Comme son nom l'indique,
Jessica Fellowes est la nièce de
Julian Fellowes, le créateur de "Downton Abbey", la série télévisée qui traite des rapports maîtres-valets au début du XXème siècle, à laquelle Jessica a par ailleurs consacré plusieurs ouvrages. "L'assassin du train", premier opus de la série des "
Mitford murders", est aussi le premier roman de l'auteure. En effet, même s'il est ancré dans une certaine véracité historique (à part le personnage fictif de Louisa Cannon, toute la maisonnée
Mitford, domestiques y compris, est bien réelle, et le meurtre de Florence Nightingale Shore est également un événement véridique), il s'agit bel et bien là d'une fiction : jamais
Nancy Mitford ou sa famille ne fut en lien avec cette affaire et le crime est resté à ce jour non résolu.
Ce roman n'en respire pas moins l'illusion du réel tant il traduit bien l'époque racontée. L'action s'étalant de 1919 à 1921,
Jessica Fellowes y restitue avec talent le trouble ambivalent d'une Angleterre nouvelle qui, au sortir de la Grande guerre, tente d'aller de l'avant mais reste profondément traumatisée par la violence des conflits. A la façon de son oncle, la romancière reconstitue avec passion la vie d'une grande maisonnée anglaise ainsi que les rapports entre maîtres et domestiques. Son écriture, que l'on devine très documentée, relate le quotidien animé des
Mitford dans leur grand manoir de campagne et les personnalités hautes en couleurs des différents membres de la famille, mais aussi des employés de maison avec qui on adorerait se régaler d'un thé ou d'un chocolat dans la chaleur de l'office.
Les relations moins hiérarchiques qui se tissent dans le cadre de la nursery permettent à
Jessica Fellowes de justifier l'amitié entre Louisa, la nouvelle bonne d'enfant âgée de 19 ans, et l'aînée des
Mitford, Nancy, âgée de 16 ans. Parce que cette dernière, dans la fleur de l'âge, se soucie peu des convenances et est surtout enchantée d'avoir avec elle une jeune fille de sa génération, toutes deux se rapprochent malgré la différence de classes sociales qui se rappelle parfois à elles. Nancy est dépeinte avec toute la fantaisie qui caractérisait la véritable
Nancy Mitford, même si son jeune âge et son enthousiasme semblent se prêter davantage à l'héroïne d'un polar pour la jeunesse que pour adulte.
La dimension polar, justement, parlons-en : elle passe après la dimension sociologique. Non que cela soit voulu, comme c'est le cas dans la série Son espionne royale (l'humour en plus) mais probablement parce que l'auteure, dont il s'agit des débuts dans l'écriture de fiction, maîtrise moins bien les ressorts de la littérature policière policière que les éléments socio-historiques. Souffrants dès lors de quelques longueurs et de retournements de situation un peu classiques, l'enquête n'en reste pas moins agréable à suivre et s'offre même un final particulièrement palpitant au cours de la soirée d'anniversaire de Nancy.
En bref : Un premier tome qui parvient à mêler Histoire et polar pour le plaisir du lecteur. L'intrigue policière est certes un peu convenue mais la reconstitution de l'Angleterre d'après-guerre et des rapports entre classes est réussie.
Jessica Fellowes, si elle ne s'impose pas nouvelle Reine du Crime, s'affirme en tout cas comme la digne descendante de son oncle et on a déjà hâte de voir comment les soeurs de Nancy seront mises à l'honneur dans les prochains tomes...
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