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3,86

sur 717 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C.Ferey a écrit Norilsk en 2017, c'était une sorte de brouillon du livre qui sort maintenant.
Peut-être lui a t'il fallu du temps pour mettre en forme ses souvenirs siberiens.Il a toujours le goût des destinations lointaines au soleil souvent , des régimes politiques rugueux, et des endroits malfamés.
Cette fois c'est dans cette ville du monde la plus polluée, au nord de la Sibérie où les températures vont de -60 à +30 et où il neige environ 250jours par an .
C'est à Norilsk "la ville la plus pourrie du monde" qu'il pose son polar. Une victime, éleveur de rennes, qui n'aurait pas du se trouver là; un inspecteur Boris, un mineur, une modiste et un chauffeur de taxi en sont les principaux personnages, mais c'est surtout la ville de béton et ses habitants courageux, cassés et assurés d'une mort plus rapide qu'ailleurs qui peuplent ce roman.
Bien sûr, de l'autre bord il y a aussi les oligarques, les politiques et la corruption, l'assassin ...
Cela donne un roman foisonnant, haletant, un Caryl Ferey quoi!
Merci aux Edts "Les Arènes " pour cette lecture passionnante.
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Caryl Ferey nous avait habitués à l'hémisphère Sud dans ses précédents romans, ici il nous fait voyager à Norilsk, au nord du cercle polaire arctique.
Ville la plus septentrionale du monde, vivant essentiellement de l'extraction minières, avec des températures atteignant -50° l'hiver, elle est aussi considérée comme la ville la plus polluée du monde.
Et pour compléter ce tableau, il faut ajouter qu'elle a aussi été une des villes du Goulag.

Cette présentation est essentielle, car c'est dans ce cadre sombre que vont évoluer les personnages de Caryl Ferey.
Mineurs aux conditions de travail effrayantes, policiers intègres ou corrompus selon le cas, jeunes femmes essayant de construire leur vie, homosexuels cachant leur vie privée, trafiquants en tout genre, et enfin éleveurs de rennes survivant tant bien que mal.
Ou comment le cadavre d'un obscur éleveur de rennes, et l'obstination d'un policier, vont mettre à jour la corruption à tous les niveaux : les industriels s'enrichissant sur le site minier, les oligarques décideurs, les policiers complices et les obscurs trafiquants.
Sans oublier les effrayantes conséquences de la pollution industrielle sur les habitants et la nature.

Sur ce terreau, Caryl Ferey construit un excellent polar grâce à l'attention qu'il porte à ses personnages.
Plein d'humanité comme dans tous ses livres, il leur donne de l'épaisseur et de la vie.
Malheureusement pour le lecteur sensible, il garde l'habitude de faire mourir la plupart de ses personnages les plus attachants, noir c'est noir !

J'avais omis de lire « Norilsk », le récit de son voyage en Sibérie, mais je pense que le découvrir à la suite du roman sera passionnant !
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«  Lëd «  de Caryl Férey , nous offre à travers une fresque humaine et littéraire puissante, un roman noir congelé dans le champ glacé des mines de Sibérie. Les dérives mafieuses de l'état russe, s'illustrent avec délice comme si les droits de l'homme chers aux lumières, n'avaient pu survivre aux froids intenses des goulags.
Dans ce roman Choral d'une telle richesse, je suis guidé par la crainte de trahir les découvertes de l'auteur. le passage sur le Mémorial, est essentiel en ce mois de novembre 2021.

JOUR SOMBRE JEUDI NOIR.
Les radios annonçaient le jeudi 25 novembre 2021 que le Mémorial Russe déclaré ennemi de la Russie allait être interdit.

Memorial International est une ONG russe fondée en 1989, au moment de la perestroïka, pour perpétuer la mémoire des répressions soviétiques, la mémoire des Goulags et oeuvrer à la défense des droits de l'homme en Russie.

