beaucoup de ses compagnons d'infortune, pour prêter assistance aux sinistrés, juchés, qui dans les arbres, qui sur les toits des maisons et des granges, et qui se retrouvera, fétu de paille ballotté par les flots, emporté bien loin, par la fureur du vénérable fleuve en crue.

Un livre de Faulkner se mérite, il requiert notre intelligence et notre attention, tant il triture à plaisir l'espace-temps, sa lecture n'en ai que plus gratifiante. C'est toujours avec la jubilation de celui qui se prépare à une longue et difficultueuse ascension, prometteuse d'une euphorie à la mesure de l'effort consenti et d'une exaltation à la vue du vaste panorama s'offrant à lui, que je me lance dans une de ses oeuvres.
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Un Faulkner puissant, deux histoires parallèles qui ne semblent rien avoir en commun - les personnages ne sont pas liés - mais qui sont le contrepied l'une de l'autre.
Un couple qui s'aime malgré les interdits et qui s'enferme, se détruit par obstination et recherche de l'amour parfait.
Un bagnard et une femme enceinte qui partage un moment de vie ensemble pendant la grande inondation du Mississipi de 1927 qui ne s'aiment guère (il ne voit en elle qu'un colis qu'il doit mettre en sécurité) mais qui est libre et courageux.
Une écriture ample, telle les mascarets qui se succèdent pendant l'inondation...
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C'est le troisième livre de Faulkner que je lis . J'avais adoré son roman "Tandis que j'agonise", mais la lecture du recueil de nouvelles " Treize histoires" avait été plus laborieuse et m'avait laissée souvent perplexe.
Avec " Si je t'oublie, Jérusalem " j'ai retrouvé ce que j'avais aimé dans son roman, cette écriture si particulière, la puissance du récit, la capacité à mettre en scène des tragédies, comme si les personnages étaient dès le départ prisonniers de leur destin. Un livre composé de deux récits en alternance, deux récits totalement différents. Chacun y trouvera sa propre interprétation du motif de cette construction particulière.
Un homme solitaire et un couple, le premier qui aspire à la sécurité et souhaite retrouver la prison, les autres qui la rejettent car seul leur amour doit compter. L'un qui bien malgré lui, doit affronter les éléments avec une femme enceinte qu'il essaie de garder en vie, les autres pour lesquels une naissance serait un obstacle à l'exclusivité de leur amour. Un récit sur la vie et l'autre sur la mort.



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Quatrième immersion dans l'univers Faulknerien...

Bien sûr, j'ai retrouvé dans "Si je t'oublie, Jérusalem" l'empreinte de l'auteur, notamment sous la forme de cette écriture si vivante qu'elle vous envoûte, vous imprègne des odeurs, des couleurs, de l'intensité dramatique du récit.

La propension de William Faulkner à bousculer la chronologie est légendaire. C'est pourquoi je n'ai pas été étonnée de le voir commencer son histoire par la fin, pour ensuite remonter le temps, et dérouler les événements menant à une conclusion que, par conséquent, nous connaissons d'emblée.
Du moins en ce qui concerne l'une des histoires... ah, oui, je ne vous ai pas dit : "Si je t'oublie, Jérusalem" est un roman dans lequel nous suivons alternativement deux histoires qui n'ont a priori aucun rapport l'une avec l'autre. Elles se déroulent d'ailleurs à une dizaine d'années d'intervalle, et aucun personnage commun ne les relie.
Et, à vrai dire, hormis le retour en arrière évoqué ci-dessous, la chronologie des deux intrigues est finalement plutôt linéaire.

La première histoire met en scène Charlotte Rittenmeyer et Harry Wilbourne, qui forment un couple adultérin. Ils viennent de s'installer à La Nouvelle Orléans, dans le bungalow miteux que leur loue un médecin, ce dernier habitant dans l'habitation voisine. Une nuit, il est réveillé par Harry qui a besoin d'aide. En effet, "sa femme saigne"... Voilà qui confirme les soupçons que le couple suspect avaient éveillé chez la femme du médecin propriétaire, qui, imbue de son omnisciente moralité, avait pressenti l'arrivée des ennuis...
Charlotte et Harry, depuis leur rencontre, et ce que l'on pourrait qualifier de "coup de foudre", courent éperdument après un absolu. Ils refusent toute concession au caractère pur, désintéressé de leur amour. Pour cela, ils préfèrent vivre dans le dénuement, plutôt que se soumettre à une routine qui serait fatale à leur relation. Ils préfèrent tout laisser derrière eux (Charlotte sa fille et son mari, Harry un travail lui procurant de confortable revenus) plutôt que de devenir les esclaves consentants d'une respectabilité susceptible de faire perdre à leur amour son caractère sacré, de le rendre vulgaire, ordinaire, avare.
Le comble, c'est qu'ils sont si obnubilés par cette quête d'absolu qu'ils en deviennent prisonniers. Elle finit par absorber toute leur énergie, mais ils l'assumeront jusqu'au bout, en partie grâce à la ferveur farouche de Charlotte, personnage remarquable et tragique.

