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Lëd « de
Caryl Férey , nous offre à travers une fresque humaine et littéraire puissante, un roman noir conge
lé dans le champ glacé des mines de Sibérie. Les dérives mafieuses de l'état russe, s'illustrent avec délice comme si les droits de l'homme chers aux lumières, n'avaient pu survivre aux froids intenses des goulags.
Dans ce roman Choral d'une telle richesse, je suis guidé par la crainte de trahir les découvertes de l'auteur. le passage sur le Mémorial, est essentiel en ce mois de novembre 2021.
JOUR SOMBRE JEUDI NOIR.
Les radios annonçaient le jeudi 25 novembre 2021 que le Mémorial Russe déclaré ennemi de la Russie allait être interdit.
Memorial International est une ONG russe fondée en 1989, au moment de la perestroïka, pour perpétuer la mémoire des répressions soviétiques, la mémoire des Goulags et oeuvrer à la défense des droits de l'homme en Russie.
POURQUOI le CHOIX de
NORILSK ?
Norilsk est un lieu baigné par les vapeurs de la vodka. Il émerge de ce froid sibérien, maintenant libéré des chaînes du Goulag, des survivants broyés dans cet enfer ou confrontés à un avenir proche de Zéro.
Une ville fermée dans laquelle il faut l'autorisation du FSB ( les services secrets russes ) pour y circuler.
Il faut être complètement rincé à la vodka pour y écrire un livre, ou s'appeler
Caryl Férey. le titre du livre,
Lëd , cache derrière ces 3 lettres une immense fresque de la Russie de 2021, une actualité brûlante, une vérité incandescente, un missile aussi plus puissant que les révélations des lanceurs d'alertes.
Car la vie ne fait plus de cadeaux à
Norilsk , la vil
le de Sibérie la plus au nord est la ville la plus polluée au monde. Dans ce bout d'univers, les températures descendent sous les 60°C, en oubliant souvent de remonter.
Un lieu quasi apocalyptique, une cité minière aux mains d'oligarques russes, que
Caryl Férey a justement choisi pour instruire le plus tranchant des réquisitoires contre
le délabrement d'un pays, rongé par la fraude généralisée, la pègre, la pollution, la violence...
L'enchaînement des enquêtes sur les deux premiers morts tisse une intrigue policière finement ciselée, à la rencontre de personnages sensibles, cassés mais attachants. Derrière les acteurs du drame dans ce lieu oublié, apparaît en perspective un projet universel et si actuel : espérer le respect par l'état des droits humains.
Le premier cadavre est un Nénets. Les Nénets forme une minorité comme les Samis en Norvège, une ethnie autochtone de l'Arctique vivant de l'élevage des rennes. Les faire disparaître est un jeu d'enfant, Où sont-ils ?
Ont-ils seulement une identité ? Une CNI ? Quel est leur pays ?
La reconnaissance des minorités, est encore loin d'être réalisée ici en Russie, comme en Australie. Cet écho donné par Karyl
Férey dans ce livre, est déjà une forme de reconnaissance nouvelle, courageuse et inattendue.
Le deuxième crime nous transporte dans les mines de Nickel, cité devenue un lieu irréel aux mains d'oligarques russes. La jeune Valentina retrouvée surgelée était une militante écolo cherchant à mettre en évidence toutes les formes de nuisances causées par son exploitation, puis à informer toute la cité des conséquences sur leur santé.
la cité minière représente près de 4 % du total du PNB de la Russie. Dans ces froids extrêmes il est trop faci
le de soustraire une partie du butin dans des hangars où l'air que l'on respire est hautement toxique.
Le combat le plus extrême sera celui de Gleb. le mineur-boutefeu qui doit vivre son homosexualité, cacher ses émotions, et protéger son ami. Au moindre soupçon les homosexuels sont placés en prison, devenant des jouets de torture pour les autres détenus.
Gleb Berensky, est le mineur chargé de poser les explosifs. le travail est inhumain et les cadences infernales. Surdimensionnés, les marteaux-piqueurs ne sont même plus à taille humaine.
La profondeur du récit, et la précision chirurgica
le de
Caryl Férey, pour disséquer les rouages complexes des fraudes généralisées, laissent cependant une place aux acteurs des drames qui secouent cette communauté.
Souvent contraints une fois libérés de rester à
Norilsk comme piégés par la glace, ou
Lëd, les anciens prisonniers côtoient leurs bourreaux.
La virtuosité du sty
le de Caryl dessine des personnages bien plus colorés que la grisaille qui les entoure. Leurs sentiments sont puissants, et leur sensibilité affleure à tous moments. Leur solidarité s'exprime avec violence, dans une spontanéité gratuite. Sous la plume de
Caryl Ferey, Dascha devient la femme en bleu car la couleur de ses cheveux doit exprimer une forme de bonheur.
Son drame sera d'autant plus douloureux que Boris le policier aura imaginé la pire des machinations faire de son mari un picoleur impénitent.
Ainsi je ferme ce livre, avec dans l'oreille la voix de
Pierre Lognay, qui par sa lecture chatoyante de Valentina, larmoyante de Nikita ou vorace de Shakir a su capter la nature intime de personnages aussi différents que Gleb et Dasha ou cel
le de l'autre imbéci
le de Boris Ivanov.