POURQUOI le CHOIX de NORILSK ?
Norilsk est un lieu baigné par les vapeurs de la vodka. Il émerge de ce froid sibérien, maintenant libéré des chaînes du Goulag, des survivants broyés dans cet enfer ou confrontés à un avenir proche de Zéro.
Une ville fermée dans laquelle il faut l'autorisation du FSB ( les services secrets russes ) pour y circuler.
Il faut être complètement rincé à la vodka pour y écrire un livre, ou s'appeler Caryl Férey. le titre du livre, Lëd , cache derrière ces 3 lettres une immense fresque de la Russie de 2021, une actualité brûlante, une vérité incandescente, un missile aussi plus puissant que les révélations des lanceurs d'alertes.

Car la vie ne fait plus de cadeaux à Norilsk , la ville de Sibérie la plus au nord est la ville la plus polluée au monde. Dans ce bout d'univers, les températures descendent sous les 60°C, en oubliant souvent de remonter.
Un lieu quasi apocalyptique, une cité minière aux mains d'oligarques russes, que Caryl Férey a justement choisi pour instruire le plus tranchant des réquisitoires contre le délabrement d'un pays, rongé par la fraude généralisée, la pègre, la pollution, la violence...

L'enchaînement des enquêtes sur les deux premiers morts tisse une intrigue policière finement ciselée, à la rencontre de personnages sensibles, cassés mais attachants. Derrière les acteurs du drame dans ce lieu oublié, apparaît en perspective un projet universel et si actuel : espérer le respect par l'état des droits humains.

Le premier cadavre est un Nénets. Les Nénets forme une minorité comme les Samis en Norvège, une ethnie autochtone de l'Arctique vivant de l'élevage des rennes. Les faire disparaître est un jeu d'enfant, Où sont-ils ?
Ont-ils seulement une identité ? Une CNI ? Quel est leur pays ?

La reconnaissance des minorités, est encore loin d'être réalisée ici en Russie, comme en Australie. Cet écho donné par Karyl Férey dans ce livre, est déjà une forme de reconnaissance nouvelle, courageuse et inattendue.

Le deuxième crime nous transporte dans les mines de Nickel, cité devenue un lieu irréel aux mains d'oligarques russes. La jeune Valentina retrouvée surgelée était une militante écolo cherchant à mettre en évidence toutes les formes de nuisances causées par son exploitation, puis à informer toute la cité des conséquences sur leur santé.
la cité minière représente près de 4 % du total du PNB de la Russie. Dans ces froids extrêmes il est trop facile de soustraire une partie du butin dans des hangars où l'air que l'on respire est hautement toxique.


Le combat le plus extrême sera celui de Gleb. le mineur-boutefeu qui doit vivre son homosexualité, cacher ses émotions, et protéger son ami. Au moindre soupçon les homosexuels sont placés en prison, devenant des jouets de torture pour les autres détenus.
Gleb Berensky, est le mineur chargé de poser les explosifs. le travail est inhumain et les cadences infernales. Surdimensionnés, les marteaux-piqueurs ne sont même plus à taille humaine.


La profondeur du récit, et la précision chirurgicale dCaryl Férey, pour disséquer les rouages complexes des fraudes généralisées, laissent cependant une place aux acteurs des drames qui secouent cette communauté.
Souvent contraints une fois libérés de rester à Norilsk comme piégés par la glace, ou Lëd, les anciens prisonniers côtoient leurs bourreaux.
La virtuosité du style de Caryl dessine des personnages bien plus colorés que la grisaille qui les entoure. Leurs sentiments sont puissants, et leur sensibilité affleure à tous moments. Leur solidarité s'exprime avec violence, dans une spontanéité gratuite. Sous la plume de Caryl Ferey, Dascha devient la femme en bleu car la couleur de ses cheveux doit exprimer une forme de bonheur.
Son drame sera d'autant plus douloureux que Boris le policier aura imaginé la pire des machinations faire de son mari un picoleur impénitent.

Ainsi je ferme ce livre, avec dans l'oreille la voix de Pierre Lognay, qui par sa lecture chatoyante de Valentina, larmoyante de Nikita ou vorace de Shakir a su capter la nature intime de personnages aussi différents que Gleb et Dasha ou celle de l'autre imbécile de Boris Ivanov.



