Wahou ! Je viens de terminer «
Lëd » de
Caryl Ferey, et je vous garantis que c'est du grand
Caryl Ferey, du même niveau de «
Mapuche » ! Un gros coup de coeur pour ce thriller glacial venu tout droit du nord de la Sibérie et en même temps d'une chaleur humaine incroyable. Ce que j'aime dans les romans de Caryl, ce sont les rencontres humaines souvent tendres, quelquefois dures et aussi parfois délirantes mais toujours pétries d'humanité, de chaleur, d'amitié et d'amour. Des vies brisées par l'environnement, le contexte, l'Histoire mais que Caryl nous raconte ses tripes, parfois avec poésie et qui restent à jamais gravées au fond de notre coeur. Et la magie opère encore une fois dans cette ville incroyable, abominable et dure qu'est
Norilsk. J'avais déjà découvert cette ville minière, fermée au monde, au fin fond de la Sibérie par l'un de ses précédents livres, intitulé tout simplement «
Norilsk » qui m'avait déjà laissé sans voix, tant la vie y est dure. Dans «
Lëd »,
le décor est le même et l'hiver sibérien avec ses - 60° et ses blizzards, est un personnage à lui seul. Ce qui est encore plus épouvantable que ce froid intense qui mène la danse et a une emprise totale sur la vie des gens, ce sont les conditions de vie : des bâtiments insalubres, dégradés et non réparés, la pollution, partout cette pollution, dans les airs, dans l'eau, dans le sol, partout, envahissante et réduisant encore l'espérance de vie de ces habitants de
Norilsk qui vivent dans une prison à ciel ouvert. Au travers de certains personnages de cette histoire, Gleb, Nikkita et Sasha, on découvre aussi les conditions inhumaines et dangereuses d'exploitation des mines qui sont la seule richesse de cette ville, née pour leur exploitation. Ces trois jeunes hommes forment un groupe d'amis avec Lena, Dasha et Anya. Ils se retrouvent régulièrement dans un bar, le Szaboy, pour faire la fête et oublier un peu leur vie particulièrement difficile. Un soir de grande tempête, en plein hiver, le toit de l'immeuble où vit Dasha s'envole et s'écrase en bas du gostinka. Gleb qui prenait des photos sur le toit de son immeuble, a vu toute la scène. Et au risque de sa vie, il se précipite pour voir s'il y a des personnes sous les décombres. Il y retrouve Dasha et Shakir Akram, un chauffeur de taxi, vétéran d'Afghanistan traumatisé. Ils n'ont qu'un instant pour apercevoir un cadavre avant de se mettre à l'abri. Ce cadavre est un Nenets, un éleveur de rennes autochtone. Que faisait-il en ville, et qui plus est, sur le toit d'un immeuble ? Commence alors pour le lieutenant Boris Ivanov, mari de la petite Anya, une enquête très difficile, parsemée d'embûches qui va l'emmener sur des pistes qu'il faudrait mieux oublier quand on vit en Russie, si on veut rester en vie. Et puis qui s'inquiète d'un vieux Nenets retrouvé congelé au bas d'un immeuble et dont on ne connait pas l'identité ? Autant on ressent l'immense empathie et tendresse de Caryl pour ses personnages, autant comme souvent il n'hésite pas à les malmener. La violence et la rudesse font partie intégrantes de la vie en Russie et on le vit à chaque ligne. L'écriture magnifique de Caryl peut se faire douce et poétique comme elle peut être aussi tranchante et glaciale que le froid sibérien et les destins de ses personnages. Caryl nous offre un grand moment de lecture et y a mis toutes ses tripes. D'ailleurs, à la fin de son livre, il nous avoue que « Les personnages de
Lëd ont été imaginés suite à mon séjour à
Norilsk, peut-être le voyage le plus émouvant que j'ai pu vivre à ce jour ». Et franchement cela se sent. Livre engagé qui dégage beaucoup d'émotions ! Que vous-dire ? Tout d'abord, un grand merci à Caryl pour ce beau moment de lecture. Et aussi, ne passez surtout pas à côté de «
Lëd » qui veut dire glace en russe.
Je mets cinq étoiles sur Babélio car c'est le maximum, mais j'aurais aimé en mettre beaucoup plus.
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