Je remercie Riveneuve Editions et Masse Critique de Babélio, de m'avoir permis de découvrir
Souad n'est plus, le roman de
Malika Fecih, et d'en réaliser la critique.
«
Souad n'est plus la même femme »,
«
Souad n'est plus disponible »
«
Souad n'est plus là »
«
Souad n'est plus ….. »
Souad signifie la félicité, le bonheur, en arabe.
Pour autant, la vie de Souad est loin d'être heureuse.
Lorsque débute le roman, Souad pourrait se définir comme une femme d'une quarantaine d'années, cadre financier dans un grand laboratoire européen, épouse de Malik, et mère de trois enfants. La vie de Souad ne connaît aucun répit ; tout au long de la journée, les tâches s'enchaînent, qu'elles soient liées au soin des enfants, à son travail, à sa maison. Peu de temps à consacrer à Malik, les relations sont distantes, la communication quasi inexistante.
La nuit, lorsque tout le monde dort, Souad profite de quelques moments de liberté, elle pleure, rêve d'une autre vie…
Un jour Souad se fait couper les cheveux, et lors d'une violente dispute avec son mari, lui annonce qu'elle va partir. Sa vie bascule.
Souad se retrouve seule, dans un minuscule appartement. Elle a quitté son mari et ses enfants, elle se reconstruit en écrivant un roman et en le faisant publier….
Souad n'est plus est un roman d'un peu plus de cent vingt pages. le style et le rythme des phrases nous poussent à le lire vite. Cette vitesse correspond à la description de l'activité fébrile, ininterrompue de Souad, toujours en mouvement. Elle a évoqué en moi une phrase de
Jon Kabat-Zinn dans un article du Monde de cette semaine sur la pleine conscience, qui écrit « le quotidien se présente comme une liste de tâches à effectuer, que l'on biffe l'une après l'autre, avant de finir par s'écrouler le soir pour mieux céder au même affairement le lendemain ». Souad est devenue, pour reprendre une autre expression de cet article « une machine à rayer les Post-it ». Elle est déshumanisée, elle ne ressent plus les émotions, se transforme peu à peu en robot, d'une efficacité parfaite.
J'ai lu
Souad n'est plus avec beaucoup d'intérêt. J'ai ressenti de l'empathie pour cette héroïne courageuse qui, après avoir constaté que sa vie apparemment réussie ne la satisfait pas, part pour mieux se retrouver et exister enfin dans le regard des autres, en particulier de sa mère et de sa famille.
Malika Fecih, qui vient d'une banlieue que je connais très bien, a fait la connaissance de
Mehdi Charef, l'auteur du Thé au harem d'Archi Ahmed. C'est lui qui lui a conseillé de passer à l'écriture. En choisissant ce roman dans la liste des ouvrages proposés dans Masse Critique, je pensais que le thème principal serait la vie d'une femme issue de l'immigration. A la réflexion, ce n'est pas vraiment le cas. Certes, Souad est bien une jeune femme issue de l'immigration, mais toutes les femmes qu'elles soient immigrées ou non pourront se reconnaître en Souad, ressentir cet effacement, cet étouffement progressif…
Bizarrement, le caractère de Souad me paraît assez froid, distant. Et c'est peut-être le seul reproche que je pourrais faire à ce roman….Je ne retrouve pas du tout en elle la personnalité chaleureuse, ensoleillée de Samia, Malika, ou Fazia, mes amies d'enfance dont la vie, a pourtant eu beaucoup de points communs avec celle de Souad…
Souad n'est plus….portrait d'une femme émancipée ? L'écriture comme moyen de reconstruction ?
Malika Fecih a réussi son pari - nous émouvoir en mettant en scène une jeune femme de notre temps.
L'article que j'ai cité est "La pleine conscience règne", de Yoanna Sultan-R'bibo paru dans le Monde des 7 et 8 juin 2015.