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Si vous faites partie des fidèles de mon blog, je n'ai pas besoin de vous le préciser. Je considère Caryl Ferey comme l'un des plus grands auteurs français de romans noirs. Il voyage dans le monde entier et rapporte de ses escapades des livres forts à l'ambiance immersive. A chaque fois, il accroit la portée de ses histoires en interrogeant la situation et le passé du pays concerné.

Jusque-là, il nous avait habitué aux pays chauds tels que l'Afrique du Sud, la Colombie, la Nouvelle Zélande ou le Chili. Cette fois-ci, il a décidé de changer radicalement de décor. Finis le soleil, la chaleur, la sueur, voilà le froid, la neige, les gerçures. Bienvenue en Sibérie !

Comme d'habitude, l'intrigue n'est qu'un prétexte à l'exploration d'une autre culture. L'auteur réalise une analyse sociologique des habitants de cette région, à travers les différents portraits de ses personnages. On entre dans leur quotidien. On découvre leur mode de vie singulier. La Russie nous dévoile son passé plein de secrets inavouables, l'extrémisme de sa politique récente, ses conditions climatiques tragiques et la triste vie de ses concitoyens. En toile de fond, le texte met en exergue la corruption omniprésente, les traditions choquantes, les lois totalitaires et la profonde intolérance dont est victime le peuple anciennement soviétique.

L'écrivain a effectué un travail colossal de recherches afin d'imprégner le lecteur de l'atmosphère du pays. Il a mis sa plume exigeante au service de cette aventure instructive et engagée. Même si son intrigue est un peu simple, Caryl Ferey maîtrise toujours aussi bien son art et a su l'adapter à l'environnement particulier des lieux. Plus qu'un simple polar, « Lëd » (glace en russe) est une expédition dépaysante et un témoignage puissant d'un territoire impénétrable. Je suis impatient de savoir où il va nous emmener la prochaine fois !
Lien : https://leslivresdek79.wordp..
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Caryl Férey
Lëd
(L'action se passe à Norilsk en Sibérie, la ville la plus polluée de la planète, et cette réputation n'est pas surfaite. Il s'y passe des choses inquiétantes, fort inquiétantes, c'était la partie qui manquait à son Norilsk de 2018, sorte de mise en bouche fort sympathique, voici son chaînon manquant.. )

Caryl Férey connaît une ascension fulgurante (dans le monde la littérature), il a eu raison de croire en sa bonne étoile. Je suis dithyrambique. J'avais déjà repéré chez cet homme-artiste de la bonne graine qui peut germer et nous réserver une surprise de taille, en plus sur un terrain qui m'est cher..

Quand j'ai vu arriver ce type il y a quelques années dans une émission littéraire, je me suis dit "oh là, il n'est pas très net celui-là". Où il fume de la moquette ou il picole, ou peut-être les deux, mais il avait une de ces tronches de mec bien allumé, de mec qui a brûlé sa jeunesse, d'aspect punk quadra un peu fatigué. Il régnait alors une tension palpable dans l'émission, et je dois dire que l'animateur prenait un risque. Et puis les autres invités ont commencé à l'écouter avec une sorte de bienveillance. Il disait des choses pas comme les autres dans un français de type qui a vécu, un peu comme un soudard, mais on sentait qu'il avait quelque chose à dire et qu'il ne fallait pas trop en rire. Lui-même tentait de capter le regard des autres pour voir s'il n'effarouchait pas trop ces bonnes consciences, bon chic, bon genre, invitées sur le plateau. Il provoqua quelques rires de bon aloi, tant sa singularité détonait sur le plateau, mais Il passa son épreuve finalement avec mention plutôt : fort intéressant, à suivre.

Ses polars marchaient déjà et il était sur la voie d'entrer en littérature.