Dix ans plus tôt, donc...
Nous suivons les détails de l'aventure d'un forçat incarcéré dans un pénitencier du Mississippi. Lors de la grande crue de 1927, ses camarades et lui sont réquisitionnés pour venir en aide à la population. Il se retrouve à dériver, perdu, sur une embarcation de fortune à bord de laquelle il cohabite avec une femme enceinte qu'il a secourue. Leur périple va durer de longs jours, rythmé par la présence envahissante, menaçante, presque surnaturelle, du fleuve libéré de ses entraves, entre les flots duquel les hommes ne sont plus que de pitoyables fétus de paille.
Le forçat, homme simple et endurant, ne pense qu'à regagner la réconfortante sécurité du pénitencier.

Certes, il n'y a pas de points communs entre ces deux récits, d'un point de vue de l'histoire, mais on y retrouve comme des échos qui s'y répondent, et qui donnent à l'ensemble du texte une forme d'homogénéité, de logique finalement évidente.
Il y a, en filigrane mais permanente, cette notion de liberté qui plane sur l'intrigue. le lecteur y est sans cesse amené à s'interroger sur le sens de cette liberté, sur les différentes formes par lesquelles elle -ou son absence- se manifestent... Autre récurrence, l'omniprésence de la nature, tour à tour hostile ou nourricière. Cette présence est d'autant plus palpable lors du périple du forçat : le Mississippi est un personnage à part entière de cette histoire. Mais elle est aussi tangible dans la partie qui voit évoluer le couple Rittenmeyer/Wilbourne. le bruissement du vent dans les palmiers, régulièrement évoqué (l'auteur a d'ailleurs sous-titré cette partie "Les palmiers sauvages"), le spectacle du lac qui borde le bungalow où s'installent Charlotte et Harry... à tout instant ce genre de détail nous donne le sentiment que l'environnement naturel est indissociable du drame qui se joue...

La dimension à la fois tragique et épique (lors des passages décrivant la navigation mouvementée du forçat) de "Si je t'oublie, Jérusalem" en fait un texte très fort. On y est emporté à la fois par la puissance de l'écriture, par la beauté de l'histoire d'amour entre Charlotte et Harry, bref, par tout le talent de William Faulkner, qui m'a une fois de plus convaincue de son génie !
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Quelque chose gonfle, sourd et se déplace sous le récit absurde de ce forçat qui pagaie dans la crue du Mississippi pour retrouver son pénitencier et de celui de Charlotte et Harry dans leur tentative d'échapper à la "respectabilité" de la vie routinière. "Je n'ai jamais vu quelqu'un vouloir tant que cela être un mari" dit Charlotte à Harry. A chercher à vivre uniquement d'amour, ils sont conscients que leur quête ne peut qu'être éphémère et illusoire : mais sont-ils vraiment libres, le sont-ils davantage que le forçat qui tourne en rond dans son canot malmené par les vortex du fleuve. Ces personnages semblent n'être, comme le mascaret qui déstabilise les embarcations, que l'émanation superficielle d'un monde dont les principes agissent en profondeur. Il peut de ce fait arriver n'importe quoi aux trois protagonistes du roman, ce n'est pas vraiment eux qui sont vivants et c'est pourquoi la lecture de leurs aventures est aussi fascinante. En un sens, on ne sait pas bien quoi, mais on sent qu'affleure à la surface du récit un ensemble de phénomènes universels qui échappent aux personnages autant qu'au lecteur. le roman nous donne à les appréhender avec beaucoup de détachement et de plaisir.
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Ecrit en 1937-1938, ce livre est constitué de deux récits alternés, Les palmiers sauvages qui nous conte la folle et tragique passion de Harry Wilbourne et de Charlotte Rittenmeyer, et de Vieux père qui décrit les aventures picaresques d'un forçat évadé malgré lui et s'attachant à une femme sur le point d'accoucher.

Dès le début de la composition de son livre Faulkner a conçu son roman comme constitué de ces 2 récits si différents, comme un morceau de musique où deux thèmes alterneraient, s'enrichissant et se complétant l'un l'autre même si en apparence il n'y a rien de commun aux deux histoires. Récit désespéré d'un amour impossible, se heurtant sans cesse au quotidien, aux difficultés matérielles, au risque de l'usure et de la banalité, couplé au récit des pérégrinations tragi-comiques d'un prisonnier ne cherchant qu'à regagner sa cellule tout cela sur fond d'inondations et de bouleversement général.

Entre tristesse, lassitude et sourire il s'agit d'un livre d'une grande richesse et humanité dans lequel Faulkner abandonne pour un temps la mythologie du Sud et de son passé pesant sur les personnages, pour aborder dans les Palmiers sauvages une histoire plus contemporaine, mais néanmoins toujours aussi empreinte de pessimisme profond sur la capacité de l'homme à échapper à ses démons, à la malédiction de sa nature en somme.
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