Depuis il a fait du chemin le bonhomme, j'ai vu même qu'il avait meilleure mine, sans doute qu'au fil de ses succès, il peut la jouer plus sobre. Je crains même que son petit dernier soit reçu comme une oeuvre lui ouvrant la consécration. Il fait aujourd'hui partie des meilleurs écrivains de sa génération.

Des fois, pour comparer à d'autres nanars qui m'insupportent, d'Orsenna à Rufin qui se la pètent, il me manque les mots pour dire ce que c'est un écrivain, eh ben en voilà un !

Oui ce type là est vraiment la littérature et décoiffe celle qui n'en est pas et qui avait besoin d'un bon coup de dépoussiérage ; une littérature devant relever le nez plutôt que de le piquer dans l'insipidité et l'absence de talent. Trop d'écrivasses avaient pris la place !

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Caryl Férey nous entraine une fois de plus dans une immersion passionnante, cette fois-ci au fin fond de la Sibérie. Dans cette région inhospitalière connue pour ses goulags de l'ère stalinienne, on découvre Norilsk, cette ville industrielle au nord du cercle arctique qui bat régulièrement les records mondiaux de pollution. Dans le froid polaire, des mines de nickel ou de cuivre engloutissent chaque jour des milliers d'ouvriers chargés d'exploiter les gisements. Un travail ingrat et dangereux sans parler des risques pour la santé, les mineurs inhalant chaque jour leur dose de poussières de minerais en suspension, empoisonnant peu à peu leur organisme.
C'est dans cet univers qui ressemble de près à l'enfer sur Terre que l'on fait connaissance avec Gleb, Dasha, Boris, Anya, Lena et les autres personnages secondaires du roman.
C'est pendant une tempête de neige, alors que rien ne semblait pouvoir stopper le déchaînement du vent, par un froid glacial atteignant les –60° degrés que Gleb, Dasha et un chauffeur de taxi passant par-là, découvrent un cadavre congelé. Celui-ci est apparu sous une plaque après qu'une partie du toit d'un immeuble se soit effronté, ne pouvant affronter un nouveau coup de vent plus fort que les précédents. le lieutenant Boris Ivanov est chargé de l'enquête. Une enquête compliquée par les conditions météorologiques extrêmes, le manque de témoins et le peu d'intérêt que représente pour la police locale, la mort d'un Nenets, ces éleveurs de rennes nomades. Une mort qui va vite se transformer en assassinat après les examens réalisés par Léna, l'aide-légiste de l'hôpital local. Mais les investigations vont vite piétiner avant qu'un nouveau drame vienne endeuiller la meilleure amie d'Anya.

Plus qu'un simple polar, l'auteur nous fait découvrir au plus près une population vivant dans ces conditions extrêmes. Passant de l'hémisphère Sud - lieu de plusieurs de ses précédents romans- à la Sibérie du Nord, il nous offre une belle galerie de personnages, plus bouleversant les uns que les autres, tentant de survivre à cet univers de violence et de corruption avec le blanc et le gris comme seul horizon. Un univers qui ne fait pas de cadeaux à ceux qui sont différents par leurs moeurs, leur orientation sexuelle ou leur couleur de peau. Des personnages à la recherche de l'amour et de sensations fortes, même si ces derniers ont souvent le goût de la vodka. Même ici, loin de Moscou, un vent d'ultranationalisme souffle, dopé à la testostérone et facilité par quelques connivences politico- religieuses.
Des personnages forts surnagent malgré tout comme Gleb ce mineur photographe épris des belles choses. Dasha cette belle jeune femme pleine de vitalité qui sort du cadre, cherchant ses véritables racines comme l'amour de sa vie. Ou Boris et Anya ce couple insolite, qui souhaitent être maître de leur avenir, dans un endroit où il fait bon vivre et respirer.
Caryl Ferey s'est rendu sur place et ça se sent par les multiples détails qui fourmillent dans ce roman et qui contribuent à rendre si réaliste cette histoire bien sombre.
Comme dans ses précédents romans il écrit et témoigne sur les souffrances ordinaires d'un peuple qui n'arrive pas à accepter ses origines multiculturelles et multi ethniques. Une richesse qu'il semble plutôt indispensable de cacher et un passé qu'il semble nécessaire de réécrire au plus vite, afin que seule la grandeur de la Russie subsiste. Exit les purges staliniennes, les goulags dont Norilsk garde encore les traces à travers la mémoire des derniers zeks. Grâce à Caryl Ferey on rencontre des gens ordinaires qui, l'espace d'un roman, deviennent les héros d'un quotidien un peu moins ordinaire. Mais ne rêvons pas, la dure réalité finit toujours par rattraper ceux qui ont cru pouvoir la fuir.
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Cette lecture a été très étrange. Lire ce roman qui se passe en Sibérie, avec les implications d'oligarques et le pouvoir de Poutine en arrière plan, même parfois lointain, créait un léger malaise qui entrait en résonance avec l'actualité de la guerre en Ukraine.
Sinon le thriller est bon, bien ficelé, sans temps mort ni exagération, avec certains personnages attachants (même si cela n'a pas été le cas pour tous en ce qui me concerne). Il y a du rythme, une ambiance, un décor, des enjeux (qui dépassent parfois les personnages), la vie quotidienne d'une société qui m'est totalement étrangère, et des crimes (bien entendu).
Je l'ai "lu" en audio, et le comédien est bon. Il ne surjoue pas les personnages, il laisse vraiment toute sa place au texte et à notre imagination de lecteur.
En résumé, une lecture prenante, lu certainement au bon moment pour moi.
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Encore un très bon Caryl Férey, plus mature que ces romans majeurs que sont Mapuche et Condor. Ca démarre lentement, Férey prend le temps d'installer ses personnages - il y en a beaucoup ici - ainsi que le contexte social et politique. On est en Sibérie, Norilsk exactement, à 2814 km au nord-est de Saint-Pétersbourg. Moyenne d'âge: 55 ans. Pollution minière, ancien goulag, jusqu'à -60° en hiver, cette petite ville n'a rien pour plaire et Boris, s'il y travaille maintenant en temps que flic, c'est parce qu'il y a été envoyé pour avoir mis son nez un peu trop près d'une sale affaire.
Etre homo à Norilsk c'est comme être homo en Russie mais en pire, et Gleb et Nikita se cachent en jouant les gros durs pour sauver les apparences. Anya, la frêle petite femme de Boris, se meurt peu à peu à cause de la pollution tandis qu'Ada alias Dasha survit à la morosité de la ville et se fabriquant un style bien à elle, entre cheveux aux couleurs pétantes et fringues uniques.
Norilsk c'est aussi, donc la ville des anciens du goulag qui se fondent dans le décor et celle des Nénets, peuple nomade éleveur de rennes: ni les uns ni les autres n'intéressent les habitants et vivent - et parfois meurent - dans l'indifférence presque générale.
Comme toujours, avec Férey, c'est tragiquement triste car tragiquement réel, d'une noirceur à pleurer.
J'ai trouvé ce roman plus mature car un peu moins mélo-dramatique mais non moins sentimental pour autant. Un passage fort, que je retiendrai: la scène d'amour entre Gleb et Nikita. Innovant, explicite mais pas vulgaire, au contraire.
Pour avoir eu la chance de le rencontrer il y a quelques années, je peux affirmer que c'est un homme au grand coeur et d'une grande ouverture d'esprit. J'ai appris qu'il avait également écrit le récit de son séjour à Norilsk, sorti en 2017, à me procurer donc!
En attendant, voici son témoignage sur la ville et sa relation avec les habitants, sur le lien qui suit:
Lien : https://www.lesechos.fr/week..
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Écrivain voyageur, Cary Férey a pour habitude de séjourner plusieurs semaines, voire plusieurs mois, dans les pays qui servent de matière à ses histoires, à moins que ce ne soit ses histoires qui servent de matière aux pays qu'il souhaite mettre en avant. Sûrement un peu des deux. Il prend la température des lieux, s'approche de ses habitants, se familiarise avec leur culture et leur tradition, s'imprègne de tout un contexte pour mieux transmettre, enseigner, instruire ses lecteurs.

J'avais beaucoup aimé Mapuche qui se passe en Argentine, Condor au Chili. J'avais été déçue par Paz dont l'histoire est en Colombie. Dans celui-ci qui se déroule en Russie, j'ai été conquise. Il rejoint Mapuche et Condor dans mon trio de tête concernant cet auteur.

Nous sommes à Norilsk en Sibérie du Nord. Une ville minière, ultra polluée, qui côtoie les extrêmes, -60° C en hiver avec 3 mois d'obscurité, des pointes à +30°C en été et 3 mois de jour total. L'espérance de vie n'excède pas 56 ans. La grisaille des fumées permanente, une urbanisation désolante. le décor est planté.

A la suite d'une forte tempête, un Nenets est découvert mort, vraisemblablement assassiné. Peu après, c'est une militante écologique qui disparaît. Boris, flic vieillissant marié à Anya une jeune femme naine, muté en guise de sanction dans cette ville inhospitalière, va mener l'enquête un peu envers et contre tous.

L'intrigue policière est assez simple ; elle est surtout prétexte à mieux nous immerger dans le quotidien des habitants de Norilsk, à nous faire tutoyer leurs difficultés, leurs faiblesses, leur force et leur courage, leur optimisme malgré la rudesse de leur vie qui ne les épargne pas. Dans ce roman choral, on côtoiera Gleb et Nikita, un couple homosexuel travaillant à la mine, Lena, médecin légiste mariée à Sacha, mineur, Dasha, amoureuse maladroite en quête de son passé, Shakir, chauffeur de taxi ouzbek et encore d'autres. L'auteur n'a pas son pareil pour décortiquer le lieu où il implante son histoire. C'est toujours très documenté et instructif pour ses lecteurs. L'alcool, bien que nous soyons en Russie, j'ai trouvé qu'ici le Cognac prenait le pas sur la Vodka ... , coule à flot sur les plaies et cicatrices de ces damnés de la terre. Corruption, bien sûr, trafic de minerai de nickel et toute une ambiance qui fait de ce livre un roman fort, bouleversant, sans concession, qui raisonnera longtemps en moi.
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Je viens juste de finir la lecture de Lëd, (glace en russe) de Caryl Férey. Première fois que je lis l'un de ses romans. Quelle claque !!!

Dès la première page, l'auteur nous plonge dans un environnement sombre et glacial.

Norilsk, ville du nord de la Sibérie, située à 300 kilomètres au-dessus du cercle polaire, ancien goulag, -64°C affiche le thermomètre de la mairie, ville l'a plus polluée de la planète. Une cité minière, le plus gros producteur de nickel au monde. Son accès est totalement impossible sans l'obtention d'un tampon du FSB (les services secrets russe).

Norilsk, son isolement totale dans le grand froid, un confinement à vie de ses habitants, avec une espérance de vie ne dépassant pas 55 ans. Une ville d'une laideur terrible, avec ses barres d'immeubles stalinien.

Lors d'une nuit de tempête, par -60°C, au coeur d'un ouragan violet, le toit d'une barre d'immeuble est arraché. Dans les décombres, on découvre le corps d'un nenets, un éleveur de rennes autochtone, congelé et assassiné..

Boris Ivanov, un ancien flic, banni d'Irkoutsk, un peu mis à l'écart, se retrouve à enquêter sur ce meurtre..

Caryl Férey nous offre une immersion dans une Russie de tous les extrêmes, où il aborde plusieurs thèmes récurrents. La dimension politique avec la corruption, le côté écologique avec la pollution, sociale avec l'homosexualité, ethnologique avec les nenets, et historique avec le leg traumatique de l'histoire stalinien.

Dans Lëd, la plume de l'auteur est pleine de tendresse, de poésie et de lyrisme. Une histoire ou le lecteur à envie de tourner les pages non pas pour la résolution de l'intrigue, mais pour savoir quels sont les personnages qui vont s'en sortir..

Un gros, gros coup de coeur !


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